Acide ★☆☆☆

Selma (Patience Munchenbach) a quinze ans et une passion : les chevaux. Elle vit très mal la séparation de ses parents qui se partagent sa garde. Son père, Michel (Guillaume Canet), vient d’être condamné pour les violences infligées à son patron lors d’une grève dans son usine qui avait mal tourné. Sa mère Elise (Laetitia Dosch), issue d’un milieu plus favorisé, s’est éloignée de cet homme sanguin.
C’est dans ce contexte familial tendu qu’une catastrophe écologique, des pluies acides qui rongent les sols et les bêtes, oblige le trio à se reformer pour fuir ensemble et trouver un refuge.

Deux ans après La Nuée, un film catastrophe sur fond de drame rural, Just Philippot creuse la même veine. Le résultat n’est guère plus convaincant, voire franchement déplaisant.

Si on est indulgent, on trouvera que Acide réussit à créer un climat anxiogène et que, s’il ne dispose pas des moyens d’un blockbuster hollywoodien, ses effets spéciaux ne sont pas ridicules. Pour autant, bien vite, l’enchaînement répétitif des mêmes scènes lasse où l’arrivée de l’orage provoque la course désespérée des fugitifs et la montée de l’adrénaline des spectateurs.

Le problème est que cet argument de survival movie se couple avec celui, ô combien banal, d’un drame familial. Ses trois membres en sont unanimement désagréables : l’adolescente butée, le père aigri, la mère aux abois. On se croirait dans La Guerre des Mondes sans Tom Cruise, dans La Route sans Cormac MacCarthy.
Aux deux fins alternatives auxquelles le film était logiquement condamné (la pluie s’arrête et toute le monde est sauvé ou bien la pluie continue et tout le monde meurt), Acide essaie d’en substituer une troisième, bâclée.

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Le Champ des possibles ★★☆☆

La quarantaine, Daniel traverse une mauvaise passe. Il vient d’être mis à pied de l’académie de police où il était chargé d’instruire les jeunes recrues. Privé de salaire, contraint de licencier son assistante de vie, il doit s’occuper de son vieux père impotent. Sa seule planche de salut est la relation virtuelle qu’il entretient avec Sara, qu’il a rencontrée sur les réseaux sociaux. Sur un coup de tête, il décide de traverser le Brésil pour faire sa rencontre. Mais Sara glisse entre les doigts de Daniel qui ne comprend pas son entêtement à lui échapper.

Le Champ des possibles (audacieuse traduction de Deserto Particular) repose sur un mystère qu’on a scrupule à lever mais que révèlent sans vergogne l’affiche du film, la lecture attentive de son casting et la quasi-totalité des critiques qui en rendent compte.

Ami lecteur qui n’aimez pas être spoilé et qui avez prévu, malgré sa diffusion confidentielle, d’aller voir ce film, interrompez ici votre lecture ! Les autres ont déjà compris que Sara est un garçon et que son refus de rencontrer Daniel s’explique par la crainte de sa réaction homophobe.

Le premier tiers du film installe le décor et laisse planer le doute sur l’identité de Sara – même si quelques indices semés ici ou là, telle l’annonce de l’homosexualité de la sœur de Daniel, nous mettent la puce à l’oreille. Longtemps retardée, la rencontre des deux hommes a enfin lieu dans le deuxième tiers du film, provoquant inévitablement la surprise et la colère de Daniel. Son troisième tiers tranche la question binaire de la réaction de Daniel : violente comme le laissent augurer les faits à l’origine de sa mise à pied ? ou pacifiée ?

J’ai aimé ce Champ des possibles pour plusieurs raisons.
La première est la moins évidente. Elle renvoie pourtant à un phénomène très contemporain, très cinématographique et pourtant encore peu exploité à l’écran : les rencontres in real life suscitées par les réseaux sociaux. Il y a là, selon moi, matière à mille histoires comiques, dramatiques, policières….
Les deux autres sont plus classiques. Elles concernent les deux héros du film. Daniel incarne la virilité masculiniste é-branlée dans ses convictions. Sara, lui (si j’ose dire), est un superbe portrait de travesti, d’une beauté confondante, qui peine à trouver sa place dans un monde qui lui est spontanément hostile. Sans doute l’épilogue du film est-il un peu trop convenu. Mais il nous livre une belle leçon d’humanité et d’espoir.

