Nos batailles ★★★☆

Olivier (Romain Duris) a la vie d’un Français qui se lève tôt. Il travaille dans un grand groupe de vente à distance et y montre, en qualité de représentant syndical, un engagement sans faille pour défendre les intérêts de ses camarades. Sa vie de famille, auprès de Laura et de leurs deux enfants, Eliott et Rose, semble sans nuage.
Mais tout s’effondre lorsque Laura quitte, sans une explication, le domicile conjugal.

Quand Olivier Adam et Stéphane Brizé se rencontrent.
On se souvient de Nos vents contraires, le livre d’Olivier Adam, adapté au cinéma en 2011 avec Benoît Magimel dans le rôle principal : l’histoire d’un père et de ses deux jeunes enfants, brisé par le départ de sa femme.
On se souvient également du dernier film de Stéphane Brizé, En guerre, où Vincent Lindon jouait le rôle d’un syndicaliste prêt à tout pour sauver l’emploi de ses camarades menacé par le dépôt de bilan de la PME qui les emploie.

Guillaume Senez, déjà remarqué en 2016 pour son premier film, l’excellent Keeper, traite avec une grande justesse un sujet qui aurait pu être casse-gueule et tire-larmes. Comme Gone Girl ou Je vais bien ne t’en fais pas, son film est construit autour d’un mystère : pourquoi Laura est-elle partie ? On attend une révélation coup de théâtre : elle a voulu épargner à ses proches sa mort annoncée d’un cancer foudroyant ou bien elle a été kidnappée par un serial killer. Je vous laisse découvrir la réponse à cette énigme.

Mais l’essentiel est ailleurs. Le film n’a pas Laura pour personnage principal mais bien Olivier. De chaque plan, c’est lui qu’on suit passant de l’incompréhension à la rage puis à l’accablement. C’est sur lui que repose désormais l’éducation de ses deux jeunes enfants dont il avait eu tendance à reporter la responsabilité sur sa femme.

Dans un rôle où on ne l’attendait pas, l’excellent Romain Duris a la colère rentrée du personnage de Vincent Lindon et le cœur brisé de celui d’Olivier Adam. Aussi excellente que soit sa composition, c’est celles de Laure Calamy et de Laetitia Dosch que je veux saluer. Dans le rôle de la camarade de lutte et de cœur, la première, souvent vue (notamment dans le récent Mademoiselle de Joncquières) est parfaite. Dans celui de la petite sœur appelée à la rescousse par son grand frère pour s’occuper de ses enfants, la rousse seconde confirme les espoirs placés en elle depuis Jeune femme.

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La Saveur des ramen ★☆☆☆

Le père de Masato vient de mourir. Depuis la mort de sa femme, il s’était muré dans le silence. Il tenait un restaurant de ramen au Japon. Son fils travaillait avec lui.
En rangeant les affaires de son père, Masato trouve le journal intime de sa mère, d’origine chinoise, rencontrée à Singapour. Cette découverte l’incite à partir à Singapour sur les traces de son passé.

Depuis Tampopo (1985) jusqu’aux Délices de Tokyo (2015), la gastronomie japonaise fait recette au cinéma. Eric Khoo, qu’on avait connu plus imaginatif, par exemple dans Apprentice (le portrait bouleversant d’un jeune garde pénitentiaire affecté auprès du bourreau chargé de procéder à une exécution capitale) ou dans Hôtel Singapura, en appelle autant à nos glandes salivaires que lacrymales.

L’histoire qu’il raconte n’a rien de très original. Elle est rythmée par des retrouvailles convenues : avec un oncle cuisinier, avec une grand-mère repentante. À quoi s’ajoute une vague bluette avec une guide gastronomique – qui, à vue de nez, semble avoir une bonne quinzaine d’années de plus que notre héros … mais bon …

