Belinda ★☆☆☆

Belinda à neuf ans est une enfant boudeuse, élevée en foyer, inséparable de sa sœur aînée.
Belinda à quinze ans est une ado épanouie, qui vit désormais avec sa mère et célèbre le baptême de son neveu.
Belinda à vingt-trois ans a retrouvé son père et est amoureuse de Thierry qu’elle va épouser à sa sortie de prison.

Marie Dumora est une documentariste/réalisatrice hors normes qui suit depuis une vingtaine d’années quelques familles de la communauté yéniche de Mulhouse. Parmi les centaines d’heures de rush, elle a isolé ceux concernant Belinda et les a montés façon Boyhood : on la voit sous nos yeux à trois âges de sa vie.

La vie n’est pas tendre pour Belinda. On comprend qu’elle a été placée en foyer avec sa sœur parce que son père était en prison et que sa mère n’était pas capable de l’élever. On comprend que Thierry, son fiancé, a lui aussi connu la prison, qu’il en est sorti et pourrait enfin se marier, mais qu’il y est retourné et que son mariage a été ajourné.

Belinda n’est pas un documentaire sur la communauté yéniche, cette population germanophone et nomade assimilée à tort aux Roms. Ce n’est pas non plus un film romançant la vie de Belinda. C’est, entre les deux, l’album photo d’une vie cabossée qui n’est pas sans rappeler l’extraordinaire Party Girl (2013) qui avait pour cadre le lumpenprolétariat d’un Grand Est sans soleil.

On peut être attendri et ému devant Belinda, sa force de caractère, sa résilience. On peut aussi être révolté devant sa vie misérable, son analphabétisme, sa tabagie, ses kilos en trop qui affadissent au fil des années les traits graciles de la jeune enfant.

J’avoue ne pas partager l’opinion des critiques dithyrambiques qui ont salué la sortie de Belinda. Sans aller jusqu’à accuser Marie Dumora de voyeurisme, je lui reproche sa candeur, sa complaisance à l’égard d’une héroïne dont la vie n’a comme seul intérêt que d’être malheureuse.

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Normandie nue ★☆☆☆

Le petit village du Mêle-sur-Sarthe s’enfonce dans la crise de la viande. Son maire (François Cluzel) voit l’occasion d’attirer l’attention de l’opinion publique quand un célèbre artiste américain (Toby Jones) lui propose de déshabiller la population sur un champ qui lui a tapé dans l’œil. Reste à convaincre les habitants.

J’ai un faible pour les films chorale. Qu’ils soient français (Les petits mouchoirs, Le Sens de la fête) ou américains (Babel, Collision), j’aime la richesse de leurs sous-intrigues, le talent du scénariste à les entrelacer, les rôles en or qu’ils offrent à leurs nombreux acteurs. C’est donc, malgré son pitch cucul, avec un a priori favorable que je suis allé voir le dernier film de Philippe Le Guay qui en avait déjà signé deux : Le Coût de la vie et Les Femmes du sixième étage.

Car si Normandie nue est organisé autour d’une intrigue principale (le maire parviendra-t-il à convaincre ses concitoyens de poser sous l’objectif du photographe américain ?), il en articule plusieurs. On y croise un Parisien en mal de verdure, hélas allergique à la campagne (François-Xavier Demaison tordant), un boucher jaloux qui refuse que sa femme se dénude au nez de ses voisins (Gregory Gadebois toujours parfait), un paysan dépressif qui ne se console pas du suicide de son père et se bat pour récupérer le champ dont il a été spolié (la grande silhouette dégingandée de Philippe Rebbot), un jeune revenu au village le temps de vendre la boutique de son père (Arthur Dupont). C’est beaucoup. C’est sans doute trop. Et c’est inégal. Par exemple les saynètes avec François-Xavier Demaison, pour hilarantes qu’elles soient, n’ont aucun lien avec l’intrigue principale.