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Le Grand Chariot ★☆☆☆

Un père (Aurélien Recoing) aidé de ses trois enfants (Louis, Esther et Léna Garrel) dirige le théâtre de marionnettes créé par sa propre mère (Francine Bergé). Mais cette belle harmonie familiale se brise lorsque le père décède brutalement, bientôt suivi dans la tombe par la grand-mère. Leur disparition place les survivants face à un choix douloureux : perpétuer la tradition familiale au risque de s’étioler ? ou trouver enfin sa voie ailleurs, au risque de la trahir ?

Chez les Garrel, on est saltimbanque de père en fils. Le grand-père, Maurice, décédé en 2011, fut lui-même marionnettiste avant de monter sur les planches et de faire une immense carrière au cinéma. Son fils, Philippe, né en 1948, devint réalisateur et a signé depuis cinquante ans une trentaine de films, lents et intimistes. De tous, c’est le petit-fils, Louis, né en 1983, qui est devenu le plus connu. Mais sa célébrité ne doit pas occulter sa sœur, Esther, qui a joué chez Christophe Honoré, chez Noémie Lvovsky ou chez Valérie Donzelli.

Avec beaucoup de pudeur, Philippe Garrel met en scène cet univers familial si particulier. Il a demandé à Aurélien Recoing – dont la ressemblance avec Pierre Moscovici ne cesse de me troubler – d’interpréter son rôle. Avec une admirable modestie, il fait disparaître son personnage dès le premier tiers du film. C’est un parti pris regrettable, même s’il a sa logique. C’est en effet cette première demi-heure qui constitue la meilleure partie du film, tant l’atmosphère qui règne dans cette famille est attachante. Mais le scénario avait besoin d’avancer et la mort du père en est l’occasion. Le problème est que l’histoire racontée dans l’heure suivante, notamment celle de Peter, cette pièce rapportée qui rejoint la troupe de marionnettistes avant de la quitter pour vivre sa vocation de peintre, n’est guère convaincante.

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Les Feuilles mortes ★★☆☆

Ansa (Alma Pöysti) travaille dans un supermarché. Holappa (Jussi Vatanen) est ouvrier dans une usine. Ces deux solitaires vont se rencontrer un soir dans un bar, se regarder et se plaire sans avoir besoin d’échanger plus que quelques paroles. Mais le sort contrariera leur rapprochement.

Aki Kaurismäki avait annoncé après le semi-échec de L’Autre Côté de l’espoir sa retraite du cinéma. Pour le plus grand soulagement de ses fans, il est revenu sur sa parole et nous livre, en quatre-vingt-une minutes tout compris, le plus kaurismäkien de ses films, prolongement intemporel de sa trilogie du prolétariat, entamée il y a près de quarante ans.

On y retrouve avec un plaisir régressif tout ce qui fait la saveur de ses films : ses acteurs mutiques (Alma Pöysti et Jussi Vatanen sont des sosies en plus jeune de Kati Outinen et de Matti Pellonpää), ses décors intemporels en formica et bakélite, ses histoires minuscules, ses musiques vintage, ses clins d’œil à Chaplin ou à Godard….

Le jury de Cannes ne s’y est pas trompé qui lui a décerné son Grand Prix, comme on décerne à un grand réalisateur à la fin de sa carrière une récompense pour l’ensemble de son œuvre.

Il est difficile de trouver à ce film quasi-parfait des défauts sinon celui de résumer ou de répéter toute une œuvre. Aki Kaurismäki n’a plus rien à dire. Donc il se répète. C’est un reproche extrêmement violent que je lui adresse, une seconde après avoir dit que son film était parfait. À le supposer justifié, ce reproche ne devrait dissuader d’aller voir ces Feuilles mortes ni ceux qui connaissent et qui aiment le cinéma du maestro finlandais, lesquels prendront plaisir à le retrouver, ni ceux qui ne le connaissent pas, lesquels seront curieux de le découvrir.

