La Cache ★★☆☆

Dans la famille Boltanski, réunie sous le même toit d’un grand appartement de la rue de Grenelle en mai-68, il y a l’arrière-grand-mère (Liliane Rovère), juive russe, chassée d’Odessa à la fin du dix-neuvième siècle, le grand-père (Michel Blanc), médecin humaniste, la grand-mère (Dominique Reymond), sociologue, les deux oncles, Christian (Aurélien Gabrielli), qui deviendra un célèbre artiste plasticien, et Jean-Elie (William Lebghil), un linguiste. Il y a enfin le petit Christophe, neuf ans, qui racontera près de cinquante ans plus tard cette famille soudée et loufoque, dans un roman autobiographique couronné par le prix Fémina 2015.

Lionel Baier en signe l’adaptation, avec une fidélité revendiquée dès le tout premier plan. Pourtant l’adaptation n’est pas si fidèle, qui se déroule en mai 1968, alors que le roman évoque à peine cette période.

Sa bande-annonce est trompeuse. La Cache est beaucoup plus complexe qu’on pouvait s’y attendre. Il est d’abord beaucoup plus drôle. Il décrit une famille loufoque façon Gaston Lagaffe ou Le Redoutable, la comédie pop, injustement oubliée, de Michel Hazanavicius avec un Louis Garrel détonant dans le rôle de Jean-Luc Godard.

Il est surtout beaucoup plus tragique. Il raconte les blessures toujours pas cicatrisées de l’antisémitisme et de la Seconde Guerre mondiale des membres de cette famille qui ressentent le besoin compulsif de se serrer les coudes, de se lover les uns contre les autres dans la chaleur protectrice de cet appartement-cocon.

La Cache est le dernier film tourné par Michel Blanc brutalement décédé en octobre dernier (Le Routard sortira le mois prochain mais a été tourné avant La Cache). On ne peut s’empêcher de l’y regarder avec une pointe d’émotion. Le dernier plan est un bel hommage qui nous serre le cœur.

La bande-annonce

On ira ★★★☆

Rongée par un cancer récidiviste, Marie (Hélène Vincent) a pris sa décision : elle ira mourir dans la dignité en Suisse avant que la maladie n’ait raison d’elle. Mais elle n’a pas le courage de dire la vérité à son fils (David Ayala) et à sa petite-fille (Juliette Gasquet). Le seul à être dans la confidence, bien malgré lui, est Rudy (Pierre Lottin), l’auxiliaire de vie de Marie.

Après La Chambre d’à côté (que j’ai adoré), après Le Dernier Souffle (que j’ai détesté), le suicide assisté, qui revient en discussion à l’Assemblée nationale, est décidément le sujet tendance dans les salles de ce premier trimestre 2025. Il l’était en 2012 quand Hélène Vincent, déjà elle, se rendait en Suisse, avec son fils, interprété par Vincent Lindon, pour y mourir dans la dignité.

Quelques heures au printemps m’avait durablement marqué. On ira a eu sur moi un effet identique. J’ai « marché » du début à la fin et suis sorti enthousiaste d’un film qui n’est pourtant pas sans défauts et qui vaut sans doute moins que ce que je vais en écrire. Le critique de cinéma est subjectif ; je le suis plus qu’à mon tour ; il y a des films dans lesquels je « marche », d’autres dans lesquels je ne marche pas (comme À bicyclette ! que j’ai fielleusement assassiné). Comment s’explique qu’un film puisse à ce point nous entraîner au point qu’on en oublie ses défauts ? C’est la subjectivité de chacun … et la magie du cinéma…

Premier film d’une enfant de la balle, jeune actrice passée derrière la caméra, On ira est une comédie qui traite d’un sujet grave. Comme Little Miss Sunshine dont il emprunte le dispositif, On ira réunit ses quatre protagonistes dans un vieux camping-car asthmatique en route vers la Suisse. Oscillant entre le rire et les larmes, il réussit à tenir la distance et à garder l’équilibre sans verser dans la caricature que sa bande-annonce laissait craindre.

