Copyright Van Gogh ★★☆☆

À Dafen, près de Shenzhen, dans le sud de la Chine, des milliers de peintres reproduisent à la chaîne les chefs d’œuvre de la peinture occidentale qui seront ensuite exportés en Europe et aux États-Unis et vendus à vil prix.
Parmi eux, Zhao Xiaoyong s’est spécialisé dans les reproductions des œuvres de Van Gogh. En une vingtaine d’années, à des cadences infernales, les apprentis de ses ateliers, sa femme et lui en ont copié une centaine de milliers. Répondant à l’invitation d’un importateur hollandais, il décide d’aller à Amsterdam puis en France à la découverte des œuvres originales de son peintre fétiche.

Copyright Van Gogh a été réalisé par un duo père-fille : Yu Haibo est photographe et avait déjà immortalisé les peintres de Dafen, Yu « Kiki » Tianqi est documentariste.

Copyright Van Gogh nous plonge d’abord dans un lieu surréaliste : une sorte d’entrepôt du faux où se réalisent à la chaîne, dans des ateliers minuscules et bondés, des copies de toiles de maîtres. Il y aurait eu beaucoup à dire sur cette industrie, son économie, sa sociologie, sur les copistes chinois, sur les donneurs d’ordre occidentaux… et surtout sur les acheteurs qui affichent dans leur salon une copie des Tournesols ou de La Nuit étoilée. Mais ce n’est pas la voie explorée par le documentaire.

Copyright Van Gogh se concentre sur un personnage. La quarantaine bien entamée, il a déjà usé sa vie à recopier ad nauseam les mêmes modèles et à transmettre sa technique à ses apprentis. Sa femme est elle aussi copiste. Et sa petite famille vit, avec les apprentis, dans l’atelier dont les murs étroits semblent borner son univers.
Pour autant, Zhao reste un artiste qui s’émerveille du génie de Van Gogh, qui a l’humilité de reconnaître les limites de son propre talent et qui rêve un jour de peindre ses propres toiles. Le déclic s’effectuera après un voyage en Europe, longtemps retardé, qui constitue le moyeu du documentaire.

On s’attache à ses pas, de Dafen à Auvers-sur-Oise, en passant par Amsterdam, Paris et Arles. On le suit aussi dans son village natal, au cœur de la Chine rurale, où sa grand-mère posera pour son premier tableau original.

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Lamb ★★☆☆

Maria et Ingvar vivent seuls dans une ferme isolée au milieu d’une austère vallée islandaise. Y naît un être mi-humain mi animal, au corps d’enfant mais à la tête d’agneau auquel le couple va immédiatement s’attacher comme si c’était son propre enfant. L’arrivée inattendue de Pétur, le frère d’Ingvar, va-t-elle perturber ce fragile équilibre ?

Lamb est un film inclassable. Le jury de Cannes ne s’y est d’ailleurs pas trompé qui lui a attribué un curieux « prix de l’originalité » dans la section Un certain regard en juillet dernier. C’est un film construit sur une idée étonnante : la naissance d’un être monstrueux dans cette ferme islandaise du bout du monde est vécue par ses deux témoins, Maria et Ingvar, comme un événement « normal ». Cette réaction soulève une question : pourquoi ce couple a-t-il cette réaction-là ? En amont, cette naissance extraordinaire en soulevait déjà une autre : comment peut-on l’expliquer ?

On pense à l’incroyable film suédois Border, dont je m’étonne qu’il ne soit pas (encore) devenu culte. Comme Border, Lamb évoque les frontières de l’humanité et de l’animalité. Qu’est-ce qu’un homme ? qu’est-ce qu’un animal ? En quoi sont-ils proches ? différents ? L’un comme l’autre méritent-ils le même respect ? le même amour ?

Lamb prend son temps – presque deux heures – pour répondre à ces questions. Il le fait dans les splendides paysages du nord de l’Islande qui avaient déjà servi de décors à un autre film islandais au titre similaire, Béliers, qui, s’il avait pour protagonistes deux frères ennemis, éleveurs de moutons, empruntait à un tout autre registre, celui de la comédie sociale. Lamb peine un peu à tenir la durée et se voit obligé de convoquer une tierce personne, ce frère ancien rockeur, béquille un peu trop visible à un scénario qui aurait pu/dû tenir sur ses deux jambes.

