Cornélius, le meunier hurlant ★☆☆☆

Un meunier venu de nulle part s’installe près d’un petit village coupé du monde. Il y construit un moulin, y fabrique la meilleur des farines. Il n’a qu’un seul défaut : la nuit tombé, il hurle à la mort, empêchant les villageois de trouver le sommeil.

On attendait avec gourmandise le premier long de Yann Le Quellec qui avait sorti en 2012 deux moyens métrages enthousiasmants : Je sens le beat qui monte en moi et La Quepa sur la Vilni. On l’attendait d’autant plus qu’il adaptait un roman du loufoque auteur finlandais Arto Paasilinna qui, depuis qu’il a été tardivement traduit en français (Le Lièvre de Vatanen écrit en 1975 n’est traduit qu’en 1989) s’est acquis dans l’hexagone un public fidèle.

On est bien déçu par le résultat qui ne fonctionne pas.
Pourtant ce western poétique, cette comédie grave, cet hymne à la différence avait de quoi séduire. Comme dans Je sens le beat…, Yann Le Quéllec filme des corps : celui massif et gigantesque de Cornélius Bloom interprété par Bonaventure Gacon (des faux airs de Depardieu jeune), celui gracile et séduisant de Carmen Cardamome, la fille du maire interprétée avec toujours autant de fraîcheur par Anaïs Demoustier. Il a même demandé à Maguy Marin de les chorégraphier dans des séquences aussi belles qu’enlevées.

Sa fable gentiment absurde se laisse voir sans déplaisir. On se laisse conquérir par l’ambiance bon enfant de ce village d’opérette ; on est impressionné par les paysages sauvages des Cévennes et par ce moulin steampunk construit à partir de rien ; on est attendri par la folie douce de Cornélius et par l’amour naïf qui l’unit à Carmen. Mais, ce sympathique bric-à-brac, aussi pétri soit-il de bonnes intentions et de bonnes idées, ne suffit pas à faire un film avec un sujet et un point de vue.

Le public ne s’y est pas trompé qui a boudé la sortie de Cornélius…, quasiment sorti des écrans au bout de quelques semaines.

La bande-annonce

Corpo Eléctrico ★★☆☆

Elias a vingt-cinq ans à peine. Il vient d’arriver à São Paulo. Ses journées sont bien occupées : il exerce des fonctions d’encadrement dans une usine textile aux côtés de la patronne. Mais ses soirées ne le sont pas moins : Elias multiplie les rencontres et les conquêtes masculines.

Le cinéma brésilien nous réserve de belles surprises. Aquarius – dont Marcelo Caetano avait dirigé le casting – avait enthousiasmé la Croisette en 2016 et emporté un beau succès en salles (156.000 entrées en France). Gabriel et la montagne nous entrainait en 2017 en Afrique orientale sur les pas d’un étudiant brésilien idéaliste. Les bonnes manières osait en 2018 le film vampire lesbien.

Corpo Eléctrico ne trouvera pas sa place dans ce palmarès. Mais ce n’est pas faute de qualités.

Corpo Eléctrico est un film dyonisiaque qui exalte sans tabous la joie de vivre et d’aimer. D’ailleurs il aurait pu sans rougir détourner à son profit le titre de Christophe Honoré : Plaire, aimer et coudre.

Corpo Eléctrico n’est pas sans rappeler Mektoub my love. Comme Abdellatif Kechiche, Marcelo Caetano filme les corps, leur beauté solaire, leur sensualité provocatrice. Comme Kechiche, Caetano aime filmer des groupes de jeunes qui se croisent et se frôlent. Il le fait parfois avec un peu trop d’afféterie : ainsi de ce long traveling arrière dans les rues de São Paulo où Elias et ses amis déambulent d’un bon pas. Mais il faut lui reconnaître le don rare de réussir à capter la vie comme elle va.

Corpo Eléctrico a les défauts de ses qualités. Son refus du dramatique lui fait parfois friser l’insignifiance. Son goût prononcé pour les scènes de groupes l’empêche d’isoler les caractères. Sa manie d’étirer les plans tourne parfois à la pose. Sous ses aspects faussement cool, il n’en reste pas moins un film politique en affirmant que les différences de race et de sexualité, que les inégalités de classes peuvent se dissoudre dans un hédonisme post-moderne. (Dé)culotté.

