Rétrospective Dario Argento ★★☆☆

A l’initiative du distributeur Les Films du Camélia, six films de Dario Argento ressortent en salles le 27 juin. C’est l’occasion de découvrir ou de redécouvrir sur grand écran l’œuvre du maître italien de l’épouvante peu ou mal distribué – ainsi Opéra (1987) était-il jusqu’à ce jour inédit.

Né en 1940, Dario Argento est le maître incontesté du giallo, ce genre italien inimitable qui doit son nom à la couverture jaune des polars. À la frontière du film policier, du film érotique et du film d’horreur, le giallo transcende les genres. Les Frissons de l’angoisse (1975) en constitue sans doute l’apogée. Le personnage principal est un pianiste de jazz à la poursuite d’un mystérieux assassin. Le film bluffe par ses audaces visuelles, ses scènes gore, ses mouvements de caméra renversants, sa musique angoissante signée par le groupe de rock progressif Goblin. Mais sa durée excessive et l’accumulation de scènes sanglantes risquent de lasser même les plus endurants.

Dario Argento a tiré le giallo vers le fantastique. C’est le cas dans Suspiria (1977), considéré parfois comme son meilleur film. 1001 Movies You Must See Before You Die le classe d’ailleurs dans son anthologie. C’est un film d’une grande violence visuelle et sonore dont l’action se déroule dans une école de danse allemande où une jeune ballerine enquête sur une succession de crimes atroces. Un remake vient d’en être tourné par le réalisateur de Call me by your name et A bigger splash avec Dakota Johnson, Chloë Grace Moretz et Tilda Swinton, excusez du peu, au casting. Il sortira sur nos écrans à l’automne.

Opéra (1987) est le film le plus récent distribué dans cette rétrospective. La violence y est plus moderne, plus impressionnante. Dario Argento y laisse parler son goût pour la musique lyrique, imaginant des crimes en série autour d’une représentation de Macbeth à la Scala de Milan. Comme dans les deux films précédents, l’intrigue ne brille pas par son originalité. Une fois encore, il s’agit d’une série de crimes, tous plus violents les uns que les autres. Le film est gâché par son dernier quart d’heure où le scénario en roue libre perd toute crédibilité, provoquant des fous rires dans la salle au lieu des cris d’horreur qu’il est censé susciter.

Dario Argento suscitera l’enthousiasme ou la détestation. Musique stridante, effets de caméras étourdissants, jeu outré des acteurs, hémoglobine grossièrement artificielle, fétichisme… On pourra lui reprocher ses outrances. On ne saurait critiquer sa cohérence.

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Sicario La Guerre des Cartels ★☆☆☆

Pour désorganiser les cartels mexicains, qui font régner leur loi à la frontière mexicaine, le gouvernement américain décide de lancer une opération undercover. Il s’agit de kidnapper la fille de Carlos Reyes, l’un de ses chefs les plus puissants, en faisant croire que l’enlèvement est l’œuvre d’un cartel ennemi, afin de déclencher une vendetta fratricide.
L’agent Matt Graver (Josh Brolin) en est chargé. Il fait appel au mystérieux Alejandro (Benicio Del Toro), un ancien sicaire travaillant désormais pour les États-Unis.

J’avais adoré Sicario, à mes yeux l’un des meilleurs films de 2015. Aussi me suis-je précipité pour voir la suite. Et du coup en ai-je été d’autant plus déçu.

Car ce deuxième épisode copie, sans l’égaler, le premier. Même affiche, mêmes couleurs, même typographie. Même têtes d’affiche.  Même violoncelle oppressant de Hildur Guðnadóttir.
Sauf que manque à l’appel Emily Blunt dont le personnage donnait au film tout son intérêt. Sauf que manque derrière la caméra Denis Villeneuve, sans doute l’un des réalisateurs les plus intéressants de sa génération, qu’Hollywood a eu raison d’exfiltrer du Canada, qui réussissait à nous clouer sur notre siège par quelques scènes restées dans ma mémoire : une exfiltration qui tourne mal au poste-frontière, un tunnel traversé en vision nocturne, un repas familial qui tourne au carnage…

Dans Sicario La Guerre des Cartels, les mêmes recettes sont ré-utilisées mais tournent à vide. Elles ont le goût fade et aseptisé du réchauffé.