Lamb souffre d’un autre défaut. Il est coincé entre deux registres. Il est trop zarbi pour être vu sans malaise (le film est pourtant tous publics même si ce visa est assorti d’un avertissement passe-partout : « des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs ») ; mais il ne l’est pas assez pour basculer dans le film de genre. Un peu comme le faux plat dans le cyclisme ou l’opérette dans l’art lyrique, Lamb pâtit de ce positionnement ambigu.

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Nos plus belles années ★★☆☆

Giulio, Paolo et Ricardo sont trois amis d’enfance nés à Rome à la fin des années soixante. Nos plus belles années raconte leur amitié, leurs brouilles, leurs retrouvailles du début des 80ies à nos jours.

Raconter à l’échelle d’une vie l’amitié d’une bande de personnages constitue presque en soi un genre cinématographique. Le cinéma italien semble s’en être fait une spécialité depuis Ettore Scola (Nous nous sommes tant aimés) jusqu’à Marco Tullio Giordana (Nos meilleures années). Mais l’Italie n’en a pas le monopole du genre. Des films similaires ont été tournés en France : on pense bien sûr aux joyeuses bandes de copains filmées par Claude Sautet ou par Yves Robert. Plus près de nous, j’avais énormément aimé Play, hélas passé sous tous les radars. Dans le cinéma américain on citera Les Copains d’abord de Lawrence Kasdan.

Conformément donc à un cahier des charges désormais bien calibré, Nos plus belles années nous décrit le parcours de trois hommes très différents les uns des autres, mais liés par une amitié indestructible. Giulio (interprété par Pierfrancesco Favino qui, à cinquante ans passé, aurait dû depuis longtemps accéder au statut de star que son talent lui réserve) a des origines modestes mais connaîtra l’ascension sociale la plus rapide. Paolo, le fils-à-maman, passionné par les oiseaux, ne se remettra jamais de sa passion pour la jolie Gemma. Acteur raté, Ricardo aura la vie la plus chaotique, échouant dans sa vie amoureuse comme dans sa vie professionnelle.

Comment faire du neuf avec du vieux ? Le problème de Gabriele Mucino est son manque d’originalité. Nos plus belles années n’est pas un film indigent. Au contraire, il se regarde sans déplaisir. Mais il ne renouvelle pas suffisamment un genre décidément trop marqué pour laisser une trace durable.

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Next Door ★☆☆☆

Daniel (Daniel Brühl) est un célèbre acteur allemand. Il vit à Berlin-Est dans un splendide duplex avec sa femme, ses deux enfants et une bonne cubaine. Ce matin, il prend l’avion pour aller passer une audition à Londres pour un rôle dans un blockbuster hollywoodien. Sur le chemin de l’aéroport, il s’arrête dans un vieux troquet. Un client, Bruno, qui se révèle être le voisin de Daniel et dont le père occupait l’appartement de Daniel avant sa coûteuse réhabilitation, engage la conversation avec lui. Elle prend vite un ton désagréable.

Daniel Brühl est sans doute l’un des acteurs les plus célèbres et les plus sympathiques du cinéma allemand contemporain. Cette notoriété déjà ancienne, Daniel Brühl la doit à son premier rôle dans Good Bye, Lenin! en 2003. Depuis lors, il a cultivé son image de gendre idéal en Allemagne et jusqu’à Hollywood (il tourne pour Tarantino et pour l’univers cinématographique Marvel où il incarne le personnage d’Helmut Zemo). C’est cette image trop lisse qu’il prend un plaisir masochiste à ébrécher dans sa première réalisation.

La construction en est très théâtrale. Tout – ou presque – s’y passe entre les quatre murs d’un café défraîchi où traînent deux piliers de bar et une patronne au profil de mère maquerelle. On pense à quelques huis clos d’anthologie : Le Limier de Mankiewicz, Garde à vue de Claude Miller,  La Jeune Fille et la Mort de Polansky, Funny Games de Haneke….
Ces chefs d’œuvre partagent quelques traits communs : une unité de temps, de lieu, d’action, une atmosphère oppressante, une interprétation hors pair, un scénario suffisamment surprenant pour ménager quelques rebondissements (et suffisamment rebondissant pour ménager quelques surprises).

