Mobile Homes ★☆☆☆

Dans le nord des États-Unis, en plein hiver, Ali et Evan tirent le diable par la queue. Ils dorment à la cloche de bois ; ils se nourrissent de resto-basket ; ils vivent de petits larcins : combat de coqs, deals de drogues auxquels Bone, le fils d’Ali, âgé de huit ans à peine, est de plus en plus régulièrement associé.
Ali a un rêve inaccessible : s’acheter un toit. Après une énième dispute avec Evan, Ali et Bone trouvent refuge dans un mobile home, une maison sur roue. Ils espèrent commencer une vie plus saine.

Mobile Homes est le premier film d’un jeune réalisateur français. Il est l’adaptation du court métrage qu’il avait tourné sur le même thème en 2013. L’idée du film repose sur la différence entre house et home : la maison et le foyer. Le titre se voudrait un oxymore : comment Ali et Bone réussiront-ils alors qu’ils se déplacent sans cesse à se construire un foyer stable ?

Les white trash sont à la mode. Le cinéma de la marginalité blanche américaine devient un genre à part entière. En attendant l’excellent Katie says Goodbye qui sortira mercredi prochain, on a pu voir récemment Moi, Tonya, LuckyThe Florida Project ou American Honey. Même abrutissante misère sociale, économique et intellectuelle. Mêmes paysages unanimement déprimants, sous le soleil de Floride ou le blizzard des Grands Lacs. Mêmes héros tristes aux caractères échaudés par les épreuves de la vie qui font vaillamment face.

Sans doute Ali tient-elle honorablement son rang parmi eux. Elle est servie par l’interprétation inspirée d’Imogen Proots, déjà remarquée dans Green Room et Knight of Cups. Mais le scénario de Mobile Homes n’est pas assez original pour le distinguer du tout venant.

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Kings ★☆☆☆

Avril 1992. Los Angeles. Un an plus tôt, quatre policiers ont tabassé Rodney King. La vidéo de leurs agissements a fait le tour du monde. Lorsqu’ils sont acquittés, la communauté noire laisse éclater sa colère.
Millie habite South Central, un quartier populaire de Los Angeles, au cœur des émeutes. Elle met tout son amour à accueillir et élever des enfants placés chez elle par l’assistance sociale. Saura-t-elle les protéger du délire de violence qui menace de tout emporter ?

Deniz Gamze Ergüven réalise son deuxième film qu’elle avait écrit avant Mustang, dont le succès critique autant que populaire (quatre César, le Golden Globe du Meilleur Film en langue étrangère et une nomination à l’Oscar du Meilleur film en langue étrangère) lui aura enfin permis de le tourner. On l’attendait au tournant. Hélas, elle rate dans les grandes largeurs son expatriation à Hollywood.

Pourtant ce n’était pas faute de s’entourer des précautions d’usage. Un casting en or, mais curieusement décalé, les hottissimes Halle Berry et Daniel Craig n’étant pas les choix les mieux adaptés pour interpréter la courageuse Millie et son voisin, moins acariâtre qu’il n’en donne l’air. Un sujet historique et polémique – les émeutes qui embrasèrent L.A. suite à l’acquittement des agresseurs de Rodney King – comme Hollywood aime ces temps-ci les filmer, qu’il s’agisse des émeute de 1967 dans le Michigan (Detroit de Kathryn Bigelow) ou de la marche de Martin Luther King contre la ségrégation dans l’Alabama en 1965 (Selma de Ava DuVernay).

Ergüven, en se focalisant à tort sur le personnage de Millie, tourne une guimauve sans saveur. Aussi bien jouée soit-elle par Halle Berry, qui a à cœur de démontrer par moult embrassades affectueuses et inquiétudes larmoyantes quelle mère aimante de substitution elle fait, Millie n’a pas grand intérêt. Et ce n’est pas la romance cousue de fil blanc, et soulignée par un rêve érotique embarrassant, qui confère au personnage plus d’intérêt.

La jeune réalisatrice turque est passée à côté de son sujet. Elle aurait dû concentrer son scénario dans le temps, autour des quelques heures durant lesquelles la violence se déchaîne et le désordre règne. Elle aurait dû se délester de tout sentimentalisme. Elle aurait dû, comme Kathryn Bigelow l’avait fait avec tant de maestria, gratter jusqu’à l’os la rancœur accumulée des Noirs, le racisme à fleur de peau des Blancs. Elle y parvient un instant quand un policier met en joue Millie et ses enfants apeurés et déverse sur eux sa bile. Mais la scène, trop courte, cède vite la place à la suivante, inutilement étirée qui met en scène Halle Berry et Daniel Craig menottée… à un réverbère.