Sans doute Philippe Le Guay parvient-il à croquer avec tendresse le monde paysan – comme il le faisait avec autant de bienveillance pour le monde des chambres de bonne parisiennes. Sans doute peut-il s’appuyer sur une distribution impeccable, au premier rang de laquelle se distingue comme d’habitude François Cluzet dont je suis un fan de la première heure et dont le jeu, aussi répétitif soit-il, ne me lasse pas. Mais cette comédie gentillette à l’issue convenue n’a pas le piquant du Sens de la fête – dont la réussite doit beaucoup aux dialogues ici bien fades. Elle n’a pas la grâce de La Famille Bélier ou l’acuité de Petit paysan qui, l’un et l’autre, avaient pour cadre la campagne française et qui, chacun dans leur registre, ont connu un succès public mérité.

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Les Heures sombres ★★★☆

Le 9 mai 1940, l’opposition retire sa confiance à Neville Chamberlain, le Premier ministre britannique. Le lendemain, Sir Winston Churchill le remplace, forme avec Attlee, Halifax et Chamberlain un cabinet d’union nationale et prononce à la Chambre un discours resté célèbre. Son programme : faire la guerre alors que les membres de son cabinet, craignant la défaite de la France et l’isolement du Royaume-Uni sont favorables à une paix séparée avec Hitler.
Les Heures sombres raconte le premier mois de son gouvernement jusqu’à l’évacuation de Dunkerque et son discours du 4 juin We shall fight on the beaches. Pendant ces vingt-cinq jours, l’optimisme de Churchill, qui n’imaginait pas une percée aussi rapide des Panzer allemands, est mis à mal et sa détermination à mener la guerre envers et contre tout souvent ébranlée.

Les critiques ont parfois été cinglantes envers ces Heures sombres. Elles ont dénoncé le chauvinisme de ce biopic construit tout entier à la gloire du Lion britannique. Elles lui ont reproché sa longueur excessive (plus de deux heures), son classicisme (une narration platement chronologique sur un rythme monotone alternant des scènes de boudoir – Churchill et sa femme remarquablement interprétée par la toujours parfaite Kristin Scott-Thomas  – et des joutes oratoires épiques – Churchill à la Chambre déclamant ses discours les plus célèbres), son héros grimé sous un maquillage écrasant qui cabotine et marmonne, son scénario sans surprise, son éclairage crépusculaire…

Elles n’avaient pas tout à fait tort. Les Heures sombres a tous ces défauts-là. Pour autant, elles ne m’ont pas dissuadé d’aller le voir. Je me suis laissé emporter par cette histoire dont je connaissais certes les grandes lignes, mais pas les détails. Je ne savais pas que Churchill avait été nommé le 10 mai contre l’avis des caciques de son parti et contre celui du roi. Je me trompais sur les termes exacts de son discours du 13 mai, croyant qu’il y promettait du sang, de la sueur et des larmes alors que l’expression exacte est « blood, toil [labeur], tears and sweat ». J’ignorais que le Cabinet de guerre avait été divisé sur l’opportunité de lancer des négociations secrètes. Je ne connaissais pas les détails de l’opération Dynamo qui permis de sortir les soldats britanniques – et français – de la nasse de Dunkerque et le rôle qui joua la garnison de Calais.

Une scène m’a ému qui pourtant, sur le papier, et quand je la raconte, sonne faux : celle où l’on voit Churchill prendre le métro (on se souvient du malheureux Balladur dans la même situation) et tester l’opinion de ses concitoyens muets de stupeur et de respect devant l’apparition de leur Premier ministre.

Vous me direz qu’on ne va pas au cinéma pour prendre des cours de rattrapage en histoire. Et vous aurez raison. Pour autant, après l’oubliable Chuchill et l’inoubliable Dunkerque, ces Heures sombres mérite sa place, honorable, dans l’histoire de cette époque et le regard qu’on porte sur elles.

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La Surface de réparation ★☆☆☆

Ancien espoir, Franck (Franck Gastambide) n’est jamais passé pro faute de talent. Mais il n’a pas quitté le FC Nantes qui l’a formé et y ai devenu l’homme à tout faire de son président (Hippolyte Girardot). Tout en gardant un œil protecteur sur les amateurs, c’est lui qui cornaque les pros, fait leurs courses, leur évite les sorties de route.

