Daphné ★☆☆☆

Daphné a trente ans. Elle vit à Londres. Depuis la mort de son père, ses relations avec sa mère se sont tendues. Le jour, Daphné travaille d’arrache-pied dans un restaurant. Elle traîne de bar en bar la nuit et la finit parfois dans le lit d’un inconnu.
Sa vie n’a guère de sens. Une agression à l’arme blanche dont elle est témoin lui en redonnera.

J’entrais dans la salle certain d’adorer Daphné dont la bande-annonce m’avait conquis au premier regard. J’étais sûr de fondre pour cette rousse flamboyante au profil préraphaélite, pour ses noctambules déambulations londoniennes, pour son humour tendre, pour sa quête amoureuse… J’imaginais volontiers un mélange de Gloria, Frances Ha, Bridget Jones et Jeune femme, une Gena Rowlands britannique, une cousine londonienne de Greta Gerwig, une petite sœur de Renée Zellweger, une Laetitia Dosch d’Outre-manche,

Quelle ne fut ma déception ! Car Daphné, loin d’être séduisante, refuse avec la plus suprême énergie de plaire. Bourrue, cynique, solitaire, misanthrope, blessante, elle y réussit tant et si bien qu’elle finit par déplaire. On me dira que la caméra toujours bienveillante de Peter Mackie Burns, qui signe son premier film, réussit à en peindre le portrait paradoxal. Ce serait juger avec beaucoup d’indulgence une histoire violemment dépourvue d’enjeu dramatique, un coup de couteau porté à un commerçant pakistanais et le travail pour dépasser le traumatisme de ne pas avoir su l’empêcher ne suffisant pas à donner à ce film inconsistant la tension qui lui fait cruellement défaut.

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No dormirás ☆☆☆☆

Blanca est une jeune actrice qui rêve de percer sur la scène théâtrale. Elle est contactée par l’homme de confiance d’Alma Böhm, la célèbre dramaturge, qui lui propose le rôle principal de sa prochaine pièce. Mais pour le décrocher, elle devra se plier aux méthodes hétérodoxes de la metteuse en scène qui enferme ses comédiennes dans un ancien asile psychiatrique et les prive de sommeil afin qu’elles donnent le meilleur d’elles-mêmes.

Les films d’épouvante aiment les lieux clos peuplés de créatures maléfiques : les vieux manoirs victoriens, les orphelinats, les asiles… Mais, ici, les monstres ne se cachent pas dans les armoires mais au fond du subconscient des comédiennes détraquées par la privation de sommeil.

Le problème de No dormirás est d’être à cheval sur deux registres. D’un côté la réflexion, assez stimulante, sur le métier d’acteur, les concessions qu’on est prêt à faire ou pas pour l’exercer. S’y ajoute une réflexion stimulante sur le rôle que peut jouer le théâtre dans la cure psychiatrique (on pense à la psychothérapie institutionnelle pratiquée à la clinique de La Borde dont les patients montent chaque été une pièce de théâtre). Et aussi une dimension politique à peine esquissée qui se cache derrière l’époque où sont censés se dérouler les faits : 1984, temps de dictature en Argentine où les opposants politiques, quand ils n’étaient pas froidement exécutés ou poussés en haute mer depuis un hélicoptère, étaient enfermés dans des asiles psychiatriques et soumis à des traitements dégradants.

De l’autre, le film d’épouvante plus classique, avec ses codes et ses règles, ses jump scares, ses revenants, ses allers-retours pas toujours très lisibles entre la réalité et le cauchemar. C’est un genre cinématographique qui ne me plaît guère. Je n’aime pas avoir peur ; je n’aime pas être cloué à mon fauteuil par l’effet un peu facile d’un monstre hurleur qui jaillira par une porte grinçante qu’une héroïne en robe de nuit semi-transparente ouvre craintivement. Du coup, comme il l’était prévisible, No dormirás m’a terrifié. D’une terreur que je ne valorise pas mais que d’autres que moi, moins allergiques au genre, apprécieront peut-être.

