Drone ★★☆☆

Provinciale montée à Paris pour y finir ses études, Emilie (Marion Barbeau, première danseuse à l’Opéra de Paris avant d’être révélée par Klapisch dans En corps) a rejoint le séminaire d’un architecte renommé (Cédric Kahn). Elle travaille sous sa direction à la réhabilitation d’une usine désaffectée en banlieue parisienne. Elle finance ses études avec quelques séances tarifées de webcam.
Un beau jour, ou peut-être une nuit (!), Emilie se découvre observée par un drone silencieux. Qui se cache derrière cette machine, qui l’accompagne et la protège ? ses intentions sont-elles positives ou maléfiques ?

Drone est le premier film de Simon Bouisson, venu en débattre avec les spectateurs de la séance anglophone à laquelle j’ai assisté au Luminor, un cinéma du Marais menacé de fermeture. Il en a raconté la genèse et le déroulement du tournage.

Drone fait la part belle aux images aériennes, vertigineuses, souvent nocturnes. Ces images nous emportent, délestant le film de toute gravité, abolissant les dimensions. Pourtant, le film est grave qui raconte, en sous-texte, l’entrée dans l’âge adulte d’une jeune femme, ses premiers pas dans le monde du travail auprès d’un architecte vampirique, sa découverte tâtonnante de la sexualité avec la belle Mina… Cette dimension-là du film n’est pas sans charme même si elle a le défaut d’avoir été mille et une fois défrichée.

Le plus intéressant, revenons-y, est le drone, dont on peut se demander s’il est ou pas le personnage principal du film, comme son titre semble l’affirmer. La technologie est récente ; elle fait florès. Elle est surtout le symbole d’une société où l’image est devenue omniprésente, où la transparence est devenue la loi, où l’intimité est de plus en plus difficile à défendre. Emilie entretient une relation compliquée à l’image. Elle est camgirl. Elle accepte de montrer son corps à des inconnus sur Internet. Le fait-elle par exhibitionnisme ou par nécessité ? Le drone qui l’observe, c’est le male gaze qui pèse sur toutes les femmes dans l’espace public et dont elles aimeraient légitimement s’affranchir.

Le cinéma est un média scopique, une expression prétentieuse pour caractériser un fait simple : le cinéma sollicite notre regard. Plusieurs chefs d’oeuvre interrogeaient cette dimension-là : Fenêtre sur cour, Blow Up, Peeping Tom…. Drone ne boxe pas dans cette catégorie-là et n’a pas cette prétention. Son scénario évite la facilité paresseuse de laisser sans solution l’énigme autour de laquelle le film est construit. Pour autant, le dénouement surprenant sinon grandiloquent de Drone est maladroit.

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Toucher terre ★☆☆☆

La terre est un matériau de construction millénaire. Elle était déjà utilisée dans la vallée de la Mésopotamie onze mille ans avant Jésus-Christ. Aujourd’hui, si le béton domine, on redécouvre ses vertus.

La société Jupiter Films affiche un slogan audacieux : « Santé, Spiritualité, Connaissance ». Son catalogue contient des documentaires sur le bouddhisme zen, la permaculture ou l’intelligence des arbres. L’idée de ce documentaire a germé au sein de l’association Amàco, un centre d’expérimentation, de recherche, de formation et d’expertise spécialiste de la terre crue dans la construction et l’architecture, installé près de Bourgoin-Jallieu dans l’Isère.

D’une durée d’une heure et huit minutes à peine, qui ne le prédisposait guère à une sortie en salles, Toucher terre raconte l’histoire de l’utilisation de la terre crue dans la construction de la plus haute Antiquité à l’époque moderne. C’est une ressource abondante, aisément accessible, qui s’intègre bien dans son environnement, isolante et insonorisante, biodégradable. Son utilisation ne nécessite quasiment aucun outil et requiert une formation très simple. Le documentaire filme un chantier participatif où, sans aucun bruit de machine, un groupe d’hommes et de femmes construit lentement un mur en pisé.

