70 ans, c’est l’âge où la grande vieillesse approche et où la jeunesse lance ses derniers feux. C’est l’âge où l’on fête, comme Kate et Geoff ses 45 ans de mariage parce qu’un méchant pontage vous a empêchés de fêter vos 40 ans de mariage et que vous n’êtes plus très sûr d’atteindre les 50. 70 ans, c’est un âge que je sens approcher à une vitesse fulgurante (j’ai toujours été très précoce !), ce qui me rend le sujet du film très personnel. D’autant que j’adore Charlotte Rampling que je trouve d’une classe folle et dont les prestations suffisent, à elles seules, à sauver les films les moins réussis (Vers le sud, Sous le sable, Swimming Pool… )
Avec (Sir) Tom Courtenay – un géant du théâtre britannique totalement méconnu de ce côté-ci de la Manche – Charlotte Rampling réussit à la perfection à restituer la routine de jeunes retraités, encore suffisamment ingambes pour maintenir une vie « normale », mais déjà trop vieux pour ne pas l’installer dans un ronron vaguement neurasthénique. Leur couple est parfaitement crédible. Leur complicité n’est guère visible mais bien palpable, produit de près d’un demi-siècle de vie commune.
Ce couple sans histoire en a une. Avant de connaître Kate, Geoff était fiancé à Katya. Durant un voyage en Suisse, celle-ci a disparu dans un accident en montagne. Un demi-siècle plus tard, alors que Kate et Geoff préparent la réception organisée pour leurs 45 ans de mariage, Geoff reçoit de Suisse l’annonce de la découverte du corps de sa fiancée.
Cette découverte suscite chez Geoff une mélancolie poignante et chez Kate une jalousie inextinguible. Cette Katya, au prénom si proche du sien, était-elle la « femme de la vie » de Geoff ? L’aurait-il épousée ? Aurait-il eu des enfants avec elle ? Et si oui, combien vaines et futiles sont les proclamations d’amour que les deux vieux mariés s’apprêtent à se faire l’un à l’autre !
Sans verser dans la psychologie de comptoir ou l’introspection impudique, ces questions se posent à chacun de nous. Sommes-nous heureux en ménage parce que nous avons rencontré notre moitié d’orange ? Ou, comme Tereza dans L’insoutenable légèreté de l’être, avons-nous raté l’homme/la femme de notre vie qui nous attend peut-être quelque part… ou qui, lassé(e) de nous avoir attendu(e) trop longtemps, ne nous attend plus nulle part ?