Provinciale montée à Paris pour y finir ses études, Emilie (Marion Barbeau, première danseuse à l’Opéra de Paris avant d’être révélée par Klapisch dans En corps) a rejoint le séminaire d’un architecte renommé (Cédric Kahn). Elle travaille sous sa direction à la réhabilitation d’une usine désaffectée en banlieue parisienne. Elle finance ses études avec quelques séances tarifées de webcam.
Un beau jour, ou peut-être une nuit (!), Emilie se découvre observée par un drone silencieux. Qui se cache derrière cette machine, qui l’accompagne et la protège ? ses intentions sont-elles positives ou maléfiques ?
Drone est le premier film de Simon Bouisson, venu en débattre avec les spectateurs de la séance anglophone à laquelle j’ai assisté au Luminor, un cinéma du Marais menacé de fermeture. Il en a raconté la genèse et le déroulement du tournage.
Drone fait la part belle aux images aériennes, vertigineuses, souvent nocturnes. Ces images nous emportent, délestant le film de toute gravité, abolissant les dimensions. Pourtant, le film est grave qui raconte, en sous-texte, l’entrée dans l’âge adulte d’une jeune femme, ses premiers pas dans le monde du travail auprès d’un architecte vampirique, sa découverte tâtonnante de la sexualité avec la belle Mina… Cette dimension-là du film n’est pas sans charme même si elle a le défaut d’avoir été mille et une fois défrichée.
Le plus intéressant, revenons-y, est le drone, dont on peut se demander s’il est ou pas le personnage principal du film, comme son titre semble l’affirmer. La technologie est récente ; elle fait florès. Elle est surtout le symbole d’une société où l’image est devenue omniprésente, où la transparence est devenue la loi, où l’intimité est de plus en plus difficile à défendre. Emilie entretient une relation compliquée à l’image. Elle est camgirl. Elle accepte de montrer son corps à des inconnus sur Internet. Le fait-elle par exhibitionnisme ou par nécessité ? Le drone qui l’observe, c’est le male gaze qui pèse sur toutes les femmes dans l’espace public et dont elles aimeraient légitimement s’affranchir.
Le cinéma est un média scopique, une expression prétentieuse pour caractériser un fait simple : le cinéma sollicite notre regard. Plusieurs chefs d’oeuvre interrogeaient cette dimension-là : Fenêtre sur cour, Blow Up, Peeping Tom…. Drone ne boxe pas dans cette catégorie-là et n’a pas cette prétention. Son scénario évite la facilité paresseuse de laisser sans solution l’énigme autour de laquelle le film est construit. Pour autant, le dénouement surprenant sinon grandiloquent de Drone est maladroit.