Ce documentaire politiquement très correct n’intéressera guère que les passionnés d’architecture en terre crue. Les autres ne verront guère la nécessité d’aller le voir en salles, sinon, pour ceux d’entre eux à l’esprit le plus mal tourné, pour railler les bobos qui aiment fouler la boue à pied nus et jeter des mottes de terre sur un mur en érection (!).

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La Chanson de Jérôme ☆☆☆☆

Né en 1980, Jérôme Laronze était agriculteur en Saône-et-Loire dans la région de Cluny. À la tête d’une exploitation de 130ha, léguée par ses parents, il élevait des bovins. Il a été tué en mai 2017 de trois balles tirées par un gendarme. Il était en fuite depuis neuf jours après avoir échappé à un contrôle administratif. Membre de la Confédération paysanne, Jérôme Laronze était un agriculteur engagé en faveur de l’agriculture biologique, hostile aux normes de traçabilité auxquelles il reprochait de faire le jeu de l’agro-industrie.

L’affaire Jérôme Laronze avait défrayé la chronique en 2017. Cet agriculteur insoumis avait omis de déclarer la naissance de ses bêtes dans les délais impartis et refusait de suivre les procédures imposées par les services de l’Etat. Un contrôle sur place de la DDPP (Direction départementale de la protection des personnes) – qui s’est substituée en 2010 aux anciennes directions départementales des services vétérinaires – organisé sur haute surveillance policière a dégénéré, provoquant sa fuite. Sa traque s’est terminée par sa mort, dans des circonstances qui n’ont toujours pas, plus de sept ans après les faits, donné lieu à un procès.

L’affaire Jérôme Laronze a reçu un énorme écho qui témoigne de l’émotion suscitée par sa mort tragique et de l’exemplarité de sa situation, emblématique d’une paysannerie poussée à bout par des contrôles administratifs tatillons et des conditions de vie de plus en plus difficiles. La journaliste Florence Aubenas lui a consacré une série d’articles dans Le Monde. L’affaire a inspiré plusieurs livres, plusieurs pièces de théâtre et un documentaire sur Arte diffusé en 2022. Le film d’Olivier Bosson, tourné en 2021 et 2022, s’inscrit dans cette riche postérité.

Cette affaire emblématique aurait mérité mieux que ce film maladroit, tourné avec des acteurs amateurs. On est gêné pour eux de les voir aussi mal jouer et s’enferrer dans des rôles manichéens. Devant  la caméra d’Olivier Bosson, l’histoire de Jérôme Laronze se réduit à un combat de David contre Goliath, du Bien contre le Mal, d’un agriculteur dur à la tâche, tellement attachant, si proche de sa nièce et de ses bêtes, face à une administration claquemurée derrière le respect de procédures inutilement tatillonnes.

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Juré n° 2 ★★★☆

Alors que sa femme est sur le point d’accoucher, Justin Kemp (Nicholas Hoult) est convoqué pour participer à un jury d’assises. L’homme qui est jugé a de lourds antécédents. Il est accusé d’avoir assassiné sa compagne un an plus tôt après une violente dispute dans un bar. Le cadavre de la victime a été retrouvé dans un ruisseau, en contrebas d’une route. Or Justin Kemp se souvient être passé ce soir-là dans ce bar, l’avoir quitté sous une pluie diluvienne et avoir heurté en, voiture ce qu’il a cru alors être un cerf sur la route, au-dessus de ce ruisseau. S’il est coupable du crime qui est jugé, peut-il laisser un innocent être condamné ?

À quatre-vingt-quatorze ans, Clint Eastwood signe peut-être son dernier film. On avait dit la même chose du précédent, Cry Macho. Celui-ci, dans lequel il ne joue pas, semble réunir, par un ultime tour de force, toutes les qualités de cet immense réalisateur. Le scénario repose sur un pitch très simple et diablement séduisant. Il n’en réserve pas moins son lot de rebondissements qui maintient l’attention tout du long (les films de Clint Eastwood débordent largement les canoniques quatre-vingt-dix minutes). La narration est simple, claire et ne s’embarrasse pas, comme c’est le cas dans la plupart des films contemporains, de flash backs pour en pimenter la teneur.