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Southern Belle ★★☆☆

Taelor Ranzau a vingt-six ans. Dix ans plus tôt, son père est mort et lui a laissé une fortune. Mais la vie de Taelor n’est pas rose pour autant.

Southern Belle a marqué les spectateurs du Festival international de cinéma de Marseille l’été dernier. Il arrive sur nos écrans neuf mois plus tard. Il a pour héroïne une Paris Hilton texane, fille unique d’un père qui, pour punir la mère de Taelor dont il divorçait, a spolié sa femme pour léguer sa fortune de 500 millions de dollars à sa fille.

On imaginerait volontiers que, grâce à cet argent, Taelor vit une vie de princesse. Hélas il n’en est rien. Comme n’importe quelle white trash, de ceux qu’on voit dans 3 Billboards ou 8 Mile, Taelor passe ses journées avec une bande d’amis aussi décérébrés et oisifs qu’elle, à boire, se droguer et tirer au fusil d’assaut sur des lapins inoffensifs.

Le documentaire du Français Nicolas Peduzzi – qui fut un temps le boyfriend de Taelor avant de s’en séparer – suscite des sentiments ambigus. À première vue, il s’agit de l’accumulation complaisante, comme on en voit treize à la douzaine sur YouTube, de scènes d’alcool et de drogue, toutes plus trash les unes que les autres. Mais cette accumulation produit précisément un écœurement et une mise à distance. Beaucoup plus moral qu’il n’en a l’air, Southern Belle constitue en fait le procès en règle d’une certaine dérive de l’Amérique de Trump, pourrie par l’argent facile, sans boussole morale.

Entre un oncle cinglé, une père parano, une grand-mère mourante et quelques soi-disants amis camés jusqu’aux yeux, la belle Taelor constitue paradoxalement un môle de stabilité et de bon sens. Et la scène ultime qui clôt le film donne à son personnage une dimension que ses vaines déambulations dans Houston et ses environs ne laissaient pas augurer.

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Luna ★★★☆

Luna (Laëtitia Clément) n’a pas vingt ans – et ne laisserait personne dire que c’est le plus bel âge de la vie. D’ailleurs elle n’a pas lu Nizan. L’école n’était pas vraiment son truc. Elle vient de décrocher son CAP d’horticulteur et travaille dans la petite entreprise de Fruits & Légumes de Sébastien (Frédéric Pierrot).
Luna est amoureuse de Ruben, le bellâtre qui dirige la petite bande dont sa copine Chloé et elle font partie. Ils ont même conçu un enfant ensemble dont Luna doit aller avorter dans quelques jours. Un soir de beuverie, la bande croise Alex, un graffeur solitaire. Le ton monte. La situation dérape.
Les mois passent. Luna se teint en rousse. Elle finit par quitter Ruben qui ne la méritait pas. Elle croise Alex, embauché pour l’été par Sébastien, qui ne la reconnaît pas. Entre les deux jeunes gens, l’attirance est réciproque. Mais Luna craint que le passé ne refasse surface.

Luna est un bijou. Un bijou d’autant plus admirable qu’il est l’œuvre de Elsa Diringer, une jeune réalisatrice venu du court métrage dont c’est le premier long. Elle s’est entourée des conseils d’un vieux limier, Claude Mouriéras, qui co-signe avec elle le scénario et les dialogues. Mais sa maîtrise dans la mise en scène, la photo nimbée des chaudes couleurs de l’été languedocien (il y manque quelques scènes de plage et des filles en bikini pour rappeler Mektoub de Kechiche) et surtout dans la direction d’acteurs.

Faire jouer une bande d’ados est un enfer pavé de bonnes intentions. Nombreux s’y sont cassé les dents telle Hélène Zimmer dans l’hyper-ratée À 14 ans. D’autres ont réalisé des chefs d’œuvre : L’Esquive, Chante ton bac d’abord, Bande de filles, Keeper, Divines… Les premières scènes de Luna n’augurent rien de bon, qui filment les jeunes en meute. Mais Elsa Diringer n’est jamais meilleure que quand elle resserre son objectif sur Luna. Laëtitia Clément, dont c’est le premier rôle, est une révélation. En brune ou en rousse, cette jeune blonde dont c’est le premier rôle illumine la pellicule avec ses faux airs d’Emmanuelle Béart ou d’Ariane Ascaride.