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The Cured ★★★☆

Quelques années plus tôt, le terrible virus Maze a transformé la quasi-totalité de l’humanité en zombies cannibales. Mais un vaccin a été trouvé, permettant de soigner les personnes infectées.
Pour autant, des problèmes demeurent. Une partie des zombies est incurable. Quant à ceux revenus à la vie civile, ils peinent à se réinsérer.

The Cured commence là où World War Z et nombre de films de zombies se terminent : un vaccin a été trouvé qui va sauver l’humanité d’une extinction cannibale. Happy end ? Pas évident nous répond ce thriller malin qui pose de stimulantes questions éthiques, sur le pardon et sur le remords.

Il questionne d’une part le rapport des humains rescapés face aux zombies guéris. Ceux-ci pardonneront-ils à ceux-là les crimes qu’ils ont commis ?  Leur feront-ils une place dans la société ? Ou les maintiendront-ils sous surveillance, de peur d’une rechute et/ou par refus de leur pardonner ?

Il questionne d’autre part les remords des zombies que le vaccin n’a hélas pas privés de souvenirs, condamnés à être hantés par les cauchemars des crimes monstrueux qu’ils ont commis. Parviendront-ils à se réconcilier avec eux-mêmes et avec les autres ? Ou s’enfermeront-ils dans un séparatisme radical ?

Toutes ces questions éthiques sont traitées à travers trois personnages. Senan (Sam Keeley) a perdu son frère pendant l’infection, dans des conditions qu’on découvrira bien vite. Il est hébergé par sa belle-sœur Abbie (Ellen Page) qui élève, seule, un fils. Conor (Tom Vaughan-Lawlor) n’a pas cette chance. Sa famille l’a banni. Il en est réduit à loger dans un foyer pour anciens zombies. Brillant politicien en pleine ascension avant l’épidémie, il n’accepte pas d’être relégué dans un statut parasite et fomente une révolte. Le docteur Lyons (Paula Malcomson) cherche inlassablement un remède pour soigner sa femme qui a pour l’instant résisté à tous les traitements.

The Cured a tous les ingrédients du film de genre, jump scares anxiogènes et cauchemars effrayants inclus. Mais il s’en distingue par la qualité de son interprétation (Ellen Page, qui tisse depuis Juno une carrière étonnante entre blockbuster – X-Men, Inception – et film d’auteur) et la finesse de son scénario dont le dénouement, aussi surprenant que logique, m’a cloué sur mon siège. The Cured devait sortir en salles le 18 juillet. Pour des raisons qui m’échappent, son distributeur, Bac Films, a baissé les bras.  Le film est directement sorti… dans les bacs.

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Mamma Mia! Here We Go Again ★★☆☆

Dix ans après Mamma Mia! voici sa suite. Elle aurait pu s’appeler Mamma Mia 2 ; mais aujourd’hui les suites ne sont plus numérotées. On ne parle pas de Mission impossible 6 – alors qu’on parlait pourtant du 2 ou du 3 – ni de Jurassic Park 5. Pourquoi ? Pour ne pas donner au gogo l’impression trop flagrante qu’il est face à un sequel qui n’a d’autre raison d’être que de capitaliser sur le succès commercial d’une franchise. Vous m’opposerez Les Indestructibles 2 et Hôtel Transylvanie 3 et vous aurez raison. Mais cela ne redonne pour autant pas beaucoup d’intérêt à ces suites dispensables.

Cette introduction augure mal de ma critique. On cherche désespérément l’intérêt de donner une suite au film de 2008, lui même adapté de la comédie musicale créée à Londres en 1999 par Catherine Johnson et voué depuis lors à une gloire intergalactique. Tout semblait avoir été dit de Donna (Meryl Streep), de sa fille Sophie (Amanda Seyfried) et de sa paternité compliquée avec Sam (Pierce Brosnan), Harry (Colin Firth) et Bill (Stellan Skarsgård). Tout surtout semblait avoir été chanté des principaux tubes de Abba : Mamma Mia, Dancing Queen, Super Trooper, The Winner Takes It All

De quoi une suite pouvait-elle être faite ? Comment raconter une histoire sans répéter la même ? Quels tubes reprendre sans bégayer ? Les producteurs choisissent la solution la plus paresseuse : un scénario qui revient en flashbacks sur la rencontre de Donna jeune avec les trois pères putatifs de Sophie et une bande son qui mêle hits et chansons moins connus (parmi lesquels l’iconoclaste When I Kissed the Teacher).