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Un couteau dans le cœur ★☆☆☆

À Paris, en 1979 Anne (Vanessa Paris) est productrice de films pornos gays. La rupture avec Loïs (Kate Moran), sa projectionniste, lui brise le cœur. Mais la vie continue avec les tournages qui s’enchaînent. Anne confie la production de son nouveau film à Archibald (Nicolas Maury)
Bientôt un mystérieux tueur masqué prend pour cible ses acteurs et les assassine l’un après l’autre. Son arme : un couteau dissimulé dans un godemiché noir (sic).

Yann Gonzalez réinvente le giallo, aux confins du polar, du slasher et du porno. Ce n’est d’ailleurs pas par hasard qu’il filme son histoire à la fin des années 70, au temps de l’apogée de ce sous-genre italien dont Dario Argento fut le réalisateur le plus célèbre. Ce retour dans le temps lui donne l’occasion de filmer un cinéma artisanal, en train de se faire, avec un équipement qui apparaît aujourd’hui délicieusement vintage.

Comme Bertrand Mandico – qui joue un petit rôle – Yann Gonzalez s’affirme dans le paysage cinématographique français sur un créneau bien particulier : celui du cinéma queer, underground, une sorte de Jean-Jacques Beneix gay, de Patrick Chéreau esthétisant, de Robin Campillo maniériste. Son premier film, Les Rencontres d’après minuit, l’histoire très théâtrale d’une partouze contrariée avec Béatrice Dalle, Eric Cantona (sic) et Fabienne Babe, annonçait la couleur. Un couteau dans le cœur continue dans la même veine.

L’audace transgressive de son réalisateur, sa réputation scandaleuse lui a ouvert les portes de la sélection officielle. Il a été projeté en compétition officielle à Cannes le mois dernier. Il n’y a même pas fait scandale, signe que les mœurs ont évolué et que les festivaliers en ont vu d’autres. Il en est revenu bredouille, preuve qu’il ne mérite guère qu’on s’y arrête.

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Una Questione Privata ★☆☆☆

Piémont. 1944. La guerre bat son plein entre les partisans et les fascistes de Salo. Un an plus tôt Milton était encore un étudiant insouciant qui passait l’été dans la résidence de la belle Fulvia que lui avait présentée son ami Giorgio.
Mais les révélations d’une domestique lui font douter de la fidélité de Fulvia et suspecter une liaison avec Giorgio. Celui-ci vient d’être pris par les fascistes. Milton va remuer ciel et terre pour le faire libérer.

Una question privata est l’adaptation d’une nouvelle de Beppe Fenoglio, un des écrivains italiens les plus célèbres de l’après-guerre, aujourd’hui tombé dans l’oubli de ce côté-ci des Alpes. Il a consacré son oeuvre aux partisans dans les rangs desquels il avait combattu pendant la Seconde guerre mondiale. Cette époque a aussi marqué les frères Taviani qui lui consacrèrent notamment La Nuit de San Lorenzo, leur chef d’oeuvre et Padre padrone, Palme d’or à Cannes en 1977.

Ce qui intéresse les frères Taviani c’est la petite histoire qui rencontre la grande, la collision des histoires individuelles et collectives. Ici, c’est Milton qu’on ne lâche pas d’une semelle, qui bat la campagne piémontaise, agité de sentiments contradictoires : il veut sauver son ami Giorgio qui mourra aux mains des fascistes si son ami ne réussit pas à l’échanger contre un prisonnier mais Milton veut aussi étouffer la jalousie qui lui broie le cœur.