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L’Arbre aux papillons d’or ★☆☆☆

Thien habite Saïgon. Sa belle-soeur y meurt dans un accident de scooter laissant derrière elle, un orphelin de cinq ans, Diao. Accompagné de son neveu, Thien ramène la dépouille de sa belle-soeur dans son village natal. Elle y est enterrée dans la religion catholique. Ce voyage est pour Thien l’occasion de se replonger dans son passé.

Auréolé de la Caméra d’or, le prix qui recompense le meilleur premier film de la sélection cannoise, L’Arbre aux papillons d’or bénéficie, pour sa sortie en France d’un accompagnement tout particulier de son distributeur, Nour films, qui a multiplié les avant-premières. Celle à laquelle je me suis rendu était comble. Elle était coorganisée par un ciné-club vietnamien et la salle, à ma grande surprise, était quasi exclusivement remplie de spectateurs de la diaspora heureux de se réunir dans un bruyant bruissement exotique. Sans doute ont-ils retrouvé dans le film des images, des sonorités qu’ils avaient connues ou dont leurs parents leur avaient transmis le souvenir. La charge nostalgique du film était pour moi moins puissante.

Le cinéma vietnamien s’exporte mal. Trần Anh Hùng, un réalisateur né au Vietnam mais réfugié en France où il a fait carrière, avait connu une brève célébrité dans les 90ies avec L’Odeur de la papaye verte, Caméra d’or à Cannes et César de la meilleure première oeuvre, et Cyclo. J’en ai le souvenir de deux films très lents plongés dans la moiteur tropicale. Ce même réalisateur, tournant le dos à tout exotisme indochinois, vient de signer La Passion de Dodin Bouffant avec Juliette Binoche et Benoît Magimel qui sortira sur les écrans en novembre. Ces dernières années, je crois avoir vu un seul film vietnamien, Mekong Stories, au printemps 2016, qui, avec son héroïne déchirée entre deux garçons, louchait du côté de Jules et Jim.

L’Arbre aux papillons d’or dure près de trois heures. J’ai dit souvent les réserves que m’inspiraient de tels formats. Son rythme lent, ses longs travellings ont tôt fait de nous plonger dans une hypnose catatonique.  D’autant que le récit mélange bientôt, sans les distinguer clairement, les souvenirs que les assoupissements du héros ressuscitent, et sa vie contemporaine. Certains trouveront l’expérience fascinante. D’autres comme moi piqueront bientôt du nez, ajoutant à la narcolepsie du héros celle du spectateur.
Le résultat est nébuleux, mon manque d’attention m’interdisant un jugement plus radical… ou, pour le dire plus nettement, j’ai tellement dormi que je n’en ai pas vu grand-chose !

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Mystère à Venise ★★☆☆

Retiré des affaires du monde, Hercule Poirot (Kenneth Branagh) s’est installé dans la Cité des doges. Un policier italien (Riccardo Scamarcio) assure sa protection. Une amie romancière (Tina Fey), pariant sur son cartésianisme et son goût des défis, réussit toutefois à le sortir de sa retraite pour le faire assister, la nuit d’Halloween, à une séance de spiritisme dans un splendide palazzo vénitien où la fille de la propriétaire (Kelly Reilly) a trouvé la mort deux ans plus tôt. Mais la soirée, qui réunit une dizaine de convives, s’achève par la mort de l’un des participants. Refusant d’en imputer la responsabilité aux esprits qui hanteraient cette lugubre demeure, Hercule Poirot mène l’enquête.

Après avoir adapté deux des plus célèbres romans d’Agatha Christie, Le Crime de l’Orient-Express et Mort sur le Nil, déjà portés à l’écran dans les 70ies avec Peter Ustinov dans le rôle du méthodique détective belge, Kenneth Branagh signe un troisième épisode à partir d’un de ses romans moins connus (publié en France sous les titres La Fête du Potiron ou, plus vendeur, Le Crime d’Halloween). Il en a déplacé l’action à Venise filmée sous une pluie hivernale. Les mauvaises langues diront que les vues de la ville, au début et à la fin du film, en constituent les meilleurs moments.

