Julio Branco (Javier Bardem) est le patron charismatique d’une petite entreprise familiale de balances industrielles. Déjà couvert de prix, il aspire à une nouvelle récompense qu’un jury lui décernera peut-être sous huit jours. Mais d’ici là, les tracas s’accumulent qui menacent le bon déroulement de la visite du jury : le fils d’un fidèle employé a été arrêté par la police, son bras droit est à la dérive depuis que sa femme menace de le quitter, une nouvelle stagiaire a tapé dans l’oeil du patron….
Meilleur film, meilleur réalisateur, prix d’interprétation masculine : El buen patrón a fait un carton plein aux derniers Goyas espagnols. Peut-être l’un des plus grands acteurs contemporains, Javier Bardem y livre une prestation inoubliable. Il réussit l’incroyable défi de rendre sympathique un personnage foncièrement antipathique : un patron dont le seul talent est d’avoir hérité de son père une entreprise familiale. Avec chacun des employés de sa petite entreprise, il se montre tour à tour paternaliste et intraitable. Est-ce le trait d’une personnalité hypocrite ou perverse ? Même pas. Et c’est là que le personnage de Julio Branco est diablement intéressant : Javier Bardem incarne un « brave type » pétri de bonnes intentions qui a juste envie que tout rentre dans l’ordre. À notre corps défendant, on prend très vite son parti et on se surprend à espérer avec lui que tous ses soucis disparaissent d’ici la visite du jury censé consacrer sa réussite.
Même si la fin du film est d’un délicieux cynisme, le procédé a toutefois ses limites qui sont vite atteintes. Le talent de Javier Bardem a beau être immense, les ressorts qui animent son personnage sont assez pauvres. Le film aurait pu basculer dans un autre genre, plus sombre. Il reste dans le même registre : celui de la comédie noire. Sa cohérence est paradoxalement sa dernière faiblesse.