Il y avait pourtant à cette histoire sino-japonaise se déroulant à Singapour une dimension historique voire géopolitique. L’occupation par le Japon impérial de la colonie britannique a ouvert des cicatrices qui ne sont pas toutes refermées. Comme le montre l’exposition que visite Masato, elle fut d’une particulière cruauté, entretenant parmi la population chinoise de l’État indépendant depuis 1965 un solide racisme anti-nippon. Aussi l’histoire de Masato et de ses parents se veut-elle une réponse à ces rancœurs ataviques, une lueur d’espoir annonçant une impossible réconciliation entre deux peuples que l’Histoire avait opposés. Le réalisateur préfère hélas filmer des nouilles en pleine cuisson. Dommage…

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Halloween ★☆☆☆

Quarante ans ont passé depuis la nuit d’Halloween où Michael Myers, un dangereux psychopathe échappé de l’hôpital psychiatrique où il était soigné depuis qu’il avait assassiné, à six ans seulement, sa propre sœur, a tenté d’assassiner Laurie Strode.
Laurie Strode (Jamie Lee Curtis) ne s’est jamais vraiment remise de cette nuit d’horreur. Elle a passé l’essentiel de sa vie à craindre d’être à nouveau face au mystérieux tueur. Elle a élevé sa fille dans cette hantise, provoquant sa brutale prise de distance à l’adolescence.

Le film mythique de John Carpenter, tourné en 1978, a initié un genre : le slasher, qui met en scène un tueur psychopathe et souvent masqué assassinant à l’arme blanche des jeunes gens. Il a connu bien des suites, même si John Carpenter a toujours refusé de repasser derrière la caméra.

Halloween 2018 prétend revenir aux sources de la franchise en ignorant tous les autres films existants. On y retrouve Jamie Lee Curtis, désormais grand-mère avec sa fille et sa petite fille – qui a désormais l’âge qu’avait Laurie Strode quarante ans plus tôt et se retrouvera bon an mal dans les mêmes situations qu’elle. La musique est composée par John Carpenter qui avait déjà signé celle de son film en 1978.

Le problème de Halloween 2018 est précisément d’arriver quarante ans après l’original et de vouloir en reproduire, sans y rien changer, les mêmes recettes. Ce qui était terriblement novateur en 1978 ne l’est plus guère en 2018. On a trop vu de slashers pour trembler devant un psychopathe masqué surgissant du placard en brandissant un couteau. On s’ennuie ferme d’autant que Jamie Lee Curtis semble trop invulnérable pour qu’on doute un seul instant qu’elle ne finira par prendre le dessus sur son atavique adversaire.

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Le Grand Bain ★★★★

Bertrand (Mathieu Amalric), Laurent (Guillaume Canet), Marcus (Benoît Poelvoorde), Simon (Jean-Hugues Anglade) et Thierry (Philippe Katerine) ont plusieurs points en commun : ils sont quadragénaires, dépressifs, bedonnants et… pratiquent la natation synchronisée sous la direction de Delphine (Virginie Efira), une ancienne championne.

Annoncé par un bouche-à-oreille élogieux et une campagne de presse menée tambour battant, voici le film français le plus populaire de l’année, qui ralliera toutes les classes d’âge et les catégories socio-professionnelles, Paris et la province, qui battra des records d’audience et récoltera une moisson de Césars en février prochain.

Le pari est audacieux ? Pas vraiment. Le Grand Bain rassemble tous les ingrédients du feel good movie à succès. C’est un film comique (on sourit à la quasi-totalité des dialogues et on se prend à rire plus souvent qu’à son tour) sur un sujet sérieux (la crise de la quarantaine, la dépression, le chômage, le manque d’amour). C’est un film triste (chaque personnage est à sa façon dérisoire) sur un sujet drôle (des mâles pas vraiment sexy qui jouent aux sirènes aquatiques). Comme Le Sens de la fête l’an passé, Le Grand Bain trouve le juste équilibre entre la comédie potache et le film à thèse.

Évidemment, on invoquera The Full Monty voire on criera au plagiat. Le film de Gilles Lellouche reproduit dans les moindres détails celui de Peter Cattenao qui voyait une troupe de chômeurs anglais jouer aux Chippendales. Mais est-ce si grave ? Quel mal y a-t-il à reprendre les recettes d’un film réussi, vieux de plus de vingt ans, que la majorité des spectateurs au demeurant n’ont peut-être pas vu ?