Il le doit en grande partie à ses acteurs. Hélène Vincent, décidément abonnée aux personnages d’octogénaires en fin de vie, est comme d’habitude parfaite. Sa manière de faire ses valises, de choisir sa dernière robe, de fermer une dernière fois son portail, m’a arraché des torrents de larmes. Après En fanfare, Pierre Lottin confirme son potentiel comique avec un rôle qui aurait pu facilement déraper. J’ai trouvé que le physique de David Ayala, découvert dans Miséricorde, jurait ; mais je me suis laissé emporter par son naturel. Enfin, la jeune première Juliette Gasquet est la preuve incarnée du boulot incroyable des directeurs de casting qui n’ont pas leur pareil pour dénicher des talents inédits.

La bande-annonce

Ma mère, Dieu et Sylvie Vartan ★★☆☆

En 1963, Esther Perez (Leïla Bekhti) met au monde son sixième enfant. Il est affligé d’un pied bot et condamné par les docteurs à être handicapé et lourdement appareillé. Mais sa mère s’y refuse, contre toute raison, et attend un miracle.

Ma mère, Dieu et Sylvie Vartan est l’adaptation de l’autobiographie éponyme de l’avocat Roland Perez. Il y raconte, à la première personne, son enfance dans un HLM du 13e arrondissement parisien, son handicap, sa scolarité dans un cours de théâtre puis sa brillante carrière au barreau. Il y raconte surtout en filigrane l’amour démesuré de sa mère.

Leïla Bekhti se glisse avec gourmandise dans ce personnage de mamma juive séfarade immigrée du Maroc, plus vraie que nature. Comme la mère de Romain Gary elle prophétise à son fils bien-aimé un avenir prestigieux. Elle réussit à être profondément attendrissante dans l’amour qu’elle porte à son enfant, capable de déplacer des montagnes, et horripilante dans ses excès caricaturaux. Le maquillage qui la vieillit outrancièrement dans la seconde partie du film est bien lourd à porter ; mais Leïla Bekhti est une si bonne actrice qu’elle le supporte sans se ridiculiser.

Le scénario du film boîte, comme son héros. Il est l’adaptation, je l’ai dit, d’une autobiographie. Mais il se focalise, non sans raison, sur le handicap de naissance du jeune Roland et l’entêtement insensé de sa mère à le soigner. Cette histoire-là aurait suffi à nourrir un film. Elle constitue d’ailleurs les deux tiers de Ma mère, Dieu et Sylvie Vartan. Elle est l’occasion de croquer une famille nombreuse et joyeuse dans le Paris coloré et rock’n roll de la fin des années 60.

Mais le film est lesté d’un troisième tiers qui le déséquilibre. On pourrait penser, à en croire son titre, que ce troisième tiers est consacré à Sylvie Vartan. Ce n’est qu’en partie vrai. Certes, on y voit la chanteuse, aujourd’hui âgée de quatre-vingts ans passés, le visage à ce point corrigé par la chirurgie esthétique qu’on le dirait redessiné par une intelligence artificielle. Mais on y voit surtout Roland Perez adulte, interprété par Jonathan Cohen, se marier, fonder une famille, et tenter de se sevrer de la relation vampirique qui l’unit à sa mère. Cette partie-là du film n’est pas inintéressante… mais c’est un autre film qui dévoie le premier.

La bande-annonce

Peaches Goes Bananas ★☆☆☆

Peaches, de son vrai nom Merrill Nisker, est une chanteuse canadienne née en 1966. Icone queer et féministe, elle est connue pour son titre Fuck the Pain Away qu’on entend dans Lost in Translation et dans The Handmaid’s Tale. Ses spectacles volontiers provocateurs, interrogent les genres et revendiquent un féminisme décomplexé.