Son talent est mis au service d’une histoire qui a la simplicité des films des Dardenne. Un personnage est placé face à un dilemme. Ici c’est Luna qui retrouve par hasard Alex dont elle a été témoin voire acteur quelques semaines plus tôt de l’agression dont il a été la victime. L’attirance qu’elle ressent est freinée par la crainte d’être reconnue. L’impossible aveu de sa participation tient le film en suspens tout comme le retour de Ruben qui briserait immanquablement l’idylle entre les deux amoureux. L’intrigue se dénoue en deux temps. Ce passage obligé, trop longtemps attendu, trop longtemps différé n’est pas la meilleure partie du film. Mais ses imperfections ne suffisent pas à ternir le plaisir qu’on y aura pris.

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Marie Madeleine ★☆☆☆

Qui était Marie Madeleine ? Ceux qui répondront : le titre d’une chanson de Sandra sorti en 1985 – et dont le clip vaut son pesant de cacahouètes – sont priés de se taire.
Les autres n’ignorent pas qu’elle accompagna Jésus, assista à sa crucifixion et fut la première à constater sa résurrection d’entre les morts. Hippolyte de Rome la désigna comme « l’Apôtre des Apôtres ».
Mais Marie Madeleine vit son étoile vite pâlir. Le pape Grégoire le grand l’assimila à la pécheresse qui oint le Christ de parfum dans Luc 7, 36-50. Marie Madeleine devient pour la postérité une prostituée repentie. Autre réputation qui lui colla à la peau : celle d’avoir été la maîtresse, l’épouse, voire même la mère des enfants du Christ. C’est cette Marie Madeleine là que peint Nikos Katzantakis dans La dernière tentation du Christ dont l’adaptation à l’écran par Martin Scorsese en 1988 fit scandale (j’étais à l’Espace Saint Michel le soir de l’incendie).

C’en est une toute autre que présente Garth Davis, le réalisateur australien de Lion et de trois épisodes de Top of the lake. Exit la pécheresse. Marie Madeleine (Rooney Mara) est une apôtre comme une autre, qui rencontre Jésus (Joaquin Phenix) sur les bords du lac Tibériade et décide de le suivre pour fuir une vie étouffante et le mari que son père (Tcheky Karyo) et son frère (Denis Ménochet) ont décidé de la voir épouser. Aux côtés de Pierre (Chiwetel Ajiofor), de Judas (Tahar Rahim), elle tient sa place. C’est ce beau visage de femme libre et forte que Vatican II a réhabilité et que ce film honore. Il le fait notamment dans une splendide Cène où Marie Madeleine, à rebours d’une iconographie millénaire, prend place sans autre forme de procès à la droite du Christ.

Le problème est que cette noble cause est bien mal servie par un film d’un rare académisme. Comme les mauvaises piquettes issues de divers cépages de la CEE, Marie Madeleine rassemble des acteurs de toutes les origines – on sera surpris de constater parmi eux une majorité de Français – qui parlent tous un parfait anglais – Mel Gibson avait au moins eu le courage de tourner sa Passion du Christ en araméen – sur les rives de la Sicile – d’où on voudrait nous faire croire que le lac de Tibériade est aussi vaste que la Méditerranée.

Sa première partie est la plus stimulante, qui nous présente des épisodes de la vie de Marie de Magdala que nous ne connaissions pas. La seconde est catastrophique qui filme à toute berzingue les étapes obligées de la Passion – l’entrée à Jérusalem le dimanche des Rameaux, l’expulsion des marchands du Temple (que Jean 2,13 situe quelques années plus tôt), la Cène, la nuit aux Jardins des Oliviers, le chemin de croix, la crucifixion… comme si le budget avait manqué pour les filmer toutes et que le scénariste en avait ras-le-bol de cette histoire déjà trop longue.

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Le Lion est mort ce soir ☆☆☆☆

Jean, un vieil acteur, profite du répit que lui offre l’interruption du tournage du film dont il est la vedette pour retourner sur les traces de son passé. Il retrouve le château et la tombe de Juliette dont il fut amoureux jadis et qui, contre toute raison, lui réapparaît.
Cette vaste demeure inhabitée est le terrain de jeux d’une bande d’enfants qui y tournent un film. Ils ont tôt fait d’enrôler Jean.