Le resultat réjouira les fans et les autres tant la rythmique sucrée des chansons de Abba et les chorégraphies bollywoodiennes qui les accompagnent débordent d’une communicative énergie. Une telle indulgence est largement incompréhensible. Car l’histoire courue d’avance est sans intérêt, le jeu des acteurs horripilant (Lily James, remarquée dans Downton Abbey et Le Cercle litteraire de Guernesey est à baffer) et les chansons moins euphorisantes que celles de la face A. Le seul intérêt de ce Mamma Mia 2 : pouvoir organiser une soirée à thème sans regarder deux fois le même film.

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Mario ★☆☆☆

Mario (Max Hubacher révélé par The Captain) n’a qu’un rêve : devenir footballeur professionnel. La prochaine saison s’annonce déterminante. Son père et son nouvel agent le lui rappellent à l’envi.
L’équipe de Mario, les YB de Berne, voit l’arrivée d’un nouvel attaquant venu d’Allemagne, Leon (Aaron Altaras), avec lequel Mario emménage dans une colocation mise à leur disposition par leur club à proximité du stade.
Entre les deux jeunes gens l’attraction est immédiate. Mais la révélation de leur liaison risque de compromettre leur avenir sportif.

Joli sens du timing pour Mario, qui est d’abord édité le 3 juillet en DVD et VOD avant de connaître le 1er août au MK2 Beaubourg une – confidentielle – sortie en salles : sa diffusion coïncide avec le Mondial de football 2018 et prend pour sujet l’homophobie dans le sport dont la Gay Pride du 30 juin avait fait son thème.

Le sujet est délicat. Quand la rumeur de la liaison entre Mario et Leon circule dans les couloirs du club, deux attitudes sont possibles, qu’incarne chacun des deux joueurs. Celle de Mario consiste à nier envers et contre tout, allant jusqu’à convoquer une amie d’enfance pour convaincre les autres joueurs et l’encadrement de son hétérosexualité. Celle de Leon est moins hypocrite : il assume son homosexualité et ses sentiments pour son coéquipier, renvoyant ceux qui les dénigrent à leur homophobie.

Mais le film est gâché par une mise en scène insipide, proche des canons téléfilmiques, qui en étire la durée sur près de deux heures. On tangente plus la bluette gay que le drame de société – comme l’affiche hélas aurait dû nous en avertir. Et l’épilogue a beau éviter l’écueil du happy end convenu, il ne suffit pas à sauver ce film trop mièvre. Son contenu et son traitement rendent d’autant plus dérisoire la décision des organisateurs de Cannes Écrans Juniors de le déprogrammer, faisant à ce film sans grand intérêt une publicité paradoxale qu’il ne méritait pas.

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Ma fille ★★★☆

Vittoria a bientôt dix ans. Elle est l’enfant unique de Tina (Valeria Giolini) qui lui voue une affection étouffante et de Umberto. À quelque distance du petit village portuaire de Sardaigne où la famille est installée vit dans une ferme isolée Angelica (Alba Rohrwacher).

Le deuxième film de Laura Bispuri a des faux airs de tragédie grecque. Unité de temps. Unité de lieu. Unité d’action. Avec une économie de moyens admirable, qui ne vire jamais au minimalisme, la realisatrice filme à l’os. Son sujet est ténu et se devoile rapidement : l’ecartelement d’une enfant entre sa mère biologique et sa mère adoptive.

Ma fille – un titre aussi simple qu’intelligent – aurait pu aussi bien s’intituler Ma mère. La petite Vittoria hésite entre deux modèles : la maman (Tina) et la putain (Angelica). L’opposition pourrait sembler simpliste. Elle ne l’est pas. Car la réalisatrice réussit, sans effet de manches ni dramaturgie inutile, à nous toucher.

Sa réussite doit beaucoup à son trio d’actrices. Valeria Giolino, découverte il y a une trentaine d’années dans Rain Man, vieillit merveilleusement bien. Alba Rohrwacher, curieux alliage de blondeur germanique et de sensualité méditerranéenne, confirme son talent. Et la jeune Sara Casu évite l’écueil du cabotinage. Une réussite sur toute la ligne.

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Filles du feu ★☆☆☆

L’ethnologue Stéphane Breton a rencontré les combattantes kurdes avant qu’elles deviennent les symboles de la résistance à Daech. Il les a filmées au quotidien, marchant à travers une ville en ruines, bivouaquant sur un point haut, préparant une offensive.

Le documentaire de Stéphane Breton est déroutant. On ne mettra pas en cause son authenticité là même où celle de Peshmerga, le documentaire réalisé en 2016 par Bernard-Henri Lévy, pouvait l’être du fait de l’identité de son auteur et de sa réputation polémique. Mais on lui adressera d’autres reproches.