La documentariste Marie Losier, qui s’est fait une spécialité des portraits d’artistes d’avant-garde, suit Peaches depuis longtemps. Elle a décidé de monter les images d’elle enregistrées sur plus de treize ans. On y voit – sans toujours s’y reconnaître – la chanteuse à différents âges de sa vie. Le temps qui passe est d’ailleurs un sujet qui est cher à Peaches et elle assume, la cinquantaine bien entamée, un corps marqué par les ans.

On y voit aussi la chanteuse dans sa vie privée, donnant d’elle une image bien plus banale que celle, outrée, qu’elle affiche dans ses concerts underground : auprès de sa sœur lourdement diminuée par une sclérose en plaques, avec son père et sa mère, avec son compagnon qui partage désormais sa vie à Berlin.

Le documentaire, fort bref (il dure une heure et treize minutes seulement) est sorti début mars dans quelques rares salles parisiennes. Il intéressera peut-être quelques fans d’électro-clash, quelques punks, quelques butchs. Quant aux autres….

La bande-annonce

Anna ★★☆☆

Anna est sarde. Après quelques années sur le continent, elle est revenue exploiter la terre de son père et y élever quelques chèvres. Mais son indépendance durement reconquise est mise à mal par la construction d’un complexe hôtelier à ses portes. S’engage pour elle une longue bataille juridique face à l’hostilité de tous les habitants du village avec le seul soutien d’un avocat bienveillant qui accepte de la défendre.

Après la Corse, la Sardaigne. Trois semaines seulement après Le Mohican arrive sur les écrans, avec une distribution beaucoup plus resserrée, ce film italien, largement tourné en dialecte sarde. J’avais déjà eu un avant-goût de sa sonorité grâce aux livres de Milena Agus (Mal de pierres, Battement d’ailes) ; mais je crois que c’est la première fois que je l’entends au cinéma.

Anna rappelle Joseph, le héros du Mohican. Elle dirige seule une exploitation agricole. Elle refuse de la céder aux promoteurs immobiliers. Elle engage une lutte à la vie à la mort pour y rester. Joseph ne parlait quasiment pas. Son refus se traduisait par des gestes. Anna, elle, utilise ce qu’elle a : sa rage éruptive et désordonnée que son patient avocat essaie de canaliser.

L’enjeu pour Anna est de prouver que la terre qu’elle occupe lui appartient. À défaut de documents cadastraux qui l’attestent, Anna s’emploie à démontrer la propriété par usucapion (le mot du jour !) : cette propriété est la sienne car elle l’a héritée de son père qui l’a continûment occupée et exploitée pendant des dizaines d’années. Seul problème : les villageois susceptibles de témoigner en sa faveur s’y refusent car la construction de ce complexe hôtelier est, pour eux et pour leurs enfants, la promesse d’un afflux de capitaux et d’emplois qui ressuscitera ce bourg anémié par l’exode rural.

Ainsi posé, l’enjeu du film est simple. Son réalisateur, venu du documentaire, a le don de lui donner de la chair. Son scénario maintient la tension tout le long du film. Même si son entêtement est horripilant, même si un peu plus de diplomatie et de conciliation ne lui nuiraient pas, on prend vite fait et cause pour Anna, on s’émeut avec elle de son passé traumatique qui nous est progressivement révélé, on tremble qu’elle soit expulsée de sa terre et [attention spoiler] on se réjouit qu’elle réussisse finalement à s’y maintenir.

La bande-annonce

Black Box Diaries ★★☆☆

Shiori Ito accuse Noriuki Yamaguchi, un journaliste proche du Premier ministre, Shinzo Abe, de l’avoir droguée et violée le 3 avril 2015 dans un hôtel tokyoite. Le journaliste s’en défend en affirmant que la jeune femme, qui candidatait à un stage dans son journal, était consentante. Après avoir déposé plainte sans succès, Shiori Ito a décidé de rendre l’affaire publique en 2017. Elle a publié un livre, Black Box, qui eut beaucoup d’écho alors que la vague #MeToo partie des Etats-Unis touchait enfin le Japon.
Pendant toute l’affaire, pour se protéger d’éventuelles représailles, Shiori Ito a filmé, souvent en caméra cachée, ses démarches et a enregistré ses interlocuteurs.