Au regard de tous ces critères, Next Door est défaillant. Il pèche d’abord par son manque de crédibilité : pourquoi le métrosexuel Daniel, tiré à quatre épingles, a-t-il ses habitudes dans ce rade repoussant ? pourquoi y retrouve-t-il ce matin-là son voisin ? pourquoi accepte-t-il d’écouter devant témoins ses révélations ?
Il pèche surtout par sa construction prévisible. Chaque fois que Daniel menace de quitter la scène, chaque fois même qu’il réussit à la quitter, on sait par avance qu’il y reviendra puisque le film nous a fait la promesse d’un huis clos de quatre-vingt-dix minutes. Trop blasé par trop de films similaires reposant sur les mêmes ressorts, notre œil de spectateur note chaque détail en sachant par avance qu’il jouera un rôle déterminant : une enveloppe jaune est-elle glissée à un enfant de passage, on sait qu’elle ressurgira trente minutes plus tard,  Bruno se déplace-t-il avec un tote bag, on sait qu’il en sortira quelques documents compromettants, etc.

Le film de huis clos est un exercice périlleux ; l’autobiographie sans complaisance en est un plus périlleux encore. Daniel Brühl ne réussit ni l’un ni l’autre. Son capital de sympathie est tellement grand qu’on ne boudera pas pour autant son prochain film.

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Tromperie ★☆☆☆

Londres. 1987. Un célèbre écrivain américain (Denis Podalydès), exilé à Londres, un pays dont il réprouve l’antisémitisme, travaille sans relâche à l’écriture de son prochain roman. Il reçoit dans son atelier son amante (Léa Seydoux) avec qui il entretient une liaison au long cours. D’autres femmes occupent sa vie : une ancienne maîtresse (Emmanuelle Devos) qui se bat de l’autre côté de l’Atlantique contre le cancer qui la ronge, une brillante étudiante souffrant de troubles neurologiques, une interprète tchèque qu’il a aidée à franchir le Rideau de fer. Sans oublier son épouse (Anouk Grinberg) qui jalouse ses fantômes de papier.

Arnaud Desplechin incarne jusqu’à la caricature un certain cinéma français mitonné à l’IDHEC (l’ancêtre de la Fémis). Intelligent. Élitiste. Très écrit. Réunissant le ban et l’arrière-ban des plus grands acteurs français. Parisien en diable, même s’il autorise quelques incursions dans la province française la plus lumpenprolétarisée (Roubaix, une lumière). On adore – avec une pointe de snobisme – ou pas. On aura compris de la présentation, très orientée, que je viens d’en faire que je me classe dans la seconde catégorie.

Tromperie coche toutes les cases de ce cinéma très cérébral. Il les coche d’autant plus qu’il est l’adaptation d’un roman du très cérébral écrivain américain Philip Roth, qui aura raté le prix Nobel d’un cheveu par la faute de vaines polémiques que le jury suédois craignait de se voir reprocher. Tromperie, écrit en 1990, n’est pas son oeuvre la plus récente. Desplechin caressait depuis longtemps le projet de l’adapter. Le Covid et l’impossibilité dans laquelle le réalisateur s’est trouvé de lancer un projet plus vaste lui en ont fourni l’occasion.

Le montage, les décors, les lumières : tout concourt à plonger le spectateur dans un état nébuleux, où les questions l’emportent sur les réponses. Quelle est la temporalité du récit ? Quelle en est la réalité ? Ces femmes existent-elles vraiment ? Ou sont-elles le produit de la – riche – imagination de l’écrivain en plein travail ? Desplechin, dans toute son oeuvre, aime nous laisser dans le flou. Et Tromperie y parvient mieux qu’à son tour.

Le film souffre toutefois de deux handicaps rédhibitoires.
Le premier est d’avoir été tourné en français avec des acteurs français alors qu’il s’agit d’une oeuvre éminemment anglo-saxonne. Quand Desplechin était allé tourner au Kansas la vie de l’ethnopsychanalyste Georges Devereux, il avait réalisé son film en anglais avec des acteurs américains. Que n’a-t-il pas fait de même avec une oeuvre qui joue sur les différences entre le Royaume-Uni et les Etats-Unis, leur rapport à la judéité et à la création artistique ? Par exemple, son film aurait été autrement plus riche avec des acteurs aux accents anglais et américains.
Le second est son couple vedette. Pris isolément, on ne dira aucun mal de Denis Podalydès et on s’interdira des critiques trop blessantes à l’égard de Léa Seydoux qui n’est pas une aussi mauvaise actrice qu’on le dit parfois. N’en reste pas moins que leur réunion à l’écran ne marche pas. Il n’y a entre eux aucune alchimie, aucun désir qui circule, aucune tension amoureuse ou érotique qui se crée. Leur couple est aussi insipide qu’une jelly anglaise. C’est dire…