Le Grand Bain a sur The Full Monty un avantage. C’est un film français qui met en scène une brochette d’acteurs célèbres et familiers. Chacun campe à sa façon un personnage qui  ressemble à ceux qu’il a déjà campés, créant du coup chez le spectateur une familiarité attendrissante avec eux : Mathieu Amalric est asthénique, Guillaume Canet est hyperactif, Benoît Poelvorde est fanfaron. Le plus étonnant peut-être, celui à qui j’attribuerais sans hésitation le César du meilleur second rôle, est Philippe Katerine. En gardien de piscine, condamné au chômage par son imminente automatisation, il est pathétique, drôle et émouvant.

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L’Amour flou ★★★☆

Philippe Rebbot et Romane Bohringer se sont aimés et ne s’aiment plus. Les deux acteurs ont vécu ensemble pendant dix ans et ont fait deux enfants, Rose et Raoul. Mais le désamour est venu et la séparation semble inéluctable. Mais les deux parents n’arrivent pas à se séparer de leurs enfants et imaginent une solution immobilière innovante pour se quitter sans s’en éloigner : vivre dans deux appartements aux entrées distinctes, reliées entre eux par la chambre des enfants.
C’est cette histoire autobiographique que les deux acteurs mettent en scène et filment, en sollicitant leurs familles, leurs amis pour interpréter leurs propres rôles.

Il a fallu un sacré culot à Philippe Rebbot et à Romane Bohringer pour raconter sans fard la part intime de leur histoire. Ils le font avec une étonnante impudeur, sans jamais chercher à se donner le beau rôle, sans jamais pour autant verser dans le narcissisme ou l’exhibitionnisme. Lui est cet adolescent cinquantenaire, le cheveu en pétard, le poil mal rasé, tentant sans succès, avec sa casquette et son skate, de paraître plus jeune qu’il n’en a l’air. Elle a la tête sur les épaules, vit bien ses rides, mais n’a rien perdu de sa fougue juvénile.

Les anecdotes comiques s’enchaînent, dont on se demande quelle est la part d’histoires vécues ou imaginées. On voit passer Réda Kateb, hilarant en psychologue canin, Clémentine Autain, pas vraiment à l’aise devant la caméra, un proviseur à moumoute, deux voisins homos en quête de mère porteuse et des psys en pagaille.

Pour particulière que soit l’histoire de ces deux bobos, elle dit quelque chose de notre temps. Elle raconte une forme de post-soixante-huitardisme assumé. Cette génération entend vivre comme elle l’entend, sans les totems ni les tabous que ses aînés ont désacralisés, et opérer des choix de vie sans se les laisser dicter. Mais, à la différence de la génération précédente, autrement plus iconoclaste, elle fait de la famille, qu’elle soit nucléaire ou étendue, l’horizon indépassable de son bonheur : il n’y a pas d’amour plus grand que celui qu’elle nourrit pour ses bambins, pas de fidélité plus durable que celle qui la rapproche de ses parents.

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First Man – le premier homme sur la Lune ★★☆☆

L’homme derrière la légende. Neil Armstrong, on le sait, est le premier homme à avoir posé le pied sur la lune le 21 juillet 1969. First Man raconte son histoire.

Après le succès planétaire de La La land, on attendait impatiemment le nouveau film du duo Damien Chazelle / Ryan Gosling. On le retrouve dans un biopic hollywoodien, loin de la comédie musicale qui leur valut quatorze nominations – et six statuettes – aux derniers Oscars. Mais que ceux qui ont, comme moi, adoré La La land ou ceux qui, à mon plus grand étonnement, ne l’ont pas aimé aillent voir sans idées préconçues First Man : ce film-ci n’a pas grand chose à voir avec celui-là.

La conquête de l’espace a déjà donné lieu à plusieurs films remarquables. Le meilleur est sans doute L’Étoffe des héros de Philip Kaufman (1983) qui en raconte les premiers développements, avant le programme Apollo. Le plus patriotique est sans hésitation Apollo 13 de Ron Howard (1995). Le parti pris retenu par Damien Chazelle est tout autre, sans qu’il soit évident de le rattacher à notre époque et à l’image qu’elle porterait sur cette page glorieuse de l’histoire américaine : il est profondément anti-héroïque.