Inconnue en France, Shiori Ito est une star au Japon. Elle y est le visage de #MeToo, celle dont le combat courageux pour faire reconnaître le viol dont elle a été victime en 2015 galvanise celui de toutes les femmes dans un pays conservateur où l’autorité masculine n’est que timidement remise en cause, où les plaintes pour violences sexuelles sont rares et où les juges hésitent à sanctionner leurs auteurs.

Voir Black Box Diairies, c’est évidemment prendre fait et cause pour Shiori Ito. La culpabilité de son agresseur ne fait pas l’ombre d’un doute – et le scrupule légaliste réservant à la police et aux juges le soin de l’élucidation des faits est bien (trop ?) vite balayé. La beauté de la victime, mannequin pour Calvin Klein, y est pour beaucoup. Mais plus encore, le spectateur est sensible au combat qu’elle mène pour que sa plainte soit entendue. Il prend conscience, autant qu’un documentaire peut lui permettre de le faire, de l’énergie, de la détermination et du prix à payer pour mener cette lutte.

Car, bien évidemment, Shiori Ito a suscité la polémique. Sa parole a été mise en doute. On l’a accusée de s’être prostituée, d’avoir menti, d’avoir cherché à s’enrichir dans ses procès. On mesure, à la suivre face à ce flot de haine, le courage et la force qu’il faut avoir pour y résister.

Le documentaire lui-même a suscité une polémique. Les avocats de Shiori Ito lui ont fait le reproche d’avoir utilisé certaines images, telles que celles des caméras de surveillance de l’hôtel auxquelles elle a eu accès à condition qu’elles ne soient utilisée que dans le cadre de l’instance, ou certains témoignages. Ces réserves peuvent sembler pusillanimes : pourquoi refuser la publicité de tout ce qui peut participer à la manifestation de la vérité ? Mais, à y regarder de plus près, elles ne sont pas si sottes : rendre publiques des preuves obtenues sous le sceau de la confidence, n’est-ce pas fragiliser la confiance et risquer à l’avenir que de tels témoins ne se taisent ?

La bande-annonce

The Last Showgirl ★☆☆☆

Shelly, la cinquantaine bien entamée, danse depuis des années dans le même spectacle sur le Strand de Las Vegas. Passé de mode, il va s’arrêter laissant Kelly seule face à ses échecs : professionnel, familial, sentimental.

Il y a une quinzaine d’années, Darren Aronofsky donnait à la carrière de Mickey Rourke un second souffle en le filmant à nu dans The Wrestler, le visage défiguré par la chirurgie esthétique, le corps épuisé par les médicaments et l’alcool, et en faisant au passage une peinture sans concession du monde du catch et de ses coulisses.

C’est à la lettre la même recette qu’applique Gia Coppola, petite-fille de…, avec Pamela Anderson, sex-symbol mamelue et peroxydée d’Alerte à Malibu au monokini rouge devenu iconique. The Last Showgirl la filme sans concession et sans maquillage, à 57 ans, le visage et les mains ravinés de rides.

L’arrêt de la revue où elle a dansé quasiment tous les soirs pendant des dizaines d’années la laisse désemparée. Elle se présente vainement à une audition ; mais l’humiliation reçue lui montre qu’elle ne retrouvera jamais un travail de danseur. Elle n’a pas gagné grand-chose, a épargné moins encore et vit en colocation avec quelques collègues. Plus jeune, elle avait sacrifié à sa carrière l’éducation de sa fille et peine à renouer avec elle une relation dégradée. Le père de l’enfant, dont l’identité ne lui a jamais été révélée, est le régisseur, plein d’empathie, de son show : mais l’espoir un temps caressé de reprendre cette relation est vite déçu.

On aurait mauvaise grâce de dire que le film ne touche pas juste dans son portrait doux-amer d’une femme à bout de souffle. Mais il emprunte des chemins trop balisés pour surprendre. Et ce n’est pas ses lumières diffractées qui lui confèrent une modernité qu’il n’a pas.