La Surface de réparation parle de football sans en montrer. On sait que les films qui lui sont consacrés sont rares et souvent mauvais, le football, le sport le plus télégénique au monde, étant paradoxalement terriblement peu cinégénique. Supporter du FC Nantes (je me souviens de la silhouette dégingandée de Maxime Bossis et des shorts en satinette de Patrice Rio), aficionado de l’OM, ultra du PSG, tu risques d’être déçu : si La Surface… parle des à-côtés du football, il les filme comme il filmerait les à-côtés de n’importe quel show biz, où des stars surpayées vivent entourées d’une faune interlope.

Fraîchement émoulu de la FEMIS, Christophe Régin signe son premier film. Il a eu la main heureuse dans le choix de ses acteurs. En confiant le rôle principal à Franck Gastambide, acteur de comédies souvent poilantes (Les Kaïra), parfois franchement ratées (Pattaya), il fait un pari audacieux mais réussi. Thomas Sotinel du Monde parle joliment de « tchao-pantinisation » pour décrire le processus par lequel un acteur de comédie célèbre choisit, la quarantaine venu, de prendre le tournant du drame (Coluche donc avec Tchao Pantin, Michel Blanc avec Monsieur Hire, Valérie Lemercier avec Vendredi soir, Kad Merad avec Je vais bien, ne t’en fais pas, Jamel Debbouze avec Indigènes, etc.).

Mais Franck Gastambide se fait voler la vedette par Alice Isaaz. C’est elle la vraie star du film dont chaque apparition aimante la pellicule. Elle joue un rôle casse-gueule : celui d’une meuf-à-footeux, à moitié pute, à moité groupie. Elle aime le contact des célébrités, leur argent facile, leur gloire éphémère ; mais elle s’y brûle les ailes. On l’avait remarqué l’automne dernier dans Espèces menacées. Elle explose dans La Surface…

Pour autant, malgré ses qualités, ce film peine à se distinguer de la masse des productions cinématographiques françaises. En dépit d’une conclusion réussie et surprenante, son scénario se traîne et connaît quelques baisses de rythme fatales. Il est à craindre qu’après une ou deux semaines en salles, concurrencé par des films mieux distribués et plus stimulants, La Surface… ne sombre dans un oubli irréversible. Ce n’est pas cette critique qui le lui évitera.

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Si tu voyais son cœur ★☆☆☆

Daniel (Gael Garcia Bernal) ne se remet pas de la mort de son meilleur ami (Nahuel Perez Biscayart). Il échoue dans un hôtel miteux tenu par Michel (Karim Leklou). Francine (Marine Vacth) y occupe aussi une chambre.

La bande-annonce du premier film de Joan Chemla m’avait mis l’eau à la bouche. Tout semblait réuni pour une réussite : une brochette de jeunes acteurs prometteurs, une mise en scène léchée, un film de genre poisseux… Hélas passée la première scène, qui  nous plonge dans un mariage gitan, la magie n’opère pas.

À trop vouloir filmer un milieu, Joan Chemla oublie de raconter une histoire. Elle veut le faire, comme il est aujourd’hui de rigueur, en déconstruisant le récit, en multipliant les retours dans le passé. Si tu voyais son cœur est l’histoire d’un deuil où l’on voit beaucoup le défunt. Sa mort, absurde (il tombe d’un pylône SNCF alors qu’il y dérobait des fils de cuivre), apparaît sur l’affiche et revient comme un refrain – au point de laisser croire, au spectateur habitué aux scénarios à double fond, qu’elle recèle un secret qui se dévoilera ultérieurement.

La périphérie d’une grande ville méditerranéenne – on reconnaît sans la nommer Marseille – est filmée à rebours de tout naturalisme. Au contraire, Joan Chemla prend le parti de l’hyperstylisation, éclairant, sur une musique de l’indémodable Gabriel Yared, l’hôtel Métropole comme Wenders ou Beineix l’auraient fait.
Les acteurs sont excellents. En particulier, Karim Leklou dont je dis ici le plus grand bien depuis sa révélation dans Coup de chaud, l’un de mes coups de cœur 2015, et Marine Vacth, sans doute l’actrice la plus belle du cinéma français contemporain à défaut d’être la plus talentueuse.
Le problème du film est qu’il repose sur du vent. Son scénario, d’une plate banalité, tient en trois phrases. Malgré les qualités qu’on sent poindre chez la jeune réalisatrice, ce défaut est rédhibitoire. Au style bien moins ambitieux, mais grâce à un scénario plus charpenté, Money, sorti l’automne dernier sur un sujet très similaire (une bande de jeunes menant des activités louches dans une ville portuaire), était, dans ce genre, autrement réussi.