Entre les deux, la caméra s’enferme dans un huis clos, comme les enquêtes à la Cluédo nous y ont habitués. Toute adaptation d’Agatha Christie qui se respecte  doit en effet sacrifier à ce rituel inviolable. La règle est simple. Un crime est commis. Une dizaine de personnages sont suspectés, l’enquête menée d’une main de fer par Poirot permettant de révéler chez chacun des coupables potentiels un pan caché de son histoire personnelle qui justifierait son acte.

Pour donner du piment à cette recette éculée, il faut un sacré talent. Kenneth Branagh en a plus qu’il n’en faut. On lui avait fait le reproche de beaucoup cabotiner dans les deux premiers opus. Il est plus sobre ici. Et c’est tant mieux. Il concentre son talent sur la réalisation. Non tant dans le scénario qui, hélas, est si corseté qu’il ne faut guère en attendre de surprises que dans la mise en scène : les décors, les lumières, la musique tirent ce film vers l’horreur, le fantastique, le giallo, ce genre italien qui connut ses heures de gloire dans les 70ies avec Mario Bava et Dario Argento.

Mystère à Venise n’est pas le navet affligeant que certains m’avaient décrit. Il est loin aussi d’être un chef d’oeuvre. C’est un film qui ne ment pas sur la marchandise et qui plaira aux amateurs du genre.

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Un métier sérieux ★★☆☆

Doctorant besogneux en sciences physiques, après avoir échoué en médecine, Benjamin (Vincent lacoste) accepte un remplacement en mathématiques au collège. Ses premiers pas sont difficiles. Il a du mal à se faire respecter de ses élèves et, plus encore, à s’en faire comprendre. mais il peut compter sur l’accueil chaleureux et le soutien de ses collègues du lycée Molière : Meriem (Adèle Exarchopoulos), une autre prof de maths qui a un contact fantastique avec ses élèves, Fouad (William Lebghil), le prof d’anglais sur qui tout glisse, Sandrine (Louise Bourgoin), la prof de SVT psycho-rigide et Pierre (François Cluzet), le vieux prof de français qui leur sert à tous de grand frère ou de parrain.

C’est peu dire que j’avais beaucoup de réticence avant d’aller voir le nouveau film de Thomas Lilti, ce médecin généraliste passé par passion du cinéma à la réalisation et qui avait si bien documenté dans HippocrateMédecin de campagne et Première année le mal-être de l’hôpital et des professions de santé. Je pensais déjà en avoir épuisé les charmes en lisant son résumé, en regardant son affiche et en voyant sa bande-annonce : une longue publicité comme on en a déjà vu tellement (La Vie scolaire, Les Héritiers, Entre les murs…) pour l’Education nationale, dont la sortie coïncide opportunément avec la rentrée des classes, mettant à l’honneur une poignée de sympathiques enseignants qui, malgré un salaire insuffisant, une hiérarchie obtuse et un manque de moyens criant, réussissent tant bien que mal à transmettre à des élèves dont l’attention devient de plus en plus difficile à capter mais tout compte fait attachants, un peu de connaissance et beaucoup d’humanité.

Ce cahier des charges bien-pensant à souhait est hélas scrupuleusement rempli. Un métier sérieux passe en revue l’ensemble des épreuves que rencontre un professeur : les classes incontrôlables, le conseil de discipline convoqué pour sanctionner un élève qui est sorti des clous au risque de l’exclure définitivement, les frites à la cantine, la classe de mer, l’exercice alerte incendie et ses consignes inapplicables, etc… (il y manquait peut-être l’altercation avec le parent d’élève qui se pique d’apprendre au professeur son métier, une scène à peine ébauchée et qui, à en croire les professeurs de plus en plus souvent confrontés à cette situation désagréable, est hélas monnaie courante aujourd’hui).