Ryan Gosling, comme à son habitude, affiche la mine renfrognée qui constitue sa marque de fabrique sans qu’on parvienne à décider s’il s’agit du degré zéro du jeu d’acteur ou au contraire de la preuve éclatante de son talent. Il ne sourit jamais, ne prononce pas un mot, vit sa vie à travers la visière de son casque d’astronaute ou de la vitre qui le sépare de son épouse – dont on apprendra, en allant chercher sur Wikipedia pour confirmer une intuition suscitée par la dernière scène du film, qu’il divorcera quelques années plus tard. Cette profonde mélancolie a une cause que les premières scènes du film éclairent : Neil a perdu sa petite fille, Karen, avant ses trois ans, victime d’une tumeur au cerveau.

Mais contrairement à son titre et à son affiche, First man raconte au moins autant la vie de Neil Armstrong qu’il ne fait l’histoire des programmes Gemini et Apollo. Il raconte trop rapidement la course que se livraient les États-Unis et l’URSS. Il ne dit pas un mot des enjeux scientifiques. Il évoque trop brièvement les critiques que ce programme dispendieux a suscitées, à l’heure où l’argent manquait pour assainir New York ou traiter efficacement la question raciale.

Son parti pris est de nous montrer, pour mieux nous les faire partager, les dangers et la précarité de ces expéditions. Filmées en caméra subjective, depuis l’intérieur de la carlingue effroyablement exigüe et terriblement claustrophobique, elles sont l’occasion des meilleures scènes du film, même si leur répétition finit par lasser. La fusée tremble, les aiguilles s’affolent, les commandes ne répondent plus, l’oxygène vient à manquer, la navette part en vrilles… what else ?

Le problème de ces séquences est qu’on sait par avance comment elles vont finir. Si Neil Armstrong est dans l’habitacle, on sait qu’il survivra. En revanche, s’il n’y est pas, ses camarades astronautes ont de quoi se faire du souci. Autre problème : la construction du film qui laisse la portion congrue à la mission Apollo 11. Elle est expédiée en une vingtaine de minutes, alors qu’on l’attendait depuis la première image. Et, si on nous a expliqué que l’opération la plus délicate de la mission serait, au retour, le rendez-vous en orbite lunaire du LEM et de Columbia, First man ne le filme même pas, faute d’avoir déjà épuisé tout son carburant.

On sort de First Man à moitié convaincu. On a eu pour son argent de sensations fortes et de paumes moites. Mais on est bien loin de l’enthousiasme suscité par La La Land et par L’Étoffe des héros.

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Sans jamais le dire ★★☆☆

Lena est une jeune et jolie collégienne. Elle vit au sein d’un foyer uni, même si elle a le sentiment que ses parents consacrent plus de temps à son frère handicapé qu’à elle. Elle a une meilleure amie avec laquelle elle échange des confidences.
Tout bascule le jour où son professeur de mathématiques la viole.
Au lieu de parler, Lena se mure dans le silence et bascule bientôt dans la dépression. Après une tentative de suicide, elle est internée dans un établissement psychiatrique.

Nous vient de l’Est ce film dur, âpre, tranchant comme le couteau avec lequel Lena tente de se cisailler les veines.

On imagine volontiers ce que le sujet aurait donné aux États-Unis où l’asile psychiatrique a constitué le cadre de bien des scénarios. Un héros/une héroïne résiliente y aurait repris son destin en main, coalisant les autres malades contre une institution aveugle et sourde à leurs besoin réels. On pense à Vol au-dessus d’un nid de coucou de Milos Forman, Une vie volée de James Mangold ou, plus récemment, Paranoïa de Steven Soderbergh.