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Downsizing ★☆☆☆

Dans un avenir proche, des scientifiques norvégiens sont parvenus à miniaturiser l’humain. En quelques années le procédé se généralise. Il a un alibi écologique : la miniaturisation, qui permet la réduction de la pollution, est un remède à la surpopulation et à la raréfaction de l’espace et des ressources. Mais il a surtout un avantage individuel : les Américains miniaturisés peuvent espérer un bien meilleur niveau de vie (loyers ridicules, biens de consommation courante à prix minuscules). C’est ce second aspect qui séduit Paul Safranek, un ergothérapeute du Nebraska, et sa femme, fatigués d’une vie médiocre où l’accession à la propriété demeure un rêve inaccessible.

Downsizing démarrait bien. Avec un pitch qui rappelle les délires de Michael Gondry, le réalisateur de Dans la peau de John Malkovich. D’ailleurs sa première moitié est enthousiasmante. Elle commence par un prologue en Norvège où, en quelques plans hilarants, est présentée l’invention. Puis l’on découvre Matt Damon, l’un des acteurs qui, avec Tom Hanks personnifie le mieux l’Américain moyen, bon fils, bon mari (manque à son couple les enfants et le chien qui complètent traditionnellement le parfait foyer américain). Il mène à Omaha une vie sans éclats et décide de se faire miniaturiser avec sa femme. La description de la miniaturisation, menée dans une clinique ultra-moderne selon un processus rigoureux (il faut raser les poils qui semble-t-il, ne se miniaturisent pas à due concurrence pour éviter que les Minimoys se retrouvent transformés en yétis miniatures) nous maintient en haleine. Et c’est ensuite la découverte de la vie miniaturisée, assombrie pour le malheureux héros par une circonstance que je ne dévoilerai pas – même si des critiques moins scrupuleux le font sans vergogne.

La seconde moitié du film commence. Ce n’est pas la meilleure. Pourtant, un boulevard s’ouvrait aux scénaristes de Downsizing. Sur la forme comme sur le fond, ils avaient carte blanche pour inventer tout et n’importe quoi. En particulier, ils auraient pu utiliser le changement d’échelle plus qu’ils ne le font. Mise à part une rose qui, à l’échelle du nouveau monde de Paul a la taille d’un palmier, l’ancien monde, le monde des « grands » a disparu. Tout se déroule désormais à la même échelle alors que le ressort comique et dramatique du film résidait précisément dans l’utilisation de cette différence d’échelle : on pense au chat monstrueux qui attaque le héros de L’Homme qui rétrécit (1957).

Plutôt que d’utiliser cette veine, Alexander Payne invente une histoire entre Paul et Ngoc Lan Tran, une Vietnamienne miniaturisée par son gouvernement pour avoir protesté contre sa politique. Au-delà de ce personnage, l’histoire va révéler que le monde merveilleux de Leisureland est moins doré qu’il n’y paraît ; car, pour permettre aux happy few de faire la fête, il faut toujours un lumpenprolétariat qui vide leurs poubelles et nettoie leurs appartements. L’histoire nous ramène finalement en Norvège, dans la colonie primitive des premiers « petits » qui se prépare à faire face à une menace apocalyptique : des émissions massives de méthane antarctique menace l’humanité. La conclusion, prévisible, a une résonance rétrograde et laisse un malaise.