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The Card Counter ★☆☆☆

Un ancien taulard, qui se fait appeller William Tell (Oscar Isaac), mène une existence solitaire en sillonnant l’Amérique. Il a profité de son long séjour en prison pour apprendre à jouer aux cartes et pour en faire profession. La Linda (Tiffany Haddish) le repère et lui propose de s’associer pour gagner des tournois plus ambitieux. Un troisième personnage vient s’adjoindre au duo : Cirk (Tye Sheridan) a reconnu en William un ancien collègue de son père, qui s’est suicidé après avoir été condamné pour les exactions commises à Abu Ghraib en Irak. Cirk n’a qu’une idée en tête : venger son père en kidnappant et en tuant l’ancien chef de son unité, le colonel Gordo (Willem Dafoe).

The Card Counter joue sur deux registres. Son titre, son affiche, les premières lignes de son pitch nous promettent un film de poker qui verra son héros anonyme et taiseux voler de succès en succès grâce à des dons hors du commun et au soutien de la fine équipe qu’il a rassemblée autour de lui. Mais le film prend un chemin différent et nous frustre de cette histoire là – qui certes aurait été un peu trop cousue de fil blanc. Elle nous entraîne dans la psyché d’un homme traumatisé façon Taxi Driver – dont Paul Schrader avait signé le scénario avant d’écrire ceux de Raging Bull et de La Dernière Tentation du Christ.

Oscar Isaac est parfait dans ce rôle-là, dont le mutisme et l’hypercontrôle de chaque instant laissent augurer la violence qui ne manquera de s’exprimer. Il a beau ressembler à George Clooney – et The Card Counter avoir des relents de Ocean Eleven – sa prestation pourrait lui valoir une nomination voire une statuette aux prochains Oscars.

Le problème est que les deux fils narratifs que tissent The Card Counter s’accordent mal. Son héros est un joueur de poker qui fuit son passé ; aurait-il été guitariste ou hockeyeur, c’eût été du pareil au même. Le film sur le poker qu’on attendait avec gourmandise fait long feu et nous frustre du triomphe qu’on attendait contre cet autre joueur, aussi braillard que Tell est silencieux, déguisé en porte-drapeau d’une Amérique triomphante et sûre d’elle-même. La plongée cathartique dans la psyché tourneboulée du héros et dans celle de son jeune coéquipier ivre de vengeance n’est guère plus convaincante. Il faut attendre près de deux heures pour qu’elle se termine par un épilogue mielleux dont la morale gentillette est aux antipodes de l’atmosphère oppressante que The Card Counter avait su créée grâce notamment à la musique de Robert Levon Been.

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Lingui, les liens sacrés ★☆☆☆

Amina, la trentaine, vit seule à N’Djamena, la capitale du Tchad. Sa famille l’a rejetée lorsqu’elle est tombée enceinte et a accouché d’une petite fille. Maria a quinze ans aujourd’hui et sa mère a tout sacrifié pour lui donner une bonne éducation dans l’un des meilleurs établissements de la ville. Mais Amina apprend que Maria, qui depuis quelques temps s’était renfermée sur elle-même, est enceinte à son tour. Sachant que l’avortement est doublement interdit au Tchad, par la loi de l’Etat et par la loi religieuse, Amina aidera-t-elle Maria à avorter pour lui éviter la réprobation que son statut de fille-mère lui a value ?

Mahamat-Saleh Haroun est un vieux routier du cinéma africain. La quasi-totalité de ses films ont été sélectionnés en compétition officielle à Cannes sans qu’on sache avec certitude s’il doit cet honneur à leur qualité ou au fait d’être le seul représentant connu du cinéma tchadien. Un temps ministre de la culture dans son pays, il partage sa vie entre la France et le Tchad.

Son dernier film a été une fois encore sélectionné à Cannes l’été dernier. Hasard du calendrier : il sort quasiment en même temps que L’Evénement, le film-choc d’Audrey Diwan inspiré du livre d’Annie Ernaux qui racontait un avortement clandestin dans la France des années soixante. Les deux films pourraient former un stimulant diptyque sur l’avortement et la condition féminine, en France et au Tchad, hier et aujourd’hui.