Juré n° 2 fait inévitablement penser à Douze hommes en colère, le chef d’oeuvre référentiel de Sidney Lumet : un juré, qui doute de la culpabilité de l’accusé, tente de semer le doute dans l’esprit des onze autres jurés fermement décidés à le condamner sans délai. Le film de Lumet était une oeuvre progressiste, habitée par des convictions humanistes  : le doute raisonnable doit bénéficier à l’accusé, quels que soient les préjugés qu’il suscite. C’était aussi, comme Du silence et des ombres (avec Gregory Peck) ou Mr Smith au Sénat (avec James Stewart), l’héroïsation de l’Américain moyen qui, inspiré par les plus hautes valeurs, animé de son seul courage, peut les faire triompher. C’était enfin avec son happy end un discours foncièrement optimiste d’une part sur l’Homme, dont l’humanisme intrinsèque finit toujours par l’emporter, d’autre part sur les institutions américaines qui, bien utilisées, permettent à ces bons sentiments de s’exprimer et de prévaloir.

Les films de Clint Eastwood sont plus sombres. Ses héros charrient un lourd passé, des tares dont ils ne se sont pas débarrassés. Justin Kemp par exemple se révèle un alcoolique en rémission dont la femme a perdu récemment les jumeaux qu’elle portait. Sans en rien dévoiler, puisqu’elle est au cœur de l’intrigue, la position qu’il adoptera durant le délibéré n’a pas la rigueur morale des héros de Lumet ou de Capra. Avec Eastwood, on est plutôt du côté de Jean Renoir dans La Règle du jeu : « Ce qui est terrible sur cette terre, c’est que tout le monde a ses raisons« .

Si l’on décortique Juré n° 2, on peut y découvrir quelques faiblesses : par exemple que la potentielle culpabilité de Justin Kemp n’ait pas été découverte plus tôt, notamment par un autre membre du jury. Mais ces chicaneries a posteriori n’enlèvent rien au plaisir que prendront à ce film d’abord ceux qui aiment les films de procès et plus largement tous les amoureux d’un cinéma classique et de belle facture. Jusqu’à son tout dernier plan ouvert à toutes les conjectures, qui suscitera des discussions enflammées en sortant de la salle.

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Souviens-toi du futur ! ★★☆☆

Marin Karmitz est connu pour être producteur de films et distributeur dans des salles qui portent les initiales de son nom. Moins connues sont sa passion pour la photographie et l’impressionnante collection qu’il a rassemblée au fil des ans. Une exposition lui était consacrée l’an dernier au Centre Pompidou. Y étaient exposées des oeuvres de la collection privée de Marin Karmitz et d’autres du fonds du Musée national d’art moderne.
Romain Goupil, compagnon de route de Karmitz, l’interroge sur sa passion.

Sans doute, ce court documentaire d’une heure à peine n’aurait-il pas trouvé le chemin des salles MK2 s’il n’avait pas été consacré à leur fondateur et serait-il resté un  support publicitaire ou un produit dérivé de l’exposition « Corps à corps ». Mais on aurait tort de crier au favoritisme et de reprocher aux MK2 Beaubourg et Parnasse de l’avoir programmé. Car ce documentaire est un petit bijou pour qui, comme moi, voue une passion à la photographie, un art qui, paradoxalement, alors même qu’il en est si proche, peine à trouver sa place au cinéma. Il suffit d’évoquer Lee Miller, ce biopic qui, obnubilé par le projet d’encenser la figure féministe de son héroïne, oublie de parler de son oeuvre et de sa démarche artistique.

La caméra à l’épaule, la mise au point parfois hésitante, Romain Goupil filme Marin Karmitz, un nonagénaire encore ingambe qui, d’une voix d’une infinie douceur, présente quelques unes des pièces les plus marquantes de sa collection. Loin de la photographie « humaniste » française, parfois chargée jusqu’à l’excès de bons sentiments, Karmitz a collectionné la street photography américaine, tels Dave Heath, Homer Page, Gordon Parks ou William Eugene Smith. Une place particulière est réservée à Lewis Hine (1874-1940), qui a utilisé ses photos pour militer contre le travail des enfants.