Downsizing repose sur un postulat économique et psychologique discutable. Économiquement, le coût de la vie des Minimoys serait-il réduit à due proportion de leur taille ? Pas sûr. Une maison de 1 m² coûte-t-elle cent fois moins cher qu’un appartement de 100 ? Sans doute le prix du terrain est-il proportionnel. Mais quid des travaux, de l’aménagement, de l’ameublement qu’il faudrait confier soit à une main d’œuvre « grande » mais hyper-spécialisée soit à une main d’œuvre « petite » sans économie de taille ? Et psychologiquement, qui accepterait de se miniaturiser irréversiblement ? Qui accepterait d’être transformé en homuncule de douze centimètres, insignifiant et vulnérable ?

On me répondra que Downsizing est une fable et qu’il ne faut pas s’arrêter à de telles arguties. Et on aura raison … mais quand même …

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El Presidente ★☆☆☆

Le nouveau président argentin, Hernan Blanco, participe à son premier sommet international dans les Andes chiliennes. Le Brésil souhaite créer une alliance pétrolière latino-américaine ; mais le Mexique s’y oppose. Pour le président néophyte, sans expérience internationale, élu sur la promesse d’une présidence « normale », ce sommet est un test. Mais son passé le rattrape.

Santiago Mitre avait réalisé en 2011 un premier film prometteur. El Estudiante racontait l’initiation politique d’un jeune homme révolté. On se plaît à imaginer que ce jeune homme talentueux a mûri pour être élu une vingtaine d’années plus tard président d’Argentine, décalque latino-américain du président « normal » François Hollande. On le retrouve sous les traits de Ricardo Darín, l’acteur le plus séduisant de l’hémisphère sud (Kóblic, Truman, Les nouveaux sauvages, etc.).

El Presidente aurait pu être un passionnant thriller géopolitique. On en voit l’esquisse durant le premier quart d’heure, le temps de planter le décor à trois mille mètres d’altitude, dans un luxueux hôtel de haute montagne. En quelques mots, l’intrigue est posée. Le Brésil pousse la création d’une OPEP latino-américaine sur laquelle il aurait la haute main. Le Mexique, instrumentalisé par les États-Unis, ne voit pas ce projet d’un œil favorable qui donnerait trop de puissance à Brasilia. L’Argentine est en position d’arbitre.

Hélas El Presidente se perd en chemin.
Il se perd en ajoutant à cette trame géopolitique un drame privé dont il n’avait aucun besoin. Le président a une fille qui vient de divorcer et qui souffre de troubles mentaux. Sans aucune crédibilité, il lui demande de le rejoindre – alors que la pauvrette aurait mieux fait de se faire soigner à Buenos Aires – et passe à son chevet un temps incompatible avec ses obligations protocolaires
Il se perd en caricaturant la négociation internationale. On voit ainsi le président argentin rencontrer en catimini un obscur fonctionnaire américain (Christian Slater dont on se demande ce qu’il vient faire dans cette galère) qui lui propose un pacte faustien.

C’est dommage. car El Presidente avait l’étoffe d’un grand film.

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Burn Out ★☆☆☆

Tony n’a qu’une passion : la moto. Son talent l’a fait repérer par une prestigieuse écurie et il est sur le point de passer pro. Mais la mère de son fils est en dette avec la pègre. Seul moyen pour Tony de la sortir de ce mauvais pas : se mettre au service des dealers en transportant à plus de 200 km/h de la drogue entre Rotterdam et Paris. Go-faster la nuit, pilote de course le jour, le burn out menace.

Pour son troisième film, Yann Gozlan tourne un Fast and Furious à la française. Avec des motos au lieu des quatre-roues. Où les bords de la Marne remplacent les rues de Los Angeles. Avec François Civil dans le rôle de Paul Walker, l’obsédé de vitesse.

Les fans de moto adoreront. Quant aux autres…

Dès la première séquence, filmée sur un circuit moto, l’adrénaline monte. Elle n’aura guère le temps de redescendre, le scénario multipliant les courses poursuites et la réalisation réussissant à les rendre excitantes. Filmées au ras du bitume, à travers le casque embué de sueur de Tony ou depuis le bord de la route, ces rodéos impressionnent. Le problème est que l’énergie dépensée à les mettre en scène semble inversement proportionnelle à celle consacrée au reste du film.