Et il faut reconnaître à Lingui une certaine maîtrise à raconter une histoire dont l’issue tient en haleine (Maria réussira-t-elle ou pas à interrompre sa grossesse en dépit de tous les obstacles qui se dressent sur son chemin ?) tout en évoquant des sujets brûlants : le patriarcat, l’Islam, le rôle de l’Etat, la vibrante sororité des femmes….

Le problème est qu’on a parfois l’impression que Mahamat-Saleh Haroun s’est scrupuleusement senti obligé de suivre un cahier des charges excessivement bien-pensant. Le problème aussi est que son film pâtit de l’interprétation calamiteuse de ses deux héroïnes.

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Don’t Look Up ★★★☆

Kate Dibiasky (Jennifer Lawrence), une doctorante en astronomie de l’université du Michigan et le professeur Randall Mindy (Leonardo DiCaprio) identifient aux confins du système solaire une comète qui se dirige à grande vitesse vers la Terre. Selon leurs calculs, elle la percutera dans six mois à peine et y détruira toute vie humaine. Les deux chercheurs en avertissent aussitôt les plus hautes instances à Washington et sont immédiatement convoqués à la Maison-Blanche. Mais leur révélation se heurte au scepticisme de la présidente des États-Unis (Meryl Streep). Effarés par sa réaction, les deux lanceurs d’alerte décident d’informer l’opinion publique directement ; mais leur message restera longtemps inaudible…. jusqu’à ce que l’imminence de la catastrophe ne s’impose à tous.

Netflix réussit presque tous les mois à monopoliser l’attention des cinéphiles. Après The Power of the Dog, après La Main de Dieu, LE film dont on parle ces jours-ci est la dernière superproduction hollywoodienne d’Adam McKay, le réalisateur de The Big Short et de Vice avec son casting plaqué or : Leonardo DiCaprio, Jennifer Lawrence, Meryl Streep, Cate Blanchett, Timothée Chalamet…

Le sujet en est savoureux et se lit comme une bouffonne métaphore du changement climatique et du climato-scepticisme qu’il a dû affronter aux plus hauts sommets de l’État américain (le scénario a été écrit durant la présidence Trump).

Il courait le risque de faire long feu et la métaphore de vite devenir pesante. Mais il n’en est rien grâce à l’ingéniosité d’un scénario rebondissant ponctué de quelques scènes vouées à devenir cultes. Parmi elles, chacune des apparitions de Meryl Streep, double féminin à peine outrancier de Donald Trump, conjuguant comme lui la démagogie et le court-termisme, et de Jonnah Hill dans le rôle de son fils et chef de cabinet, double masculin de Ivanka Trump, déclenchent l’hilarité. Paradoxalement, les premiers rôles interprétés par les deux superstars Jennifer Lawrence et Leonardo DiCaprio sont obligés à plus de retenue, sauf à faire basculer Don’t Look Up dans la farce grasse.

Rien ne résiste à la charge sardonique de Don’t Look Up : ni bien sûr le populisme de la présidente Orlean/Trump (auquel ne fait contrepoids aucune opposition), ni la vulgarité des médias, ni même la bienpensance de Hollywood. Tant de bassesse aurait de quoi désespérer face à laquelle le scenario ne propose guère d’alternative ou de contre-modèle (Spielberg aurait fait des deux personnages principaux des héros entiers là où Adam McKay a trop de cynisme ou trop d’ironie pour ne pas taire leurs faiblesses). Et la fin du film, qui veut conserver un ton badin, ne rassurera pas les spectateurs que la fin du monde effraie en secret.

Ne manquez pas les deux séquences post-générique. La première arrivera suffisamment vite pour vous faire rire ; mais la seconde, presqu’aussi hilarante, se mérite.

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Ham on Rye ☆☆☆☆

Tous les adolescents d’une banlieue américaine anonyme se préparent pour une soirée importante. Il ne s’agit pas du bal de fin d’année, organisé à grands frais au lycée, mais d’un rendez-vous dans un diner sans âme, Monty’s, dont les jeunes dévorent la spécialité, le « ham on rye » (jambon sur seigle). Après la soirée, la descente est brutale.