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Le Secret des Marrowbone ★★☆☆

Fuyant un père violent, Rose Marrowobone et ses quatre enfants se réfugient aux Etats-Unis dans une maison isolée près de l’Océan atlantique. Mais la mère de famille, très malade, décède. Pour éviter d’être placés, les enfants décident d’un commun accord de cacher le décès de leur mère d’ici à la majorité imminente de Jack l’aîné.
La vie se déroule sans anicroche jusqu’à ce qu’une présence inquiétante, dans les combles de la maison, ne vienne troubler la sérénité de la fratrie.

Marrowbone (audacieusement traduit en français Le Secret des Marrowbone) est un film à la croisée des genres. Pendant la première demie heure qui présente une famille gentillette qui vit dans une jolie maison et gambade dans les vertes collines alentour, on se croirait dans un remake de La petite maison dans la prairie tourné en 1969 en Nouvelle-Angleterre. Ou plutôt de Bambi dont la maman meurt tristement abandonnant des orphelins inconsolables.

Mais bientôt l’angoisse s’installe avec son cocktail de ressorts éculés qui font la saveur – et les limites du genre. La maison est probablement hantée, un monstre se terre au grenier, qui marche la nuit et dévore le gentil raton laveur que les enfants avaient domestiqué.

Sauf que Le Secret des Marrowbone est plus subtil que le premier jump scare movie venu. Il cache plusieurs secrets dans son sac. Qu’est-il advenu de ce père violent que les Marrowbone fuient ? Pourquoi prennent-ils un soin maniaque à voiler tous les miroirs ? D’où vient ce magot qu’ils vont retrouver pour aller payer les frais de succession ?

Le film prend alors une dimension inattendue, sinon freudienne rappelant Les Autres de Amenabar ou Split de Shyamalan – où la révélation Anya Taylor-Joy avait fait ses premiers pas. Aurez-vous vu venir le twist final ? Moi-même ne m’y étais pas attendu. De là à dire que j’en suis tombé de l’armoire, il y a un pas que je ne franchirai pas. D’autant que la terreur distillée par les deux heures précédentes avaient suffi à me terrer sous mon fauteuil. Bref, un film pour les plus souples d’entre vous…

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La Révolution silencieuse ★★☆☆

En septembre 1956, à Berlin-est, une classe de lycéens décide de marquer une minute de silence en solidarité avec les révoltés hongrois. Les conséquences de leur protestation seront terribles.

Depuis une quinzaine d’années le cinéma allemand se penche sur son passé. Non pas qu’il ne l’avait pas fait jusqu’alors. Mais il semble aujourd’hui le faire plus systématiquement au risque parfois de donner de lui, dans celles de ses réalisations qui franchissent ses frontières, l’impression que c’est devenu son seul fonds de commerce.

Deux œuvres marquantes dominent cette tendance. La première, Good Bye, Lenin! (2003), emprunte la veine de l’ostalgie, la nostalgie de la vie quotidienne dans les démocraties populaires du Bloc de l’Est. La seconde, La Vie des autres (2006), décrit sans complaisance une société minée par le soupçon.

D’atres films remontent plus loin dans l’histoire de l’Allemagne : la résistance au nazisme (Sophie Scholl en 2005, Seul dans Berlin en 2016), la vie d’Hitler (La Chute en 2004), la lente et tardive Vergangenheitsbewältigung à laquelle le peuple allemand s’est astreint après-guerre pour regarder en face son passé (Le Labyrinthe du silence en 2014)

Le réalisateur Lars Kraume avait déjà réalisé en 2015 un film sur ce sujet. Fritz Bauer, un héros allemand avait pour héros le procureur qui poursuivit des criminels de guerre et permit l’arrestation de Eichmann.