Stéphane Breton se refuse à nous expliquer le conflit qui oppose, au nord de la Syrie, les forces kurdes à celles de l’État islamique. Sans voix off, sans carton explicatif, son documentaire se contente de nous immerger dans le quotidien de ses combattantes. Un quotidien qui n’a rien d’héroïque ou de belliqueux : on y fait la guerre sans passion et sans peur, comme s’il s’agissait d’un acte normal. Un quotidien où les différences de sexe ne comptent pas, où les relations étonnamment apaisées entre combattants et combattantes sont dépourvues de toute tension amoureuse ou érotique.

Le procédé a deux inconvénients majeurs. Le premier est d’être terriblement ennuyeux. Suivre, en caméra subjective, deux combattantes qui marchent à travers une ville en ruines et n’y rencontrent personne sinon des chiens errants, n’est pas très intéressant. Ce l’est encore moins si le plan séquence s’étire interminablement pendant une dizaine de minutes. Et le documentaire a beau être d’une remarquable brièveté (quatre-vingts minutes seulement), les cinq ou six scènes qu’on voit sont, prises isolément, d’une lenteur désespérante.

Le second est qu’il nous laisse avec beaucoup de questions sans réponse. On aurait aimé savoir d’où viennent ces femmes dont le treillis empêche de deviner l’âge. Ont-elles été requises de force ou se sont-elles enrôlées volontairement ? Quelle famille ont-elles quittée ? quel fiancé ? quel mari ? Comment sont-elles intégrées aux forces armées ? Font-elles l’objet de discriminations ? de harcèlement ? Exercent-elles les mêmes fonctions que celles dévolues à leurs frères d’armes ?

L’émotion naît à la toute dernière seconde. Où l’on apprend par un ultime carton que la commandante que l’on vient de voir organiser, avec patience et autorité, le plan de bataille de ses troupes, a trouvé la mort. Trop tard.

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Une famille italienne ★★☆☆

Sur l’île d’Ischia, Pietro et Alba, riches restaurateurs romains, fêtent leurs noces d’or entourés de toute leur famille : leurs enfants, leurs petits-enfants, une vieille sœur, leurs neveux… Mais un orage bloque les invités pendant deux jours sur l’île.

Après douze ans à Hollywood, où Will Smith l’a adoubé, l’Italien Gabriele Muccino revient à Ithaque et y retrouve la formule qui avait fait son succès au debut des années 2000 avec Juste un baiser et Souviens-toi de moi : le film italien chorale rassemblant plusieurs générations d’une même famille et en décrivant, le temps d’un week-end paroxystique, les petites lâchetés et les grandes passions.

La formule pourrait sembler téléphonée. La bande-annonce laissait augurer le pire : une version cinéma de Plus belle la vie ou de Maguy avec moult éclats de voix et de rire. Mais le résultat est loin d’être déplaisant – profitant sans doute de ce que notre indulgence connaît un lâche relâchement en ces périodes caniculaires où la fraîcheur des salles obscures suffit, à elle seule, à nous combler.

Le mérite en revient à Gabriele Muccino qui a réuni autour de lui une pléiade d’acteurs plus ou moins connus de ce côté-ci des Alpes (on reconnait Stefano Accorsi dans le rôle du fils prodigue et Stefania Sandrelli dans celui de la mère de famille). Il réussit à donner à chacun un rôle qui ne se réduit pas à un stéréotype : la femme trompée, le malade d’Alzheimer et son épouse qui s’épuise à le soigner, le mari écartelé entre son ancienne femme et la nouvelle, le couple de jeunes tourtereaux, etc. Il le fait surtout avec une mise en scène d’une parfaite fluidité qui enchaîne les scènes de groupe filmées en longs plans séquences parfaitement millimétrés.

Rien de bien intéressant ne se passe ; mais on ne s’ennuie pas une seconde pour autant. Car on s’attache à toutes ces micro-histoires, à tous ces destins ordinaires. On parle fort et haut ; on crie ; on rit ; on pleure. Tout cela est sans doute excessif sinon caricatural. Mais on est en Italie. C’est l’été. Ne boudons pas notre plaisir.