Mais le film de la jeune Slovaque Tereza Nvotova n’emprunte pas ces chemins tracés d’avance. Son personnage principal est une victime, pas une héroïne. Elle ne trouve autour d’elle aucune bouée de secours. Non pas qu’elle soit entourée d’ennemis ; mais simplement que personne, ni sa famille pourtant aimante, ni sa meilleure amie qui lui rend fidèlement visite, ni la malade dont elle partage la chambre à l’hôpital, ne lui tende la main.

Sans jamais le dire ne se contente pas de raconter ce lent étiolement. Le scénario, coupé d’ellipses qui en troublent parfois la compréhension, connaît quelques rebondissements. Pour autant, le film ne se termine pas par un happy end. La scène finale est ouverte à toutes les interprétations : Lena réussit-elle enfin à dire non à un garçon ? ou bien s’est-elle à jamais murée dans un silence dont elle ne sortira jamais ?

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Le Procès contre Mandela et les autres ★★☆☆

Le 11 juillet 1963, la quasi-totalité des dirigeants de l’ANC (African National Congress) sont arrêtés à Rivonia dans la banlieue de Johannesburg. Ils sont jugés entre octobre 1963 et juin 1964 devant la haute Cour du Transvaal à Pretoria. Pour les huit inculpés, accusés de conspirer contre la sûreté de l’État, et au premier chef pour leur leader Nelson Mandela, la condamnation à mort semble certaine.

S’il n’existe aucune image du procès de Rivonia, l’intégralité des débats a été enregistrée, notamment le long discours – de près de quatre heures – de Nelson Mandela avec lequel le leader noir est entré dans l’Histoire. Les bandes sonores représentant plus de deux cent cinquante heures d’enregistrements moisissaient dans les archives sud-africaines. C’est grâce à un procédé d’invention française, l’archéophone de Henri Chamoux, qu’elles ont été décryptées et restaurées.

Pour accompagner ces enregistrements sonores, les co-réalisateurs Nicolas Champeaux et Gilles Porte utilisent deux techniques. Le premier, classique, est d’interviewer les survivants du procès et leurs proches : les accusés Andrew Mlangeni, Ahmed Kathrada et Daniel Goldberg, la femme de Nelson Mandela, le fils de Walter Sisulu, le fils du procureur Percy Yutar. Le second est plus original même si son usage se développe : ils ont demandé au dessinateur Oerd van Cuijlenborg d’illustrer les scènes d’époque.

On découvre ainsi une page méconnue de l’Histoire de l’Apartheid. Sans doute l’injustice de ce régime nous était-elle déjà connue ; mais la résistance des mouvements anti-apartheid nous l’était moins comme le courage de ses leaders avant leur incarcération au bagne de Robben Island. Cet oubli est réparé grâce au documentaire aussi instructif qu’émouvant de Nicolas Champeaux et Gilles Porte.

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The Predator ★☆☆☆

Les prédateurs sont de retour sur Terre. Venus d’une autre galaxie grâce à leur technologie de pointe, dotés d’une force prodigieuse et d’un instinct meurtrier, ils semblent n’avoir pour seul but que de faire de l’humanité leur proie.
Sur leur route se dressent deux hommes : un sniper coriace et son fils autiste et surdoué.

La série continue. Après Predator (1987), Predator 2 (1990) et Predators (2010), voici The Predator, en attendant peut-être A Predator ou Predator ! ou Predator.com.

Le film de Shane Black est un naufrage quasi-complet, en dépit (ou à cause ?) de son budget de 88 millions de dollars. Tout y est frelaté. Le scénario qui démarre au ralenti, ne décolle jamais et s’achève mollement. Si les acteurs – dont la seule qualité est d’avoir fait du mannequinat avant de passer derrière la caméra – sont agréables à regarder, cela ne garantit pas qu’ils sachent jouer. Quant au gamin autiste et surdoué, caché derrière ses cheveux mal coupés, il mériterait l’Oscar intergalactique du môme le plus caricatural.

Seul élément qui rachète de justesse ce film dispensable : la bande de frappadingues qui accompagnent les héros dans leur résistance à l’envahisseur et leurs dialogues déjantés qui entraînent tout d’un coup The Predator hors des sentiers battus.