Avec La Révolution silencieuse, il s’inspire d’une histoire vraie qui s’était déroulée en Allemagne de l’Est en pleine guerre froide. L’un des principaux protagonistes, Dietrich Garstka, narra les faits dans un livre autobiographique qui inspira le scénario.

Le sujet était en or. Il aurait pu inspirer une nouvelle Vie des autres. Hélas La Révolution silencieuse pêche par son classicisme et n’a pas le potentiel tragique du film de Florian Henckel von Donnersmarck.

La sympathique bande de lycéens qu’il peint, avec son leader idéaliste, son joyeux luron pragmatique et son Judas schizophrène, ressemble à celle du Cercle des poètes disparus : des jeunes gens épris de liberté. Mais en RDA en 1956, l’exercice de son libre arbitre pouvait avoir des conséquences dramatiques. C’est l’imminence de ce danger qu’on peine à ressentir face à des aventures qui penchent plus du côté du Club des Cinq que du Zéro et l’infini.

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Carnivores ★☆☆☆

Mona (Leïla Bekhti) et Sam (Zita Henrot) sont sœurs. Mona a pris des cours de théâtre. Mais c’est Sam l’autodidacte, plus naturelle, plus spontanée, qui est devenue comédienne.
Mona se réjouit en apparence du succès de sa cadette, acceptant de s’occuper de son fils quand les tournages l’éloignent de chez elle et de l’assister dans la préparation d’un rôle difficile.

Chez les frères Rénier, on connaît bien le cadet, Jérémie, révélé dès l’enfance par les frères Dardenne. On connaît mal l’aîné, Yannick, qui a interprété des petits rôles dans un tas de productions cinémas ou télé, françaises ou belges. On imagine sans peine la part d’autobiographie qui se cache dans ce film qui raconte les déchirements de deux sœurs actrices.

Que Carnivores ait permis aux deux frères de régler leurs problèmes psychanalytiques est une chose, qu’il séduise le public en est une autre. Car tout sonne vite faux dans ce thriller psychologique – comme tout sonnait déjà très faux dans L’Amant double, le dernier film d’Ozon où Jérémie Rénier (déjà lui !) jouait le double rôle de son frère et de son jumeau. On ne croît pas un seul instant au personnage de Sam, actrice fantasque, mère étouffante et amante toxique (ça fait quand même beaucoup). On ne croit guère plus à celui de Mona, trop froide, trop calculatrice pour être crédible. Le verdict populaire est tombé sans appel : le film a quasiment disparu des écrans après deux semaines d’exploitation.

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The Rider ★★☆☆

Brady n’a qu’une passion : les chevaux. Il les dresse. Il les monte en rodéo. Mais un grave accident l’oblige à y renoncer. L’acceptera-t-il ?

La jeune réalisatrice sino-américaine Chloé Zhao remet le couvert. Après Les Chansons que mes frères m’ont apprises, elle plante à nouveau sa caméra au cœur de la réserve de Pine Ridge dans le Dakota du Sud au milieu des cowboys et de leurs chevaux. Son premier film racontait le déchirement d’un départ : Johnny, un jeune indien, quittait la réserve où il étouffait pour la ville dans l’espoir d’une vie meilleure. Son second a un sujet symétrique : Brady doit s’arracher à un monde où il n’a plus sa place quand bien même il n’a d’autres rêves que d’y demeurer.

The Rider est à la frontière du documentaire. Le réalisme est renforcé par l’emploi d’acteurs amateurs filmés dans leurs propres rôles. Lorsqu’à la veillée, chacun raconte une anecdote de sa vie, on a l’impression que la réalisatrice a laissé traîner sa caméra et son micro. L’émotion est plus forte encore lorsque Brady rend visite à un camarade, Lane, devenu paraplégique suite à un grave accident de voiture. Cette jeune gloire du rodéo, fauchée dans sa prime jeunesse, réduite à l’état de légume, ne retrouve le sourire que quand Brady lui montre sur YouTube les vidéos de ses exploits passés.

