Inès (Louise Bourgoin) élève seule son fils Adam, collégien de quatorze ans. En retard de loyers, menacée d’expulsion dès la fin de la trêve hivernale, elle recherche désespérément un emploi. Elle en trouve un chez Anti-squat, une société qui, sur la base d’un nouveau dispositif législatif, gère des locaux vacants pour du logement ou de l’insertion social, dans l’attente d’une réhabilitation ou d’une vente.
Nicolas Silhol répète dans Anti-Squat les mêmes recettes que celles utilisées dans son précédent film, Corporate. Céline Salette y jouait, avec la même conviction que Louise Bourgoin ici, le rôle d’une employée de la DRH d’une multinationale recrutée pour réduire à moindre coût sa masse salariale en poussant les travailleurs surnuméraires à la démission pour lui éviter le versement de lourdes primes de licenciements.
Comme celle de Corporate, l’héroïne de Anti-Squat est recrutée par des suppôts du libéralisme qui utilisent la loi à leur propre avantage : certes proposer à des mal-logés un logement temporaire dans des bureaux vides (ce qui n’est, tout bien considéré, ni idiot ni inhumain), mais les utiliser comme une main d’œuvre servile pour réhabiliter à moindres frais ces locaux et les expulser sans respecter les délais légaux dès qu’un acheteur se sera annoncé.
Comme celle de Corporate, l’héroïne de Anti-Squat, contrainte d’accepter un emploi qui l’oblige à des actes qu’elle réprouve (fliquer ses locataires, mettre à la rue ceux qui ne respectent pas le logement, les tromper sciemment sur l’échéance de leur bail…), finira par se rebeller contre le système qui l’asservit.
Bien sûr, on ne pourra que sympathiser avec cette figure héroïque, confrontée à un si cruel dilemme, essayant tant bien que mal de conserver un peu d’humanité et de dignité. On le fera d’autant plus que son cœur penche à gauche – même si, chacun sait depuis 1974 que la gauche n’a pas le monopole du cœur.
Pour autant, cinématographiquement parlant – puisque c’est au cinéma que ce blog est consacré et pas au capitalisme ou à ses dévoiements – Anti-Squat ne vaut pas tripette avec son manichéisme simpliste auquel n’échappe pas un épilogue improbable et racoleur. La figure du prolétaire moderne, privé de dignité par le système, est autrement convaincante quand c’est Stéphane Brizé qui la filme et Vincent Lindon qui l’interprète (En guerre, Un autre monde).