En parlant de ses photos, le collectionneur se dévoile. Il raconte son formidable destin : né en 1938 à Bucarest dans une famille juive, il survit à l’Holocauste, fuit la Roumanie en 1947 et trouve refuge en France, à Nice. Après des études de cinéma à l’Idhec, il devient chef opérateur, milite à la Gauche prolétarienne et fonde son propre réseau de salles. On comprend alors d’où lui vient sa passion pour la photographie : la hantise de la disparition et le désir, par avance frustré, de retenir le passé pour l’éternité.

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À l’ombre de l’abbaye de Clairvaux ★☆☆☆

À Clairvaux, dans l’Aube, Bernard fonda au début du XIIème siècle une abbaye cistercienne qui eut une grande renommée. Ses moines en furent chassés à la Révolution française et l’abbaye fut transformée en prison. Jusqu’à sa fermeture en 2023, la maison centrale de Clairvaux accueillit des détenus condamnés à de longues peines.
À une centaine de kilomètres de Clairvaux, Citeaux, en Côte d’or, l’abbaye fondatrice de l’ordre cistercien, est toujours en activité et accueille des moines qui acceptent de leur plein gré la règle de Saint Benoît.

Eric Lebel tenait un sujet diablement stimulant : son documentaire esquissait un parallèle entre la réclusion pénitentiaire et la clôture monacale. Il nous promettait une réflexion sur la privation de liberté. Pourquoi la société choisit-elle de punir ceux qui violent ses lois en les privant de liberté ? Pourquoi d’autres hommes, au nom d’une quête spirituelle, acceptent-ils de se priver de la liberté d’aller et venir ?

Hélas, la réflexion ne va pas très loin. Si parallèle il y a là, c’est dans le montage alterné des images, qui passent successivement de Clairvaux à Citeaux et retour, filmant ces deux enceintes en d’interminables plans aériens [Il faudrait déclarer un moratoire sur l’usage des drones au cinéma pour que les réalisateurs qui en usent et en abusent n’en fassent plus un usage aussi complaisant].

Perdant de vue son pitch séduisant, le documentaire d’Eric Lebel se réduit vite à un seul sujet, très banal : la prison. Il se focalise sur deux détenus dont on ne saura rien des crimes qui leur ont valu d’être incarcérés : un sexagénaire, ancien militaire, sec comme une trique, converti au bouddhisme, et un jeune fils d’agriculteur, qui soigne son alcoolisme en confectionnant des maquettes de tracteurs avec des allumettes.

Ces deux figures sont attachantes. Mais elles ne justifient pas à elles seules les une heure et trente minutes que dure ce documentaire. Sur le même sujet, on préfèrera À l’ombre de la République qui suivait en 2012 le contrôleur général des lieux de privation de liberté dans ses inspections. L’actuelle CGLPL participait au débat qui suivait la projection à laquelle nous avons assisté à l’Espace Saint-Michel et y tenait des propos d’une étonnante platitude, à la différence de l’ancien directeur de l’administration pénitentiaire autrement plus balancé.

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Les Voix croisées ☆☆☆☆

Né au Mali en 1948, Bouba Touré a immigré en France à la fin des années 60, a travaillé chez Chausson, un équipementier automobile, a connu la misère des foyers de travailleurs, a fréquenté les bancs de l’université de Vincennes et a participé aux mouvements protestataires qui dénonçaient les conditions d’accueil des travailleurs africains en France. En 1977, avec une dizaine d’immigrés maliens en France, il a décidé de revenir chez lui, dans la région de Kayes, sur les rives du fleuve Sénégal, et d’y créer une coopérative. Jusqu’à sa mort début 2022, il a vécu à cheval entre la France et le Mali et, en marge de son travail de projectionniste dans des salles de cinéma parisiennes, s’est érigé en mémoire vivante de l’immigration africaine à Paris.