Qui attendrait du film contemplatif de Chloé Zhao de l’action et des rebondissements serait fatalement déçu. La réalisatrice filme avec une fascination contagieuse les espaces désolés des Badlands. Elle montre de longues séances de dressage où le jeune cowboy vient lentement à bout des réticences des chevaux confiés à ses soins. Aucun artifice, aucune béquille scénaristique pour faire tenir debout The Rider sinon la mutique détermination de son héros, écartelé entre son désir de retrouver sa vie d’antan et l’obligation de se conformer aux injonctions des docteurs. Les amoureux des chevaux et des grands espaces adoreront. Les autres…

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Plaire, aimer et courir vite ★☆☆☆

1993. Jacques (Pierre Deladonchamps), un écrivain célèbre. Le Sida ne l’empêche pas de plaire, d’aimer – en revanche on ne le voit guère courir. Autour de lui gravitent plusieurs hommes. Mathieu (Denis Podalydès), son voisin journaliste, auquel le relie une vieille amitié. Marco (Thomas Gonzalez), dont il a été très amoureux et dont il l’est encore, qui se meurt à petit feu. Et aujourd’hui Arthur (Vincent Lacoste), un Breton d’une vingtaine d’années, qu’il rencontre à l’occasion d’un spectacle en province.
Mais le temps est compté à ceux qui s’aiment. Jacques a le Sida et refuse la déchéance de la maladie.

Nous sommes entrés dans les années Sida au milieu des années 80. Pas sûr que nous en soyons déjà sortis. Le cinéma s’en est nourri. Jusqu’à plus soif. On ne compte plus les films qui en traitent. Souvent d’ailleurs avec une grande délicatesse. Mais au point parfois de donner l’impression d’une recette éculée, passeport pour les grands festivals et le succès critique. Tel est le cas du dernier film de Christophe Honoré en projection aujourd’hui à Cannes.

Comme dans les films qui les précèdent, depuis le fondateur Les Nuits fauves, il y est question de sexe (homo) et de mort, le tout filmé avec un soin jaloux de la reconstitution (ah ! ces affiches prétentieuses de la Leçon de piano ou de l’Orlando de Huppert au Théâtre de l’Odéon ! ah ! ces Supercinq et ces Twingo qui repassent en boucle en arrière-plan histoire de créer l’illusion de l’époque ! ).

Philadelphia filmait le Sida mélodramatique ; Jeanne et le Garçon formidable avait le Sida musical ; Mon frère le Sida morbide ; Les Témoins le Sida collectif, 120 bpm le Sida politique. Christophe Honoré a le Sida faussement badin à l’image de son héros, Pierre Deladonchamps, dont je n’ai pas aimé l’interprétation entre-deux-chaises : mi-grave, mi-léger, vivant l’amour à la fois comme un lutinage et comme une passion.

Le film, inutilement long, a deux focales. Non qu’il s’agisse de la richesse d’un scénario particulièrement subtil, mais au contraire de l’impossibilité du réalisateur d’arrêter son parti entre les deux options qui s’offraient à lui. Filmer l’histoire du point de vue de Jacques ou de celui d’Arthur. Dans le premier cas, c’est celui, tragique, d’un homme qui va mourir. Dans le second, c’est celui plus optimiste d’un roman de formation. Pierre Deladonchamps n’est pas assez sérieux pour nous faire croire à la gravité du premier – si ce n’est, j’en conviens, dans la scène finale qui arracherait des sanglots aux pierres. Vincent Lacoste – dont la silhouette dégingandée et la diction paresseuse restent irrémédiablement associées aux pitreries de ses premiers films – n’est pas assez romanesque pour nous faire croire au second. Reste Denis Podalydès, comme d’habitude parfait, incarnation vivante de la fidélité amicale quelles que soient les vicissitudes de la vie.