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The House That Jack Built ☆☆☆☆

J’ai grandi avec Lars Von Trier. Ses premiers pas au cinéma coïncident avec la naissance de ma cinéphilie. Je me souviens encore de Breaking The Waves, vu en 1996 lors de ce qui était à l’époque une des toutes premières séances du matin. J’étais tombé immédiatement amoureux d’Emily Watson et lui avais prédit le destin d’une star. Je me souviens de Les Idiots, de sa folle liberté, de son audace transgressive. Je me souviens de Dogville, de sa mise en scène épurée, de l’intelligence machiavélique de son scénario. Je me souviens, plus récemment de Melancholia, de ses premiers plans, d’une beauté plastique digne d’un tableau de maître, de la beauté catatonique de Kirsten Dunst.

Et puis je me souviens aussi de Antechrist, de mon incompréhension face à ce long huis clos, de mon dégoût devant ce sexe mutilé filmé en gros plan. Je me souviens de Nymphomaniac, d’une longue succession de Scènes SM mettant en scène Charlotte Gainsbourg, dont ni la douleur ni le plaisir ne m’étaient compréhensibles.

C’est donc lesté de tous ces souvenirs, bons ou mauvais, que j’ai abordé le dernier film du maître danois qui fit, comme de bien entendu, un scandale au dernier festival de Cannes. Comment aurait-il pu en être autrement pour un réalisateur qui y avait tenu, neuf ans plus tôt, des propos pour le moins ambigus sur le nazisme ? Car, stratégie inconsciente ou volonté délibérée, Lars Von Trier choque et y prend manifestement du plaisir.

The House That Jack Built ne laissera pas indifférent. On y voit un tueur en série (Matt Dillon, qui a bien vieilli depuis Rusty James et dont la carrière prometteuse a été cannibalisée par ses quasi-sosies James Carrey et Matthew McConaughey) d’une cinquantaine d’années raconter cinq de ses crimes. Le procédé n’est pas d’une grande subtilité. Il permet au scénariste de coller bout à bout cinq historiettes – qui auraient tout aussi bien pu être montées dans un autre ordre. Il présente surtout, du point de vue du spectateur l’inconvénient de scander ce film de deux heures trente en cinq tranches de trente minutes environ chacune, qu’on accuse l’une après l’autre comme autant de passages obligés d’une pièce en cinq actes.

Qu’y voit-on ? Un tueur en série qui en rappelle d’autres. Au premier chef Patrick Bateman, le héros de American Psycho, qui commettait en toute impunité des crimes sordides. On ne sait d’ailleurs ce qui est le plus dérangeant de la barbarie de ses crimes (une automobiliste en panne tuée à coups de cric, une mère et ses deux enfants tuées à la carabine comme du gibier de chasse, une femme dont Jack découpe les seins parfaits…) ou de l’impunité dans laquelle cet assassin, peu soucieux de couvrir sa trace, les commet. Le châtiment, s’il arrive lors d’une tardive catabase (à vos dictionnaires !) patauge dans des références mythologiques sinon psychanalytiques qui pèsent des tonnes.

Les crimes en série de Jack sont racontés avec un humour pince sans rire, un second degré, qui tout à la fois en atténuent la monstruosité (on ne sursaute jamais pas plus qu’on ne s’angoisse) et en accroissent l’inhumanité (Jack ne tue pas des êtres humains mais traite des « matériaux »). Car, en commettant ces crimes, Jack entend signer un geste d’artiste. Délire psychotique où Lars Von Trier, mi-lard mi-cochon, fait mine de suivre son héros. Et c’est là qu’on décroche. Définitivement. Car s’il n’est pas question d’imposer à un artiste le respect d’une quelconque moralité, si le beau comme le laid, le sublime comme le sordide, peuvent et doivent être montrés, l’art ne saurait avoir pour objet de glorifier le laid, de magnifier le sordide. La complaisance de Lars Von Trier, le plaisir malsain qu’il prend à choquer le bourgeois (qui en a hélas vu d’autres) sont les limites de son génie. Il les a dépassées. Puisse-t-il dans ses derniers films comprendre que son talent s’y égare.

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