Una questione privata est le dernier film tourné par Vitorio Taviani, décédé en avril dernier. On peut le regarder, avec la déférence et le respect de rigueur, comme l’ultime réalisation d’un des plus grands duos de notre temps. On peut aussi, si on fait un instant abstraction de ses auteurs, y voir une œuvre un peu vieillotte, tournée en 2017 comme on tournait vingt ou trente ans plus tôt, sur un sujet qui n’a plus guère de résonance avec notre époque, et dans un style (ah ! ce brouillard artificiel !) bien désuet.

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Madame Fang ★☆☆☆

À soixante ans, Mme Fang, une modeste paysanne du Zhejiang a été frappée d’une forme rare de la maladie d’Alzheimer.
Le documentariste Wang Bing filme sa longue agonie et sa famille qui la veille.

Ne vous fiez pas à l’affiche du film qui campe une vieille femme aux cheveux argentés, aux joues rebondies et au port altier. C’est la seule image du film qui sauve la dignité de la mourante. Car l’essentiel du documentaire se passera près de son lit de mort où elle agonise en silence, le regard vitreux, le visage émacié.

Wang Bing filme la mort. Frontalement. Sans fard. Avec une transparence qui mettra mal à l’aise tous ceux qui ont fait l’éprouvante expérience du deuil d’un parent qui, la vieillesse venue, voit la vie peu à peu lui échapper jusqu’à l’instant ultime.

Wang Bing filme l’agonie d’une vieille femme – à laquelle on donnerait presque vingt ans de plus que son âge. Toute sa vie semble lui avoir échappé mais elle n’est pas encore morte. Sa mort est à la fois redoutée et espérée, qui la délivrera de ses souffrances et délivrera ses proches d’une interminable attente sans espoir.

Madame Fang meurt chez elle, entourée d’une bruyante famille, son fils, sa fille, ses beaux-enfants. Manque à l’appel un petit-fils dont l’absence fait l’objet de longs débats incompréhensibles. Mais tout le monde est là. Pas l’ombre d’un médecin ni de médicaments au chevet de la malade. Que signifie une telle absence ? La famille n’a pas l’air si pauvre au point de ne pouvoir en supporter le coût.

Le documentariste se fait anthropologue en filmant les Chinois face à la mort. Un Occidental sera frappé par l’indolence des protagonistes, qui discutent bruyamment au chevet de madame Fang, sans se soucier d’elle, comme si elle était déjà morte. Le chagrin n’est visible qu’à la mort de l’aïeule. Pudeur du cameraman de ne pas l’avoir filmé plus tôt ? Ou indifférence des proches de la défunte ?

Wang Bing est habitué des documentaires écrasants. À l’ouest des rails, qui l’a fait connaître en Occident, durait 9h11 ; À la folie 3h47 ; Les Âmes mortes, son prochain film, dont la sortie est prévue à l’automne, 8h15. Madame Fang avec ses 1h26 fait figure de court métrage. Pour autant, Wang Bing a toujours la même façon de filmer, en interminables plans séquences, au chevet de la mourante, ou sur les chemins de halage du village où elle habite, en suivant des cousins partis pêcher. Ces scènes insignifiantes, dont seule l’accumulation fait sens, sont interminables et viennent à bout de l’endurance des spectateurs les plus résistants.

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Have a Nice Day ★★★☆

Une nuit pluvieuse dans une petite ville de Chine méridionale. Xiao Zhang, un modeste chauffeur employé par le patron de la mafia locale, lui dérobe une sacoche remplie de billets de banque pour payer à sa fiancée une opération chirurgicale.
Tandis qu’un dangereux tueur à gages est lancé aux trousses de Xiao Zhang, son butin lui est bientôt subtilisé par un couple de commerçants.