Mais Thomas Lilti exécute ce programme imposé avec un tel talent qu’après une première demi-heure un peu lente à démarrer, on s’y laisse prendre. La galerie de personnages, brillamment interprétés par quelques-uns des meilleurs acteurs français du moment dont Lilti a su gagner la fidélité – Vincent Lacoste jouait déjà dans Hippocrate, François Cluzet dans Médecin de campagne et William Lebghil dans Première année – ne se réduit pas à des caricatures. Chacun gagne en profondeur au fur et à mesure que le film progresse au point qu’on en vient à l’apprécier comme le premier épisode d’une série à venir (sur le modèle de Hippocrate qui sait ?). En particulier la façon dont leurs vies privées et leur travail s’entremêlent, qu’on aurait pu craindre artificielle, est très bien réussie, qui montre qu’un bon prof, capable de résister à une classe de trente élèves, peut échouer dans l’éducation de son gamin – et vice-versa.
J’ai bien sûr fondu une fois encore pour Adèle Exarchopoulos que je trouve confondante de naturel et pour François Cluzet en vieux briscard de la salle des profs. Mais il faut aussi saluer le rôle terriblement ingrat de Louise Bourgoin.

Sans doute Thomas Lilti n’est-il guère sorti de sa zone de confort en sortant de l’hôpital. Sans doute ce film-là augure-t-il le suivant qu’il pourrait consacrer à la police et celui d’après à la magistrature, en attendant ceux sur les gardes-forestiers et les inspecteurs des impôts peut-être…. Ils utiliseront peut-être les mêmes recettes. mais, quand la recette est bonne, pourquoi ne pas la réutiliser ?

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Le Livre des solutions ★★☆☆

Quand ses producteurs lui annoncent qu’ils cessent de financer son dernier film, Marc Becker s’enfuit dans les Cévennes chez sa tante Denise (Françoise Lebrun, égérie de Jean Eustache) avec sa monteuse (Blanche Gardin) et son assistante (Frankie Wallach, égérie de EDF) pour en boucler le montage. Mais cette fuite à la campagne exacerbe la créativité débordante du réalisateur, au grand dam de ses proches.

Michel Gondry, le réalisateur le plus perché, le plus branque, le plus imaginatif qui soit, est de retour, huit ans après son dernier film Microbe et Gasoil, quinze ans après Soyez sympas, rembobinez, qui est le plus représentatif de son cinéma de la bricole, dix-neuf ans après The Eternal Sunshine of a Spotless Mind, qui lui valut une gloire immédiate.

Le Livre des solutions est une autobiographie auto-dérisoire, un hommage à sa tante, mais surtout l’autoportrait de l’artiste en doux dingue. Michel Gondry, à soixante ans passés, n’est plus un jeune homme ; mais il a trouvé son alter ego chez Pierre Niney, jeune trentenaire vibrionnant qui n’a jamais été aussi à l’aise que dans ce cinéma là, où toute sa fougue, toute son inventivité, tout son charme fiévreux peuvent s’exprimer sans entraves.

Le Livre des solutions multiplie les trouvailles. les scènes cocasses ou tendres s’y succèdent sans temps mort. On ne s’y ennuie pas. On y rit parfois, on y sourit souvent, au camiontage ou à l’assistant catarrheux jusqu’au tout dernier plan qui met en abyme le réalisateur et son film. On se laisse attendrir dès que Françoise Lebrun, avec sa voix d’une douceur inimitable berce son remuant neveu. Seul point faible : l’absence de scénario à proprement parler, le montage du film de Marc constituant le prétexte plus que la raison d’être à cette succession de vignettes.

Le Livre des solutions a le défaut de ses qualités. Il est trop gentil. Et la gentillesse, c’est comme la crème chantilly : à petite dose, c’est délicieux, à grosse dose, ça devient vite écœurant.

