Etienne (Nahuel Perez Biscayart) a vingt ans à peine. Avec Valérie, c’est le coup de foudre. Mais Valérie disparaît sans une explication, laissant à son compagnon le soin d’élever seul leur fille. Le temps a passé et Rosa (Céleste Brunnquell) a dix-sept ans. L’heure est venue pour elle de quitter son père pour aller à Metz poursuivre des études d’art.
Je ne suis pas au nombre de ceux, nombreux, qui se sont enflammés pour Perdrix, le premier film décalé d’Erwan le Duc. Je ne lui reconnais pas moins un certain talent et un talent certain qu’on retrouve à l’identique dans son deuxième film, aussi décalé que le premier.
Tout y est léger, joyeux et burlesque. À commencer par le duo improbable que forment ce père immature et sa fille tôt montée en graine. Des deux, on comprend vite qui veille sur l’autre et qui est le plus indispensable à l’autre. Ce duo bancal et attachant était déjà au centre de Normale avec Benoît Poelvoorde sorti il y a quelques mois à peine. Mais La Fille de son père est un anti-Normale. Ses choix de mise en scène sont perpendiculaires à ceux, lourdement conventionnels, de ce film oubliable, dont j’avais dit pourtant qu’il m’avait bien plu et auquel j’avais (trop ?) généreusement décerné deux étoiles.
La Fille de son père joue dans une autre catégorie, plus ambitieuse. Sans doute, son sujet n’est-il pas très original. Et la façon dont il se conclut, par une échappée belle, à Nazaré au Portugal, dont on ne dira rien pour ne pas en spoiler le dénouement, ne l’est-elle guère plus. Mais son traitement est sacrément détonant. Il convoque tous les arts, la peinture, que la jeune Rosa pratique en amateure douée avant d’en faire peut-être un jour son métier, la poésie que son sigisbée, le chevaleresque Youssef (Mohamed Louridi) lui récite, et même le théâtre, comme lors de cette scène splendide qui réunit dans son lycée Rosa et son père.
Il faut dire un mot des deux acteurs principaux. On n’a pas attendu ce film pour savoir qu’ils sont sans doute parmi les plus prometteurs de leur génération. Nahuel Perez Biscayart a trente-sept ans et des yeux bleus à se damner. On l’a vu dans Au revoir là-haut, 120 bpm et Les Leçons persanes. Céleste Brunnquell a vingt-et-un ans à peine mais son talent a déjà explosé dans Les Éblouis et dans la série En thérapie. Ce duo surdoué ne doit pas éclipser les autres acteurs, Maud Wyler – qui jouait déjà dans Perdrix – et le jeune Mohamed Louridi dont l’élocution élégante m’a rappelé celle de Quentin Dolmaire.