Gino Costa, un vagabond, descend d’un camion et pénètre dans une station service dans la plaine du Pô. Elle est tenue par Bragana, un vieux barbon, marié à Giovanna, une femme trop jeune pour lui. Entre Gino et Giovanna, c’est le coup de foudre. Sous prétexte de donner un coup de main à Bragana, Gino se fait embaucher. Mais dès que le mari a le dos tourné, il rejoint sa femme.
Les deux amants échafaudent des plans d’évasion. Mais Giovanna renonce à suivre Gino qui rêve de prendre la mer et quitter l’Italie. Finalement, un soir où ils reviennent tous les trois plus soûls que de raison, les deux amants optent pour l’option la plus macabre : se débarrasser de Bragana en maquillant un meurtre en accident de la route. Tandis que la police mène son enquête, Gino et Giovanna sont rongés par la culpabilité.
Les Amants diaboliques (aussi connu sous son titre original Ossessione) est un film marquant de l’histoire du cinéma. Selon certains historiens, le tout premier film de Luchino Visconti marque le début du néo-réalisme – même si d’autres le situent quelques années plus tard avec Rome ville ouverte (1945), Le Voleur de bicyclette (1947) ou Riz amer (1949). Les raisons de ces hésitations tiennent au sujet des Amants diaboliques qui est inspiré d’un roman noir américain de James M. Cain Le Facteur sonne toujours deux fois (1934).
Le roman de James M. Cain connut une extraordinaire postérité puisqu’il eut pas moins de quatre adaptations, toutes exceptionnelles. La première en France, avec Michel Simon en 1939 qu’avait vu le jeune Visconti qui y travaillait alors aux côtés de Jean Renoir. La deuxième donc en Italie en 1943, même si le livre n’est pas crédité au générique car la déclaration de guerre entre l’Italie et les États-Unis en décembre 1941 avait empêché la négociation des droits – cette sombre histoire de droits allait interdire la sortie des Amants aux États-Unis jusqu’à la mort de James M. Cain en 1977. La troisième aux États-Unis en 1946 avec Lana Turner. Et la dernière dans un remake de 1981 avec Jack Nicholson et Jessica Lange dont une scène avait fait scandale. On la devine dans la version de Visconti lorsque les deux amants se rencontrent dans la cuisine de Giovanna ; on la montre quarante plus tard dans le film de Bob Rafelson où Nicholson et Lange font furieusement l’amour sur la table au milieu de la farine et des œufs écrasés.
Les Amants diaboliques est un vrai plaisir de cinéphile. Tourné en plein fascisme, ce film qui parle d’érotisme, de meurtre et de misère sociale, étonne par sa liberté de ton. Visconti lui même aurait été étonné de n’avoir pas subi les foudres de la censure. Il aurait dit-on bénéficié de la protection de la propre fille du Duce. La tension érotique entre Clara Calamaï, l’actrice la plus célèbre des années de guerre, et Massimo Girotti est palpable. Les scènes d’extérieur, qui feront la marque du cinéma néo-réaliste, sont exceptionnelles.
Alors pourquoi une étoile seulement ? Parce que le film s’étire durant deux heures vingt. Une durée interminable pour un sujet qui aurait pu être ramassé en une heure de moins. Je me souviens déjà avoir trouvé les deux films américains bien longs (Le Facteur de 1946 dure cent-treize minutes, celui de 1981 cent-vingt). Si la rencontre des deux amants est électrique, le temps qu’ils prennent à décider de tuer le mari cocu, puis à regretter leur acte, est bien long.