Raphaël Grisey, né en 1979, s’est plongé dans les abondantes archives de Bouba Touré pour en tirer une biographie qui ne dit pas son nom. Et c’est bien dommage. Parce qu’à force de brouiller les pistes, de faire des sauts dans le temps entre hier et aujourd’hui, dans l’espace entre l’Afrique et la France, de passer d’un sujet à l’autre, la condition des immigrés en France, la famine au Sahel, le rôle de la diaspora dans le développement, on s’y perd vite dans ce documentaire de plus de deux heures, trop long d’une demi-heure au moins.

On s’autorisera une dernière critique politiquement incorrecte face à un documentaire qui instruit une nouvelle fois le procès manichéen de la colonisation et impute à la Françafrique tous les maux dont l’Afrique en général, le Mali en particulier, sont victimes depuis les indépendances : le Mali se porte-t-il mieux depuis qu’il a rompu les liens avec l’ancienne puissance coloniale et préfère-t-il aux liens d’hier avec la France ceux d’aujourd’hui avec la Russie et ses milices paragouvernementales ?

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Joker : Folie à Deux ★☆☆☆

Emprisonné à l’hôpital psychiatrique Arkhan après les crimes qu’il a commis, Arthur Fleck (Joaquin Phenix) attend son procès. Il fait la rencontre d’une autre internée, Lee Quinzel (Lady Gaga). La passion de la musique les rapproche. Le procès du Joker commence.

Joker (2019) avait rencontré un tel succès qu’une suite était inévitable. Todd Philips est toujours à la réalisation et Joaquin Phenix, couvert de récompenses (Oscar du meilleur acteur, Golden Globe, British Academy Awards…), réendosse le costume du clown meurtrier. L’adjuvant de ce second volet est Lady Gaga, la pop star mondialement connue qui travaille à sa reconversion au cinéma après A Star is Born très sirupeux, House of Gucci autrement plus convaincant.

Venons-en directement à la conclusion : Joker 2 est raté. La raison de ce naufrage est double.
La première est la maladresse des séquences musicales. On reconnaît quelques grands classiques des années 60 – alors que l’action du film est censée se dérouler au début des 80ies : What the World Needs Now Is LoveFor Once in My LifeTo Love Somebody… Lady Gaga chante faux. Pire : Joaquin Phenix ne sait pas chanter et on a mal pour lui quand il pousse la chansonnette.

Le deuxième est plus grave encore. Si Joker nous tenait en haleine, c’est parce qu’il reposait sur une ambiguïté fondamentale : Arthur Fleck allait-il réussir à endiguer la schizophrénie qui risque de le pousser aux pires excès ? Las ! Le dénouement du premier film prive par avance de tout enjeu le second. On y retrouve un homme brisé, dont on sait les crimes qu’il a commis et leurs motifs psychiatriques. La seconde moitié de Joker 2 se déroule dans une cour de justice. Mais on se peine à saisir l’enjeu de ce procès : la culpabilité de Fleck ? elle ne fait aucun doute ; son irresponsabilité pénale ? elle n’est guère plus douteuse ; mais elle n’est bizarrement pas évoquée ; son comportement durant un procès qui tourne vite à la farce après que Fleck a récusé son avocate ?

Présenté à la Mostra de Venise en septembre, hué par la critique, sorti aux Etats-Unis et dans le monde entier début octobre, Joker 2 a fait un four.

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Norah ★☆☆☆

Un instituteur, Nader, est affecté dans un minuscule village au milieu du désert saoudien. Il y a la charge d’apprendre à lire et à écrire à quelques gamins dépenaillés. Pour encourager l’un d’entre eux, particulièrement doué, il dessine son portrait. Le dessin arrive entre les mains de sa sœur aînée, Norah, une orpheline élevée par sa tante, qui rêve d’émancipation, mais dont l’avenir est hypothéqué par un mariage arrangé avec un jeune garçon de la tribu. Norah, au mépris des règles qui le lui interdisent, se met en tête de demander à Nader de dessiner son portrait.