The Last Showgirl aura-t-il sur la carrière de Pamela Anderson le même effet que The Wrestler sur celle de Mickey Rourke ? On le lui souhaite même si la vérité oblige à dire qu’elle n’a jamais été une aussi grande actrice que lui.

La bande-annonce

Reine mère ★★☆☆

Au début des années 90, en banlieue parisienne, Mouna est élève en CM2 dans une école privée catholique. Sa mère Amel (Camélia Jordana) est une immigrée tunisienne qui vit mal son déclassement social. Son père Amor (Sofiane Zermani), immigré algérien, fait le dos rond.Quand leur propriétaire dénonce leur bail, Amel est face à un dilemme : déménager dans un HLM ? ou accepter le travail qu’elle avait jusqu’alors refusé pour augmenter les revenus du couple ?

Manele Labidi avait signé un premier film enthousiasmant, Un divan à Tunis, avec l’excellente Golshifteh Farahani dans le rôle d’une psychiatre binationale qui décide de se réinstaller en Tunisie pour y exercer la profession qu’elle a apprise en France.

Quatre ans plus tard, la réalisatrice franco-tunisienne née à Paris en 1982, signe un film dont on imagine volontiers la part d’autobiographie qu’il comprend.

Camélia Jordana y interprète un rôle qui rappelle ceux, récemment remis au goût du jour par Il reste encore demain, des mammas italiennes des grandes années : Anna Magnani, Sophia Loren… Solaire, forte en gueule, débordante d’amour pour ses enfants, elle est impériale. Elle aurait pu éclipser son époux, interprété avec beaucoup de délicatesse par Sofiane Zermani qu’on avait remarqué dans Barbès, Little Algérie et dans La Vénus d’argent.

Mais le personnage principal du film reste Mouna, double autobiographique à peine masqué de la réalisatrice. C’est autour d’elle que l’histoire s’organise et c’est par ses yeux qu’elle est racontée. Pour soigner son mal-être identitaire, Mouna s’est inventé un ami imaginaire. Damien Bonnard s’est beaucoup amusé en se glissant dans le personnage de… Charles Martel, au risque de donner à ce film un tour loufoque qui le fait sortir de son lit.

Pas plus tard que mardi dernier, j’évoquais, dans ma critique de Dans la cuisine des Nguyen, les films, nombreux, à raconter l’intégration, pas toujours facile, des enfants de la seconde génération d’immigrés maghrébins. Ce film-ci vient se rajouter à cette longue liste dans laquelle figurent déjà Le Thé au harem d’AchimèdeLe Gone du Chaâba ou La Graine et le Mulet. Il n’y occupera pas une place inoubliable. Mais il n’en constitue pas moins un film attachant et plein de charme.

La bande-annonce

Bonjour l’asile ★☆☆☆

Elisa (Judith Davis) quitte Paris le temps d’un week-end pour retrouver sa vieille amie Elisa (Claire Dumas) partie s’installer à la campagne avec son mari et ses trois enfants. Tout proche, un ancien hôpital psychiatrique transformé en ZAD accueille des locataires de passage. Il est menacé d’expropriation par un couple d’entrepreneurs sans scrupules.

On avait découvert Judith Davis il y a plus de six ans dans Tout ce qu’il me reste de la révolution sur l’héritage laissé par la génération de mai 68 et on était resté sans nouvelles d’elle depuis. On la retrouve, inchangée, dans un second film qui pourrait être la suite ou le prologue du premier. Son ton, son ambiance, son sujet qui interroge notre société et ses choix politiques m’ont rappelé Les Barbares de July Delpy sorti l’automne dernier.

Le duo formé par Judith Davis et Claire Dumas – qui reprend à l’identique celui qu’elles formaient déjà dans Tout ce qu’il me reste… – y est particulièrement convaincant. Leurs deux personnages interrogent, avec Maxence Tual qui interprète le conjoint d’Elisa, la place des femmes dans la société contemporaine, leur autonomie revendiquée, l’égale répartition des tâches ménagères.