Have a Nice Day nous arrive de Chine avec une réputation sulfureuse. Après avoir été projeté en compétition officielle à la Berlinale, les autorités chinoises l’avaient retiré de la programmation du festival d’Annecy 2017. C’est que ce film d’animation donne de la Chine une image délétère : des paysages urbains sans âme noyés sous la pluie, une corruption galopante, des personnages sans foi ni loi uniquement mus par l’appât du gain.

Le film de Liu Jian louche sans vergogne vers Pulp Fiction de Tarantino, sa violence omniprésente, ses longues digressions philosophiques (deux gardiens de chantier dissertent sur la liberté humaine), son MacGuffin (la sacoche de billets qui passe de main en main), son tueur à gages cool (qui ici ne récite pas l’Ecclésiaste mais sirote un soda). Mais il a aussi ses qualités propres.

La première, évidente, est d’être un film d’animation à l’esthétique originale. Contrairement aux usages, Liu Jian privilégie les décors aux personnages. Ceux-là sont dessinés comme des enluminures modernes, dans un cadre millimétrique. Ceux-ci au contraire sont hiératiques, quasiment dépourvus d’expression faciale. Mais, loin d’être un défaut, cette ligne claire colle bien avec la logique de l’action qui anime le film et des personnages archétypaux qui se définissent par ce qu’ils font plus que par ce qu’ils sont.

La seconde est la richesse du scénario, d’une telle complexité qu’une seconde d’inattention risque d’en faire perdre le fil. On a d’abord l’impression qu’il part dans tous les sens, à l’instar du Pulp Fiction de Tarantino, se contentant de multiplier à l’envi les personnages. Mais on comprend bientôt son extrême cohérence jusqu’à une scène finale qui rassemble la quasi-totalité des protagonistes – là où Tarantino ne s’était pas imposé cette contrainte me laissant de Pulp Fiction le souvenir d’un exercice de style brillant mais désinvolte.

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Ocean’s 8 ★☆☆☆

Danny Ocean (George Clooney) avait une sœur, Debbie (Sandra Bullock catatonique à force de chirurgie esthétique), aussi douée que lui pour l’entourloupe.
Elle profite d’une longue peine de prison pour fomenter le casse du siècle : dérober un collier en diamant d’une valeur de cent cinquante millions de dollars à l’occasion du dîner de gala annuel du Metropolitan Museum.
Pour mener à bien son projet, avec son associée Lou Miller (Cate Blanchett), elle recrute six comparses.

On avait adoré Ocean’s Eleven, sa bande de séduisants arnaqueurs, son scénario emberlificoté. Steven Soderbergh, George Clooney et alii ont surfé sur son succès pour en réaliser deux suites dispensables.
Aujourd’hui, on passe au spin-off… et c’est l’overdose.

Ocean’s 8 est féminin sans être féministe. La sortie du film – dont l’écriture a commencé avant qu’éclate l’affaire Weinstein – semblait tomber à point nommé. Pour autant, mis à part le fait de donner les huit rôles principaux à huit femmes, le film ne véhicule aucun message. C’est peut-être le stade suprême du féminisme, celui d’une indifférenciation des genres ; mais Ocean’s 8 tombe à plat et ne tire aucun parti de ce casting hétéroclite, mis à part peut-être Anne Hathaway qui s’en donne à cœur joie dans la surenchère.

Au-delà de ce parti pris féminin/féministe, Ocean’s 8 déroule un scénario bien huilé. Dans une première partie, le recrutement ; dans une seconde, l’arnaque. Tout se déroule comme prévu et c’est précisément là que le bât blesse. Car, même si le plan est particulièrement sophistiqué, au risque d’ailleurs d’en perdre toute crédibilité, sa réalisation, qui se déroule sans l’ombre d’un incident, en devient vite lassante.

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À genoux les gars ★★★☆

Rim et Yasmina sont sœurs. La langue bien pendue, ces deux « blédardes » strasbourgeoises ne se cachent rien. Rim raconte à sa sœur ses relations avec Majid, un beau gosse dont elle est amoureuse mais auquel elle ne s’est pas encore donnée. Salim, l’inséparable ami de Majid, tourne autour de Yasmina.
Tout dérape quand Rim part en vacances scolaires, laissant Yasmina seule avec les deux garçons.