L’Arabie saoudite s’ouvre lentement au monde. Elle lance une vaste campagne médiatique pour attirer les touristes, notamment sur le site d’Al Ula, au cœur du pays, près duquel Norah a été tourné. D’ailleurs la projection à laquelle j’ai assisté était précédée d’une publicité vantant les attraits du royaume saoudien. Les images de ce clip lêché contrastaient avec le rigorisme strict de Norah, dont l’action se déroule en 1996. À l’époque, la séparation des sexes ne connaissait aucune dérogation : les femmes n’étaient autorisées dans l’espace public qu’à condition d’être totalement voilées, de la tête au pied. Pas question de dévoiler son visage, de conduire, encore moins de chanter ou d’être dessinée. Les choses évoluent depuis 2016 et le tournant pris par le nouvel homme fort du royaume, le prince Mohammed ben Salmane alias MBS.

Norah se targue d’être le premier film saoudien programmé au festival de Cannes. Il y a en effet été sélectionné dans la section « Un certain regard ». C’est un film beau et simple, qui raconte une belle et simple histoire. L’enjeu en est ce portrait de Norah que Nader va essayer de dessiner en cachette des habitants du village, avec la complicité d’un sympathique épicier indien. Le film se déroule dans quelques décors à peine : l’épicerie de Madhur, la salle de classe de Nader, la chambre de Norah, l’espace ouvert du village, battu par le vent du désert, aux airs de faux western.

Norah se termine par une image puissante dont le but manifeste est d’impressionner durablement le spectateur tout en lui délivrant un message libérateur. Dans le même style, on lui préfèrera Wajda (2012), un autre film saoudien, le premier dit-on, qui racontait l’émancipation d’une fillette qui s’était mise en tête, malgré l’interdiction qui lui était opposée, de faire du vélo.

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Carla et moi ★★☆☆

Ben (Jason Schwartzman) est chantre dans une synagogue. Il vient de perdre sa femme et sa voix. Sa mère, remariée avec une immigrée philippine convertie au judaïsme, se ronge les sangs pour lui. Son rabbin souhaite lui présenter sa fille. Mais Ben est étrangement attiré par Carla O’Connor, son ancienne professeure de musique au collège, de trente ans son aînée, qui prépare sa bat-mitsvah.

Nathan Silver n’est guère connu en France alors qu’il a déjà tourné neuf longs-métrages. Un seul était jusqu’à présent sorti en France, C’est qui cette fille ? (2016), qui m’avait laissé sur le bord du chemin. C’est que ce réalisateur creuse un sillon très américain, pour ne pas dire très new-yorkais, dont on pensait qu’il avait été essoré par l’auto-dérision décapante d’un Woody Allen : celui du Juif ashkénaze en pleine midlife crisis, coincé entre sa mère et son Dieu.

Le titre original Between the Temples renvoie à une quête religieuse, celle de Ben dont la foi vacille, celle de Carla qui a décidé de se convertir au judaïsme. Ce titre était intraduisible, les distributeurs français ont fait le pari culotté et transgressif d’un clin d’œil au couple Sarkozy, qui tombe un peu à plat car, évidemment, de Nicolas Sarkozy et de Carla Bruni, il ne sera jamais question dans ce film.

Le scénario avance lentement et les presque deux heures du film peuvent sembler bien longuettes. Son principal moteur est ses scènes de repas, filmées très serré par une caméra qui rebondit d’un convive à l’autre, avec un léger temps de retard, comme si elle était constamment en retard d’un temps. Celle qui réunit Carla, son fils, légitimement curieux de la nature du lien qui unit sa mère à Ben et choqué d’apprendre la conversion de sa mère, sa belle-fille et ses deux petites-filles, est malaisante à souhait. Mais le meilleur est la longue scène finale, un dîner de shabbat évidemment, qui réunit la quasi-totalité des protagonistes (Ben, ses deux mères, son rabbin et sa fille, et Carla) avec des dialogues pétaradants.

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