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Death Wish ★☆☆☆

Paul Kersey est un homme sans histoires. Ce chirurgien aisé a une femme et une fille qu’il aime et qui l’aiment. Mais sa vie se dérègle quand sa maison est cambriolée et que les trois assaillants tuent sa femme et laissent sa fille dans le coma. Après une phase d’hébétude, Kersey décide de se faire justice lui-même.

Tout dans Death Wish devait me faire fuir. Son titre qui rappelle Un justicier dans la ville dont il est le remake revendiqué, le film qui avait lancé la carrière de Charles Bronson sur fond de polémique pro- ou anti-vigilante. Son affiche dont surgit le doigt vengeur de Bruce Willis armé d’un Glock. Son sous-titre, inspiré d’un mauvais Taken et qui claque comme une publicité pour la loi du talion : « They came for his family. Now he’s coming for them. » Jusqu’à l’identité de son réalisateur, Eli Roth, dont les films d’horreur manifestaient un plaisir malsain à exalter une violence complaisante – et réciproquement. Et bien sûr son sujet : l’auto-justice, le vigilantisme ou, pour le dire plus simplement, l’auto-défense, c’est-à-dire le fait de se faire justice en violation du monopole étatique de la violence légitime.

Mais il ne faut pas faire le procès d’un film avant de l’avoir vu. Et la vérité m’oblige à dire que Death Wish est plus subtil qu’il n’en a l’air. Les scénaristes ont eu la bonne idée de faire de Bruce Willis un médecin – alors que Charles Bronson incarnait un architecte. La première scène du film le montre face à deux victimes : un policier qui meurt dans ses bras après une fusillade et l’auteur même de cette fusillade, un voyou qu’il va sauver en vertu du serment d’Hippocrate qui lui interdit de discriminer ses patients. Belle façon de poser les dilemmes éthiques que le film soulève.

Subtil, Death Wish l’est dans sa façon de camper ce personnage d’Américain moyen que Bruce Willis a su si bien interpréter depuis qu’il s’est retrouvé à son corps défendant pris au piège des assaillants de la Fox Plaza (Piège de cristal, 1988). On le voit avant la mort de sa femme fêtant l’entrée de sa fille en faculté, célébrant son anniversaire. Puis vient le cambriolage dont on sait par avance l’issue funeste – et qui en est d’autant plus anxiogène. Puis le travail de deuil – car le gentil docteur Kersey ne prendra pas les armes du jour au lendemain.

Subtil, Death Wish l’est aussi dans le personnage du policier (interprété par Dean Norris qu’on est heureux de retrouver depuis Breaking Bad). Death Wish aurait pu peindre une police corrompue, paresseuse, incompétente pour justifier la prise d’armes d’un citoyen ordinaire. Le lieutenant Raines est loin de cette caricature : c’est un bon flic, qui ne compte pas ses heures et qui fait tout pour retrouver les assassins de Mme Kersey. Mais, croulant sous la tâche, dans une ville gangrénée par la violence où le nombre d’homicides augmente en flèche, il n’a tout simplement pas le temps de faire son travail.

Quand Bruce Willis, un acteur éminemment sympathique qui a toujours incarné des rôles de « gentil » dégomme les « méchants », le spectateur – moi y compris – prend spontanément fait et cause pour lui. C’est bien là que le bât blesse. Car si son chagrin est légitime, sa façon de l’étouffer ne l’est pas. Les limites sont franchies lorsqu’il torture un voyou, usant de sa science médicale pour lui arracher le nom de ses complices. Il ne s’agit pas seulement d’une scène de violence perturbante comme par exemple celle du dentiste nazi dans Marathon Man, mais d’une scène qui interroge notre relation à la légitimité de cette violence en nous invitant à l’encourager. Dérive dangereuse du réalisateur ou ultime subtilité de sa part ?

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Vent du nord ★★☆☆

Dans le Pas-de-Calais, Hervé, la cinquantaine, travaille dans une usine de chaussures sur le point d’être délocalisée.
L’usine rouvre en Tunisie. Foued, la vingtaine, y est embauché.