Deux histoires, aussi peu crédibles l’une que l’autre, s’entremêlent dans le dernier film de Nobuhiro Suwa, un réalisateur japonais qui a curieusement, alors qu’il n’y a guère d’attaches, construit une large partie de son œuvre en France. Le premier est une réflexion sur la vieillesse, ces dix années entre soixante-dix et quatre-vingt ans où l’homme, nous dit J.-P. Léaud, se prépare à la mort. Le second est un portrait émerveillé de l’enfance, auprès de laquelle le vieillard se régénère, sa bruyante vitalité, sa poétique créativité.

Je n’ai rien aimé dans ce Lion. Ni le jeu outrancier de Jean-Pierre Léaud, que je trouvais déjà horriblement prétentieux dans les premiers Truffaut et qui ne s’est pas bonifié avec l’âge. Ni le piaillement horripilant de gamins bruyants dont les vaines tentatives de tourner en Super 8 des histoires de fantômes m’ont semblé violemment dépourvues de charme et d’intérêt. Ni l’apparition de Pauline Étienne – que j’adore pourtant depuis ses premiers pas fin 2009 dans Qu’un seul tienne et les autres suivront – censée incarner le fantôme de Juliette, la femme trop tôt disparue (suicidée ?) dont le souvenir continue de hanter Jean.

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Human Flow ★☆☆☆

Ai Weiwei, le célèbre plasticien chinois, aujourd’hui exilé en Allemagne, est allé filmer les réfugiés partout autour du monde. En Europe d’abord, mais aussi en Afrique, en Asie et en Amérique. À partir de mille heures de rush, il a tiré une œuvre fleuve de deux heures vingt.

Le sujet est poignant. Il est d’une brûlante actualité. Aujourd’hui le monde compte soixante-cinq millions de réfugiés. Chassés par la guerre, la répression politique, la misère, ils affluent aux frontières de l’Occident qui lui oppose souvent barbelés et xénophobie.

Les images glanées par Ai Weiwei et ses équipes sont impressionnantes. Il réussit tout à la fois à filmer le « macro » (les foules, filmées du ciel, qui se pressent aux frontières de la Grèce ou dans les camps de Jordanie) et le « micro » (un Africain transi de froid qui débarque en Italie, une jeune Kurde qui se morfond d’ennui dans un centre en Allemagne)

Hélas, la démarche de Ai Weiwei n’est pas exempte de défauts.
Le premier est son penchant un peu trop marqué à se mettre en scène  dont on comprend mal la valeur ajoutée.
Le deuxième est l’ambiguïté d’une démarche qui hésite entre le documentaire pédagogique – illustré de nombreux sous-titres informatifs – et l’œuvre d’art aux images trop calculées, trop léchées.
Le troisième est le plus grave. C’est le manque de subtilité d’un documentaire qui aurait pu s’en donner les moyens. La question des migrations est complexe. Elle se présente différemment d’une région à l’autre – là où les belles images d’Ai Weiwei montrent un « monde plat ». La situation des Érythréens qui arrivent en Italie n’est pas celle des Syriens qui affluent en Grèce ou des Rohingyas chassés de Thaïlande.

À trop vouloir esthétiser la détresse des réfugiés, Ai Weiwei échoue à la rendre humaine. À vouloir à tout prix parler à notre cœur, il oublie que le spectateur a un cerveau.

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L’Amour des hommes ★☆☆☆

Amel est photographe. Elle expose ses premières œuvres lorsque son mari décède brutalement laissant cette orpheline seule avec sa belle-famille, des riche patriciens de Tunis. Encouragée par son beau-père, Amel décide de continuer à photographier et entend donner à son art un tour de plus en plus provocateur, invitant des jeunes hommes à poser nu pour elle. Mais c’est sans compter sur les résistances que ses choix suscitent, chez sa belle-famille et dans son entourage.

L’Amour des hommes aurait pu être un film extraordinaire. Un film sur la photographie – comme Blow up d’Antonioni dont il revisite l’affiche. Un film sur la libération des femmes – car Amel entend photographier le corps des hommes avec la même gourmandise que les hommes ont coutume de photographier celui des femmes. Un film sur la Tunisie contemporaine – couturée de tabous mais vibrante de ses libertés refoulées.

Mais hélas L’Amour des hommes est un film raté. Un film qui ne marche pas. Il ne s’en faut de pas grand-chose. Et je confesse volontiers une part de subjectivité assumée dans ce jugement à l’emporte-pièce.