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Alam ★☆☆☆

Tamer, Shekel et Safwat sont trois étudiants d’un lycée arabe en Israël qui, comme tous les lycées du pays, s’apprête à fêter avec pompe l’indépendance nationale le 14 mai. Mais si cette date marque pour les Juifs d’Israël l’indépendance, elle marque aussi pour les Arabes la Nakba, la catastrophe qui les a dépossédés de leurs biens et forcés à l’exil. Pour commémorer la Nakba, Safwat voudrait remplacer le drapeau israélien qui orne la façade du lycée par un drapeau palestinien. Tamer, que son histoire familiale a dissuadé de tout engagement politique, n’y est guère favorable. Mais, l’arrivée dans le groupe de Maysaa va le faire changer d’avis.

Tourné en Tunisie, où réside désormais son réalisateur d’origine palestinienne, financé par des fonds saoudiens, qataris et tunisiens, Alam est un film ouvertement militant et pro-palestinien,, qui critique le sort réservé aux populations arabes en Palestine et la négation des souffrances endurées par leurs ancêtres en 1948.
Il ne se réduit pas à cette seule dimension. C’est aussi un coming-of age movie, un film sur la sortie de l’adolescence et la conscientisation politique chez un groupe de lycéens. Tamer, le héros, présente le caractère le plus nuancé, celui dont l’histoire familiale est la plus creusée, celui dont le parcours est le plus subtil : c’est pour plaire à Maysaa qu’il acceptera de prendre un engagement que, sans elle, il n’aurait sans doute pas pris.

Pour autant, Alam est beaucoup trop sage pour susciter l’intérêt. Il n’y a rien de bien subversif dans les actions soi-disant clandestines de ces jeunes, rien de bien nouveau dans les émotions qu’ils éprouvent.

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Anti-Squat ★☆☆☆

Inès (Louise Bourgoin) élève seule son fils Adam, collégien de quatorze ans. En retard de loyers, menacée d’expulsion dès la fin de la trêve hivernale, elle recherche désespérément un emploi. Elle en trouve un chez Anti-squat, une société qui, sur la base d’un nouveau dispositif législatif, gère des locaux vacants pour du logement ou de l’insertion social, dans l’attente d’une réhabilitation ou d’une vente.

Nicolas Silhol répète dans Anti-Squat les mêmes recettes que celles utilisées dans son précédent film, Corporate. Céline Salette y jouait, avec la même conviction que Louise Bourgoin ici, le rôle d’une employée de la DRH d’une multinationale recrutée pour réduire à moindre coût sa masse salariale en poussant les travailleurs surnuméraires à la démission pour lui éviter le versement de lourdes primes de licenciements.
Comme celle de Corporate, l’héroïne de Anti-Squat est recrutée par des suppôts du libéralisme qui utilisent la loi à leur propre avantage : certes proposer à des mal-logés un logement temporaire dans des bureaux vides (ce qui n’est, tout bien considéré, ni idiot ni inhumain), mais les utiliser comme une main d’œuvre servile pour réhabiliter à moindres frais ces locaux et les expulser sans respecter les délais légaux dès qu’un acheteur se sera annoncé.
Comme celle de Corporate, l’héroïne de Anti-Squat, contrainte d’accepter un emploi qui l’oblige à des actes qu’elle réprouve (fliquer ses locataires, mettre à la rue ceux qui ne respectent pas le logement, les tromper sciemment sur l’échéance de leur bail…), finira par se rebeller contre le système qui l’asservit.

Bien sûr, on ne pourra que sympathiser avec cette figure héroïque, confrontée à un si cruel dilemme, essayant tant bien que mal de conserver un peu d’humanité et de dignité. On le fera d’autant plus que son cœur penche à gauche – même si, chacun sait depuis 1974 que la gauche n’a pas le monopole du cœur.
Pour autant, cinématographiquement parlant – puisque c’est au cinéma que ce blog est consacré et pas au capitalisme ou à ses dévoiements – Anti-Squat ne vaut pas tripette avec son manichéisme simpliste auquel n’échappe pas un épilogue improbable et racoleur. La figure du prolétaire moderne, privé de dignité par le système, est autrement convaincante quand c’est Stéphane Brizé qui la filme et Vincent Lindon qui l’interprète (En guerreUn autre monde).

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