L’écrivain Sylvain Tesson a accompagné le photographe animalier Vincent Munier sur les hauts plateaux tibétains pour y traquer la panthère des neiges. Il en a ramené un livre couronné en 2019 par le Prix Renaudot et un film éponyme.
Déjà, il y a quelques années, son journal de voyage Dans les forêts de Sibérie avait été transposé à l’écran. Le parti retenu était celui d’en faire une fiction et de confier son rôle à un acteur professionnel, Raphaël Personnaz. Ici, le parti est différent : il s’agit d’un documentaire où les deux explorateurs sont filmés de front (par une camerawoman, Marie Amiguet, silencieuse et invisible, dont l’identité n’apparaît guère qu’au générique).
Le dispositif soulève d’ailleurs quelques interrogations : quelles sont les scènes qui ont été captées telles quelles ? Quelles sont celles que la réalisatrice a dû demander aux deux hommes de rejouer pour elle ?
Le livre de Sylvain Tesson a eu un grand succès. il ne fait guère de doute que ses lecteurs seront les premiers attirés et séduits par ce film qui, sans surprise, lui ressemble. Il donne d’abord à voir des paysages majestueux, que la seule lecture du livre laissait imaginer. Il montre ensuite deux hommes unis dans un même idéal sympathique : celui d’une communion intime avec la nature dont ils observent la vie sauvage grâce à de longs affûts silencieux. Il est enfin efficacement construit autour d’un suspense que, hélas, son affiche divulgâche : réussira-t-on ou pas à débusquer la mystérieuse panthère des neiges et à en ramener l’image ? Oui nous répond d’ores et déjà l’affiche
La Panthère des neiges est toutefois handicapée par deux défauts à mes yeux rédhibitoires.
Le premier est le bavardage assourdissant et paradoxal de ses protagonistes pourtant censés nous faire partager le silence des hauts plateaux tibétains. On les aurait aimés plus réservés, d’autant que les aphorismes qu’ils enchaînent sont autant de perles qu’ils enfilent.
Le second, plus inquiétant, est l’idéologie qui se devine derrière cette passion revendiquée pour la faune sauvage. Une idéologie volontiers conservatrice sinon rétrograde qui postule que tout était mieux avant, que la nature était parfaite et que l’intervention de l’homme en a perturbé l’équilibre et altéré la beauté. Une idéologie hors sol qui filme longuement les plateaux tibétains sans dire un mot de la région dans laquelle on se trouve ni de la répression coloniale que l’occupant chinois y mène.
Ping Sur les chemins noirs ☆☆☆☆ | Un film, un jour