Si les acteurs font honnêtement leur job, de François Civil en motard au bord de l’épuisement à Olivier Rabourdin dans le rôle du méchant de service en passant par la ravissante Manon Azem, le scénario ne suit pas. Il tire trois fils narratifs : la sélection d’un motard professionnel par l’écurie Ducati, la réconciliation de Tony avec son ex-femme et bien sûr ses déboires avec les manouches qui contrôlent le trafic de drogue dans son quartier.

On peut s’amuser pendant le film à pronostiquer son dénouement. Le plus caricatural, bien sûr, aurait été que tout se termine bien : Tony rembourse sa dette, reconquiert sa fiancée et passe pro. Le scénario nous évite cette conclusion prévisible et affligeante. Pour autant, la voie dans lequel il s’engage n’est guère plus convaincante.

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Le Grand Jeu ★★★☆

Molly Bloom (Jessica Chastain) est une fille du Colorado élevée par un père tyrannique (Kevin Costner) qui rêve d’en faire une championne olympique de ski. Ses rêves de médaille évaporés suite à une mauvaise chute, elle débarque à Los Angeles et devient l’assistante d’un joueur de poker qui organise des parties homériques avec quelques stars de Hollywood. Elle apprend tant et si bien de son mentor qu’elle se met à son compte. À Los Angeles d’abord puis à New York. Molly Bloom a beau tout faire pour rester honnête, son succès insolent causera bientôt sa chute et son arrestation par le FBI. Défendue par un ténor du barreau (Idris Elba), sera-t-elle blanchie par la justice ?

L’ascension, la chute et la rédemption d’une idole déchue racontée avec une voix off et des flashbacks. Un air de déjà vu ? Sans doute. Le Loup de Wall Street, Lord of War, Boogie Nights étaient écrits sur le même schéma et constituent des modèles difficilement dépassables. D’autant que Molly Bloom  n’a pas le charisme du trader Jordan Belfort ou du trafiquant d’armes Yuri Orlov. Le Grand Jeu, inspiré de son autobiographie, tente de façon trop voyante de la réhabiliter pour être tout à fait honnête.

Sauf que Le Grand Jeu a pour héroïne Jessica Chastain et pour réalisateur et scénariste Aaron Sorkin.

Jessica Chastain is back. Moins de deux ans après Miss Sloane, la WonderWoman de Hollywood est à nouveau seule à l’affiche. Juchée sur de vertigineux stilettos, maquillée comme une star du X, coiffée à la Veronica Lake, habillée dans les tenues les plus provocatrices, les seins moulés dans de vertigineux décolletés, elle est de tous les plans. Froidement dominatrice. Magistralement impériale. Follement séduisante. Comme dans Zero Dark Thirty où, dans une tenue moins élégante, elle endossait déjà un rôle similaire de maîtresse femme. Qu’elle fasse ainsi la nique à tous les seconds rôles masculins réduits au rôle de faire-valoir n’est pas anodin à l’époque du scandale Weinstein qu’elle n’a pas hésité à dénoncer. Ce film, cette actrice participent d’une évolution de Hollywood qui n’hésite plus à donner le premier rôle à une femme qui n’est ni mère ni putain. Julia Roberts avait ouvert la voix avec Erin Brockovitch en 2000 ; les Jessica Chastain movies sont en train d’en faire une autoroute.

Après avoir scénarisé l’une des meilleurs séries (The West Wing) et l’un des meilleurs films (The Social Network) de la décennie précédente, Aaron Sorkin passe (enfin) derrière la caméra. Sa marque de fabrique : des conversations à bâtons rompus, des joutes verbales d’une folle intensité, d’incessants allers-retours temporels. Accrochez vous à votre fauteuil. Ne perdez pas un détail. Et révisez vos règles de poker si vous ne voulez pas être complètement largués. Dextérité vaine ? Brio inutile ? Le reproche serait excessif. Car Aaron Sorkin a une vertu rare. Il parie sur l’intelligence du spectateur. Pas sur son cœur. Le Grand Jeu est un film froid, cérébral – qui aurait pu s’éviter une séquence inutile entre le père et sa fille au bord de la patinoire de Central Park. Laissons à d’autres réalisateur de RomCom le soin de nous attendrir. Remercions Sorkin de nous rendre moins bêtes.

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