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My Lady ★★☆☆

Mrs. Justice Fiona Maye (Emma Thompson) vit et travaille à la Haute Cour de Justice à Londres. Elle a consacré sa vie à son travail au point de négliger son mari, professeur de littérature (Stanley Tucci). Affectée à la division familiale, Dame Fiona doit y trancher des affaires délicates : ainsi de deux siamois promis à une mort certaine faute d’être séparés mais dont la séparation entraînera fatalement la mort du plus faible.
Lors d’une astreinte, la juge Maye se voit confier un dossier aussi delicat qu’urgent. Il s’agit d’un Témoin de Jehovah leucémique qui refuse la transfusion sanguine qui pourrait le sauver. Le patient serait-il majeur, l’hôpital ne pourrait pas légalement le transfuser contre son gré. Mais le jeune Adam Henry (Fionn Whitehead) étant encore mineur pendant quelques semaines, l’hôpital peut obtenir d’un juge ce droit, sur la base du Children Act de 1979 qui place l’intérêt de l’enfant au-dessus de toute autre considération.

My Lady est l’adaptation d’un roman de Ian McEwan publié en 2014 sous le titre The Children Act (en français L’intérêt de l’enfant). Même si le film de Richard Eyre est d’une absolue fidélité au roman qu’il adapte, le changement de titre est l’indice d’un glissement sémantique : c’est moins la résolution d’une question juridique qui en sera au cœur que le portrait d’une femme.

Et c’est bien dommage. Car le film – comme le roman – commence bien qui promet une intrigue ramassée dans un prétoire face à une juge magistralement interprétée par Emma Thompson obligée d’arbitrer entre deux valeurs contradictoires : d’un côté le respect des croyances religieuses de chacun, partie intégrante du respect de la dignité humaine, de l’autre le droit à la vie.

Hélas la question – qui, tout bien réfléchi est moins epineuse qu’il n’y paraît et a été tranchée par une jurisprudence ancienne et constante – n’occupe que la moitié du film. Au bout d’une heure, un second commence, qui entraîne à Newcastle à l’occasion d’une audience foraine de la juge Maye. Il n’est certes pas sans lien avec le premier ; mais il n’en a pas l’unité et l’intensité. Il éclaire certains aspects du premier. Mais trop tard : il a perdu en cours de route son intérêt… sinon celui de l’enfant.

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Arythmie ★★★☆

Katia et Oleg se sont rencontrés en faculté de médecine. Mariés depuis peu, ils travaillent ensemble au service des urgences d’une ville russe moyenne. Katia accueille les malades et les oriente vers le bloc. Oleg est affecté dans une unité mobile d’intervention.
Mais réforme du système de santé oblige, leurs conditions de travail changent. On leur demande d’être plus rapides, plus efficaces, fût-ce au détriment de la qualité des soins prodigués aux patients dont ils ont la charge.
Ces évolutions ne sont pas sans incidence sur leur couple. Oleg boit de plus en plus et Katia le supporte de moins en moins.

Le cinéma russe a le don de nous terrasser. Leviathan et Faute d’amour de Zvianguitsev, L’Idiot! de Bykov, Une femme douce de Loznitsa, Classe à part de Tverdovsky, Tesnota de Balagov, la liste est longue de ces films russes qui nous laissent hébétés, pantois. Ces œuvres ont en commun de filmer à l’os, sans concession, une société dure à l’homme, violente, égoïste et les fragiles îlots de résistance que lui opposent quelques individus esseulés et leurs moyens dérisoires : leur courage, leur intégrité, leur amour…

Arythmie s’inscrit dans cette désormais riche généalogie. Il s’y inscrit si bien qu’il risque de passer inaperçu, éclipsé par ses prédécesseurs, desservi par la date de sa sortie en plein cœur de l’été. Il trace deux fils narratifs dont on aurait pu craindre qu’ils fussent par trop artificiellement reliés l’un à l’autre.
D’un côté, une critique politique en règle d’un système de santé, obligé de se renier pour satisfaire aux règles iniques de l’efficience capitaliste. On suit Oleg et son infirmier dans leurs maraudes, qui prennent le temps d’apaiser l’insuffisance respiratoire d’une vieille dame au risque d’arriver trop tard à leur rendez-vous suivant et d’y découvrir une patiente décédée et sa famille désespérée.
De l’autre côté, le drame intime d’un couple qui se délite, un homme et une femme qui ne se supportent plus mais n’arrivent pas à se séparer. Leur histoire, pour banale qu’elle soit, est bouleversante. Elle connaît de touchantes accalmies, telle cette scène d’amour filmée sans fard, à l’issue d’une soirée arrosée entre amis. Son dénouement réussit à éviter le double piège du cynisme et de l’irénisme.

La bande-annonce