Vent du nord colle deux histoires que rien ne rapproche sinon une usine qu’on délocalise, un train de banlieue et un bus de tourisme qui circulent sur deux voies parallèles durant quelques secondes et un feu d’artifice (tout s’éclairera en regardant le film).
C’est sa principale force. C’est sa principale faiblesse aussi.

Car il y avait sans doute quelque chose à tirer de ce parallèle, une sorte de « convergence des luttes » pour reprendre une expression à la mode en ces temps de grèves SNCF et d’occupations d’université.
D’un côté, l’histoire d’un lumpenprolétariat vieillissant dans le Nord de la France – comme on l’a déjà filmé cent fois. De l’autre celui d’un lumpenprolétariat beaucoup plus jeune dans la Tunisie des zones franches – qui, lui, l’a moins souvent été.
Le premier est au chômage, mais ne vit pas si mal : Hervé habite dans un petit pavillon, s’achète un hors-bord avec sa prime de licenciement et se paie même des vacances low cost en Tunisie avec sa femme. Le second vient de trouver un emploi, qui lui permettra de payer les frais de santé de sa mère malade et de se rapprocher de la fille qu’il aime, mais ne vit pas si bien faute de pouvoir réaliser ses rêves.

Vent du nord aurait pu entrelacer ces deux histoires. Mais le montage opte pour un parti pris différent. Pendant la première demie heure, la caméra reste à Boulogne. C’est seulement dans la deuxième qu’on part, sans transition, en Tunisie. Le temps d’y prendre ses marques, on revient en France. Du coup, au lieu d’avoir un film construit en miroir autour de l’opposition/ressemblance entre les deux situations, on a plutôt deux historiettes, deux nouvelles filmées bout à bout. Le résultat est tout autre. Pas sûr qu’il convainque.

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Le Collier rouge ★★☆☆

Devant une prison, un chien aboie. À l’intérieur, Morlac, un soldat démobilisé (Nicolas Duvauchelle), attend d’être jugé. Son juge, le commandant Lantier du Grez (François Cluzet), instruit son dossier. Il rencontre sa femme Valentine (Charlotte Verbeeck).

Sous ses airs de drame historique, Le Collier rouge tire plutôt du côté du roman policier façon L’Eté meurtrier dont il emprunte le cadre : un petit village du Sud de la France, écrasé par la chaleur de l’été, endormi au chant des cigales.

Son titre et son affiche sont trompeurs. on imagine un roman dont le chien serait le héros. Sans doute ce chien qui accompagna Morlac au front joue-t-il un rôle moteur dans l’intrigue. Mais les vrais héros en sont les trois humains qui jamais ne se réuniront dans le même plan.

Le Collier rouge est l’adaptation fidèle du roman publié par Jean-Christophe Rufin en 2014 chez Gallimard. L’académicien en a co-signé le scénario avec Jean Becker, son réalisateur. Le vieux cinéaste – qui fit ses premiers pas il y a plus de cinquante ans aux côtés de son père Jacques dans Touchez pas au grisbi – s’est fait une spécialité des films de la ruralité, sans sexe ni violence, qui font un bide à Paris et un tabac dans nos provinces : Les Enfants du marais, Dialogue avec mon jardinier, La Tête en friche

Le Collier rouge a les mêmes défauts et les mêmes qualités. Il se caractérise par une direction d’acteurs impeccable (à noter dans les seconds rôles le toujours parfait Patrick Descamps et la révélation Sophie Verbeeck qu’on retrouve dans Mes provinciales), une reconstitution soignée d’un village français en 1919, une mise en scène effacée et un peu fade. Le Collier rouge est un film intemporel. Il aurait pu être tourné en 2018 ou trente ans plus tôt. Un spectacle à savourer en pantoufles, le dimanche soir devant sa télévision avec sa vieille maman.

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