Le coming-of-age movie est un genre cinématographique à part entière qui prend pour sujet la sortie de l’enfance, ses rites initiatiques et le passage, plus ou moins traumatisant, à l’âge adulte. Il se noue souvent autour de la prom ou prom night, le bal de promo organisé avant le départ des jeunes lycéens à l’université loin du cocon familial. Les films qui lui sont consacrés sont légion : Carrie, Grease, Footloose, American Pie, Twilight

Je n’ai rien compris à ce premier film indé américain, qui a pourtant écumé les festivals. Ses premières minutes ont fait naître une curiosité vite déçue. Elles montrent les préparatifs de la soirée et introduisent plusieurs personnages, laissant escompter que se nouent une ou plusieurs histoires autour de cet événement et de ses participants. Mais rien ne se passe ; aucun personnage n’émerge, sinon la jeune Haley qui semble être la seule à ne pas partager la liesse générale.

Pendant toute la première moitié du film, on attend quelque chose qui ne vient pas. L’histoire prendra-t-elle un tour tragique façon Virgin Suicides de Sofia Coppola qu’évoquent les robes virginales de trois jeunes filles en fleur ? un meurtre sera-t-il commis comme dans Twin Peaks de David Lynch auquel ces banlieues anonymes font penser ? je-ne-sais-quel tabou sexuel sera-t-il violé comme dans les films malaisants de Larry Clarke ? l’histoire versera-t-elle dans le gore comme dans Carrie ? Non. Rien de tout cela. L’histoire ne va nulle part.

Au milieu du film, coupé en deux, la fête qu’on avait tant attendue est un non événement, un trou noir. On se dit qu’on s’est assoupi ou bien qu’il s’agit d’une ellipse dont la signification s’éclairera durant la seconde moitié du film ? Là encore, cette attente est déçue. Cette seconde moitié, aussi cataleptique que la première, maintient sans s’en écarter le refus de toute narration. On retrouve la même bande de jeunes à présent désenchantés (se sont-ils drogués ? sont-ils en pleine descente ?). On pourrait se demander s’il s’agit d’une métaphore de la vie d’adulte, une vie qu’on a attendue avec impatience mais qui s’avère désespérément triste. Mais l’ennui nous a depuis longtemps à ce point submergés qu’on refuse de faire cet effort pour sauver ce film du marasme dans lequel il nous a entraînés.

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Au cœur du bois ★☆☆☆

Le documentariste Claus Drexel avait réalisé en 2014 le formidable Au bord du monde en partant à la rencontre de quelques clochards parisiens particulièrement marginalisés. Après un détour par l’Amérique de Trump (America), il s’était frotté sans guère de succès à la fiction en faisant endosser à Catherine Frot les hardes d’une SDF (Sous les étoiles de Paris). Il revient à raison au documentaire en fouillant le bois de Boulogne et les prostitué.e.s qui y travaillent.

Il en filme une douzaine en longs plans fixes, les unes après les autres, à l’intérieur de leurs combis ou en extérieur, assises sur un pliant, debout près d’un arbre. Son documentaire n’a pas vocation à s’ériger (si j’ose dire) en précis de sociologie ; mais il montre la diversité des parcours. On voit des Françaises et beaucoup d’étrangères (avec une prépondérance de Latino-Américaines, brésiliennes ou péruviennes), des jeunes et des moins jeunes voire des plus jeunes du tout qui évoquent les années Giscard (!), des travesties et des transsexuelles, des Bac +3 et des Bac -3.

Les prostituées font toujours bonne figure même quand elles racontent des épisodes douloureux ; mais l’impression qui domine est la violence de leur métier et des conditions dans lesquelles elles l’exercent. Au cœur du bois prend volontiers un ton politique en pointant du doigt l’arsenal abolitionniste et notamment la pénalisation des clients qui, nous dit-il, loin de mettre un terme à la prostitution, a rendu plus précaire et plus périlleuse la situation des prostituées interviewées.

Et c’est là qu’il faut dénoncer le hiatus qui rend le film bancal. À côté du tableau sociologique riche d’enseignements, à côté de la dénonciation politique, à laquelle on adhère ou pas, Au cœur du bois joue, dans son titre, dans son affiche, dans ses images sur un troisième registre qui ne colle pas : celui de la poésie élégiaque d’une forêt merveilleuse voire fantastique, illuminée de couleurs artificielles, le jour et la nuit. Cette poésie déplacée ne fait pas bon ménage avec le sujet du film.

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