À genoux les gars raconte un drame de l’adolescence sur un mode léger. C’est ce qui fait son originalité. C’est ce qui aurait pu faire sa faiblesse tant la ligne de crête était étroite. Mais Antoine Desrosières parvient de justesse à s’y maintenir. Il avait annoncé la couleur avec Haramiste, un court métrage de quarante minutes dont À genoux les gars reprend le dispositif, les deux actrices principales, leur débit pétaradant, leur spontanéité. Il s’en dégage un parfum de vérité qu’on adorera (Télérama) ou qu’on détestera (Le Monde).

Car À genoux les gars refuse les deux veines que le cinéma emprunte traditionnellement : celle du naturalisme façon Dardenne et celle de l’esthétisation façon Kéchiche. Il se place sur un tout autre terrain, celui des vidéos des youtubeurs, tournées sans moyen ni grâce, avec pour seul ressort la folle énergie de ses acteurs, leur sens de la vanne, leur sincérité.

Plongé sans ménagement dans l’intimité de ce duo de filles, le spectateur redoute au bout de quelques minutes de s’y asphyxier. Une vidéo Youtube, c’est distrayant pendant un moment ; mais ça devient vite lassant. Il est sauvé par l’histoire. Car, sans avoir l’air d’y toucher, À genoux les gars a un scénario et ne se contente pas de filmer des ados qui se vannent. Il pose une question et il y répond.

La question est diablement sérieuse : le consentement des filles à la sexualité. Sujet dont il est inutile de souligner combien il est d’une brûlante actualité. Le film raconte le viol de Yasmina – car c’est bien d’un viol qu’il s’agit – comment elle y a consenti – car l’absence de consentement ne suffit pas à caractériser le viol de l’article 222-23 du code pénal – et comment elle en prend progressivement conscience.

Loin d’enchaîner les saynètes, À genoux les gars a un début, un milieu, une fin. C’est l’histoire d’une prise de conscience, d’une émancipation. Sa dernière scène est différente de toutes celles qui précèdent. Elle est merveilleuse. Je vous laisse la découvrir.

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Une prière avant l’aube ★★★☆

Billy Moore, un jeune Anglais, vit en Thaïlande. Il y livre à des combats de Muay Thai, un sport violent et exigeant. Billy survit avec les gains de ses combats et des petits trafic de yaba (une méthamphétamine très répandue en Asie). La police l’arrête. Il est jeté en prison.

Une prière avant l’aube est un titre déroutant. Car on ne prie pas souvent dans le film de Jean-Stéphane Sauvaire et que, si l’aube pointe, c’est au terme de nuits sans sommeil.

À ceux qui croyaient que les prisons thaïlandaises sont accueillantes, Une prière avant l’aube apportera un démenti cinglant. On est plus proches de Midnight Express et de ses cellules rongées par la vermine que de l’ambiance confraternelle du Journal de Bridget Jones 2.

La promiscuité y est étouffante, le bruit étourdissant, la violence omniprésente. La caméra de Jean-Stéphane Sauvaire, qui filme les personnages au plus près, restitue cette atmosphère étouffante. En saturant la bande-son de cris et d’invectives, sans les sous-titrer, il nous fait partager le désarroi et l’isolement de ce jeune Anglais lâché dans un environnement hostile. L’expérience est traumatisante : on assiste à une succession quasi-interrompue de scènes de violence, de viol, de meurtre… La douceur que Billy trouve dans les bras de M, un lady boy, constitue une rare oasis.

La boxe est tout à la fois l’expression et l’exutoire de cette violence omniprésente. Billy Moore va s’y adonner pour se sauver de l’addiction aux drogues. Là encore, ses combats sont filmés au plus près, sans aucune distance, nous en faisant partager l’adrénaline électrisante et la violence terrifiante.

