Pour lutter contre le vieillissement de sa population qui obère ses finances publiques, le Japon a mis en place un plan d’accompagnement à l’euthanasie dénommé Plan 75 destiné – comme son nom l’indique – aux plus de soixante-quinze ans. Michi, une octogénaire, qui vient de perdre son emploi de femme de ménage dans un grand hôtel et dont le logement va être détruit sans espoir d’en retrouver un rapidement, se résout à y souscrire. Hiromi, un jeune cadre, a été embauché par l’organisation en charge du Plan 75 et a la responsabilité de convaincre des retraités de signer ces contrats. Maria enfin est une Philippine, émigrée au Japon et travaillant au chevet des personnes âgées pour y économiser la somme nécessaire à l’opération de sa petite fille de cinq ans, atteinte d’une grave malformation cardiaque.
Plan 75 est un film glaçant et dérangeant qui évoque immanquablement Soleil vert, le film d’anticipation américain avec Charlton Heston et Edward G. Robinson qui a marqué tant de spectateurs. Soleil vert était un film de science-fiction censé se dérouler à New York en 2022 (sic) dans une mégalopole écrasée par la chaleur, manquant d’eau et de nourriture.
Plan 75 est moins apocalyptique. Le Japon qui y est filmé ressemble à s’y méprendre au Japon d’aujourd’hui. Son eugénisme n’en est que d’autant plus crédible et d’autant plus effrayant.
Plan 75 est un film minimaliste, sans effets spéciaux tape-à-l’oeil, sans rebondissements renversants. Il se contente de raconter l’histoire de trois ou quatre personnages (aux trois évoqués dans mon résumé, il faut peut-être rajouter Yoko, une autre employée de l’organisation, chargée de l’accueil téléphonique, qui noue avec Michi une relation filiale) dont on anticipe qu’ils finiront par se rencontrer. Une de ses plus grandes qualités est de dévoiler très progressivement les grandes lignes de ce programme eugéniste sans verser pour autant dans l’horreur anthropophage de Soleil vert – où Charlton Heston finit par découvrir que les corps reconditionnés des morts servent à nourrir les vivants.
Loin de tout artifice science-fictionnel, Plan 75 pose frontalement la question de la place des personnes âgées – et des plus faibles – dans nos sociétés contemporaines. Il interroge notre capacité et notre disponibilité à leur faire une place. Elle représente une charge financièrement et surtout émotionnellement très lourde que la tentation est grande de déléguer à des institutions spécialisées et ségrégées et d’y employer des personnels immigrés (des Philippins au Japon).
Si les sujets du vieillissement, de l’euthanasie et de l’eugénisme sont universels, ils ont au Japon un écho particulier. En raison d’abord du vieillissement de la population du pays, parmi les plus âgées au monde du fait d’une espérance de vie très élevée, d’une natalité faiblissante et d’une immigration cadenassée. En raison aussi d’un trait particulier de la psychologie japonaise où l’idée de peser sur les autres, d’être à leur charge est intolérable. Si bien qu’il est fréquent d’y voir des personnes âgées voire très âgées toujours en activité, employées à des tâches pourtant très usantes.
Amateurs de feel-good movie, sexagénaires que la perspective de la retraite effraie, lecteurs de Cioran obsédés par la mort ou le suicide, passez votre chemin ! Ce film n’est pas pour vous !
Ah, Soleil Vert, m’a poursuivi toute ma vie! Et voici que mon tour arrive… Je le sens venir… ne plus se sentir utile…