Prenez l’élégante musique de Karol Beffa dont les accents veloutés ne sont pas sans rappeler ceux de Georges Delerue : ils conviendraient mieux à un drame bourgeois tourné par Chabrol ou Ozon dans la froideur de l’hiver parisien des années Pompidou qu’à ce film tunisien sous un soleil brûlant.
Prenez Hafsia Herzi. La jeune actrice d’origine tunisienne était, sur le papier, l’actrice parfaite pour le rôle d’Amel : suffisamment étrangère pour oser ce que les Tunisiennes n’oseraient pas, suffisamment tunisienne pour ne pas faire figure de pièce rapportée. Mais malheureusement, malgré son charme et son talent, la greffe ne prend pas et son jeu sonne faux, dès la première scène du film qui la confronte à la mort de son mari.
Prenez la figure de son beau-père, un patriarche cultivé qui prend l’orpheline sous son aile protectrice mais qui hélas se révèle tristement animé par de bien vils motifs… jusqu’à une scène splendide qui l’exonère de ses pêchés.
Prenez l’ultime pirouette de L’Amour des hommes qui voudrait exalter l’irréductible liberté d’Amel. Elle manque de crédibilité et fait tourner court la seule histoire d’amour du film.

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Signer ★★☆☆

Le verbe signer est le plus souvent transitif : on signe un document, on y appose sa signature. Mais signer peut aussi être intransitif : parler en langue des signes. C’est dans cette seconde acception, plus rare chez les entendants, qu’il faut comprendre le titre du documentaire de Nurith Aviv.

J’avais déjà vu d’elle début 2011, aux Trois Luxembourg archi-comble, son documentaire Traduire consacré aux traductions de l’hébreu. Dans le même cinéma aux rangs cette fois ci nettement plus clairsemés, le seul qui à Paris le diffuse, j’ai vu Signer dont le thème n’est pas si éloigné que Traduire. Dans les deux cas, il s’agit de langage, de tradition, de transmission.

Signer m’a appris que la langue des signes n’était pas universelle ou, pour le dire autrement, qu’on ne signait pas de la même façon d’un pays à l’autre. Je l’ignorais. Pourtant, quand on y réfléchit un instant, l’évidence s’impose : la langue est le reflet d’une culture, d’un rapport aux mondes et les malentendants, comme les entendants, entretiennent un rapport au monde différent selon le pays où ils ont grandi. Il n’existe pas une langue des signes mais des langues des signes – réparties en grands groupes linguistiques aux frontières étonnantes (la langue des signes israélienne appartient au groupe allemand tandis que le groupe suédois rassemble bizarrement la langue des signes finlandais et… portugais).

Signer montre comment la langue des signes israélienne s’est construite au début du vingtième siècle, à partir d’apports allemands, marocains ou algériens. Il montre aussi comment, dans des communautés arabes, des langues des signes autonomes se sont développées. Chacune a son idiosyncrasie. Chacune a ses particularités, qui implique non seulement les mains mais le corps tout entier : le visage, le buste, etc.

Ce documentaire trop modeste dure une heure seulement. Il se limite à Israël. On aurait aimé qu’il ait plus d’ambition et qu’il s’ouvre à d’autres horizons. Le tour du monde des langues des signes reste à filmer.

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La Fille aux deux visages ☆☆☆☆

Clarisse suit Marc, un chirurgien, à son domicile pour une nuit d’amour. Mais Marc l’endort, la ligote et s’apprête à pratiquer sur elle une greffe de visage. On comprend que Marc entend donner à la blonde Clarisse les traits de sa femme défunte, la brune Hélène.

Tout est raté dans La Fille aux deux visages. Son noir et blanc esthétisant qui louche trop ostensiblement vers Les yeux sans visage, l’indépassable chef d’œuvre de Franju auquel le jeune Romain Serir a bien du culot de se frotter dans son premier film. Son scénario difficilement crédible. Sa durée bâtarde (soixante-quinze minutes) trop longue pour un court, trop courte pour un long. Son montage qu’une musique envahissante peine à cacher les maladresses. Son éclairage désastreux. Le jeu de ses acteurs affolant de nullité. Le dénouement inutilement compliqué.

On peine à comprendre qu’un tel film puisse se tourner – il est vrai avec un budget des plus modestes – et, pire, se diffuser – il est vrai dans une seule salle parisienne dont il y a fort à parier qu’il en quitte rapidement l’affiche.

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