On apprend à la fin du film que Billy Moore a vraiment existé. Comme le héros du film, il était un petit voyou et un drogué, emprisonné en Thaïlande pour trafic. Un carton nous apprend qu’il a été extradé au Royaume-Uni, qu’il a fini d’y purger sa peine et qu’il consacre désormais sa vie à aider de jeunes drogués. Il a raconté son histoire dans un livre à succès, publié en 2014 et porté à l’écran trois ans plus tard. Une prière avant l’aube a été projeté à Cannes, à la séance de minuit, en 2017. L’histoire serait édifiante si l’on n’apprenait pas par ailleurs que Billy Moore ne put assister à l’avant-première de son film en Grande-Bretagne : il avait été incarcéré quelques jours plus tôt à Liverpool pour vol à main armée.

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Sans un bruit ★★★★

Dans un futur post-apocalyptique l’humanité a été quasiment détruite par des créatures mystérieuses, dont l’ouïe ultra-sensible permet de détecter le moindre bruit et dont la motricité et la force ne laissent à leurs proies aucun sursis.
La famille Abbott a réussi à survivre, sans faire un bruit, à force d’inventivité. Mais l’équilibre qu’ils ont patiemment construit dans leur maison est menacé par la grossesse d’Evelyn et l’arrivée au monde d’un bébé forcément bruyant.

A quiet place a fait un triomphe aux États-Unis. Triomphe mérité tant ce film est un chef d’œuvre qui m’a cloué (retenez ce verbe) à mon fauteuil de la première à la dernière minute, moi que pourtant terrifient les films d’horreur.

A quiet place n’est pas seulement un film d’horreur avec des grosses bestioles terrifiantes – façon Alien – jouant au chat et à la souris avec d’innocentes victimes. C’est un film d’horreur post-apocalyptique familial et intelligent.

Un film post-apocalyptique. L’adjectif est à la mode. Il est devenu un genre à part entière, dans la littérature puis au cinéma (Je suis une légende, World War Z, L’Aveuglement, Le Transperceneige, Walking Dead, La Route…). Et c’est tant mieux. J’adore les interrogations que suscite le postulat de départ : que se passerait-il dans un monde détruit dans sa quasi-totalité ? quel sens métaphysique y conserverait le combat à mort que doit livrer une poignée d’humains résilients pour survivre ? La Route de Cormac MacCarthy est, à cet égard, l’un de mes romans préférés, d’autant plus terrible qu’un père et son fils ne sont pas menacés par je-ne-sais-quelle violence surnaturelle mais par la dureté des éléments et la cruauté égoïste des autres survivants.

Comme le livre de MacCarthy – et le film de John Hillcoat – A quiet place interroge le lien familial. Un lien familial mis à mal, dès les premières images du film, par un drame terrible dont on ne dira mot, mais qui nous souffle et nous glace. Sans qu’une seule parole soit prononcée, A quiet place nous fait comprendre l’amour immense qui unit Lee, Evelyn et leurs enfants. La circonstance que le couple Abbott soit interprété par John Krasinski et Emily Blunt (ah… Emily … soupirs enamourés), unis à la ville, n’est pas sans impact. On frise parfois l’indigestion familialiste très US ; mais on n’y succombe pas.

Enfin, et c’est le plus important, A quiet place est un film intelligent. S’il parle à notre cœur en mettant en scène une famille aimante, il parle tout autant à notre intelligence avec ce père bricoleur prêt à tout pour sauver sa famille, cette mère enceinte dont le courage impressionnant au moment d’accoucher dans les pires circonstances nous cloue à notre fauteuil (encore ? y aurait-il une subtile allusion ?) et cette fille futée qui saura faire de sa surdité un atout paradoxal pour combattre des créatures hyperacousiques. Pas facile a priori de raconter l’histoire sans paroles d’une famille condamnée au silence pour survivre. Le scénario aurait pu faire du surplace. Il n’en est rien.

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