De même, Bonjour l’asile nous fait pénétrer dans un lieu à part, peuplé d’inoffensifs frappadingues, sur un mode à mi-chemin de la comédie grinçante façon Problemos (la comédie à succès de Eric Judor qui tournait en dérision les mouvements écologistes radicaux) et du documentaire empathique.

Ces deux fils narratifs auraient suffi au succès du film. Mais Bonjour l’asile a la mauvaise idée de lui en rajouter un troisième : un couple d’entrepreneurs sans scrupules qui a décidé de transformer ce tiers-lieu en complexe hôtelier cinq étoiles. Ce couple outrancièrement interprété par Mélanie Bestel et Nadir Legrand fait tomber le film dans le grand n’importe quoi. Dommage…

La bande-annonce

La Convocation ☆☆☆☆

Elisabeth est convoquée à l’école de son fils, Armand, six ans. Sarah et Anders accusent l’enfant d’avoir agressé leur fils Jon. La maîtresse des deux enfants est une jeune institutrice inexpérimentée et pleine de bonnes intentions qui essaie d’assurer une médiation entre les trois adultes. Vite dépassée par leur hostilité, elle passe le relais au directeur de l’école.

L’âge venant, je développe une fâcheuse tendance au radotage. Ma critique ce matin va suivre la même construction que celle d’hier – et que celle de tant d’autres avant elle.

Je vais commencer par dire que j’attendais beaucoup de ce film norvégien, réalisé par le petit-fils d’Ingmar Bergman et de Liv Ullman, auréolé de la Caméra d’or au dernier Festival de Cannes, interprété par la révélation de Julie (en 12 chapitres) et dont la bande-annonce avait excité ma curiosité. Quels faits mystérieux ont provoqué la « convocation » (c’est le titre français de l’original Armand) de la mère du garçonnet ? quel conflit va se nouer entre les parents et le corps enseignant ? comment va-t-il se résoudre ?

Je vais ensuite ronchonner en regrettant que mes attentes aient été lourdement déçues. En effet, La Convocation se réduit vite à un face-à-face très plat entre deux positions irréductibles. D’un côté celle de Sarah, la mère de Jon : mon fils a été agressé et l’école doit prendre au sérieux cette affaire (mais, on ne comprend pas ce que la mère de Jon attend : des excuses ? une réparation ? l’exclusion définitive d’Armand ? le retrait de la garde de sa mère ?). De l’autre le déni d’Elisabeth, la mère d’Armand : mon fils n’est pas capable et donc pas coupable de ce dont vous l’accusez.

Ce face-à-face stérile est interrompu par des pauses pipi qui sont l’occasion d’autant de tête-à-tête entre les différents protagonistes : entre Elisabeth et Sarah dont on apprend qu’elle est sa belle-soeur, entre Sarah et Anders qui se révèlent pas si unis que ça autour de la défense de leur fils, entre Elisabeth et le directeur de l’école qui fut, jadis, son propre enseignant. Il est également interrompu par le déclenchement inopiné de l’alarme incendie de l’école et le fou-rire nerveux qu’elle provoque chez Elisabeth. L’événement serait cocasse s’il ne s’étirait pas interminablement pendant une dizaine de minutes, semant malaise et consternation parmi les participants de la réunion… et les spectateurs du film.

Mais il y a pire encore. Le comble est atteint dans le tiers du film qui, de façon impromptue, verse dans le délire onirique. On y voit, sans y rien comprendre, avant un épilogue qui nous ramène à la réalité, Elisabeth embarquée dans un sabbat démoniaque et muet.

Il est temps de clore ce coup de gueule en évoquant un autre film qui, sur le même sujet, m’avait autrement convaincu. Il s’agissait, l’an dernier, de l’allemand La Salle des profs, qui, avec un sens du scénario autrement plus maîtrisé, interrogeait dans le huis clos d’un collège les notions de justice, de culpabilité, de faute, de pardon…

La bande-annonce