À Kobé de nos jours. Une amitié entre quatre femmes qui approchent de la quarantaine.
Infirmière aguerrie, Akari vient de divorcer. Femme au foyer, Sakurako vit sous la coupe d’un mari autoritaire. Fumi semble elle heureuse en ménage avec un époux qui partage sa passion pour l’art. Jun a engagé une procédure de divorce particulièrement conflictuelle.
Le bandeau qui surplombe l’affiche de Senses est trompeur. Senses n’est pas la première « série cinéma ». Son distributeur Art House avait déjà innové en distribuant en 2013 en deux volets les cinq épisodes de la mini-série Shokuzai de Kiyoshi Kurosawa. En tout état de cause, Senses n’est pas vraiment une série, comme on en voit tant aux épisodes millimétrés et au scénario rebondissant, mais plutôt un long film de plus de cinq heures découpé en cinq tableaux d’une longueur inégale.
Son résumé pourrait laisser penser qu’il s’agit d’un thriller, que son fil narratif s’organise autour de la disparition d’une des quatre héroïnes. Tel n’est pas le cas. Et sans doute ma déception est-elle née de ce malentendu. Senses est en fait un film contemplatif et lent dont il ne faut attendre ni coup de théâtre ni retournement. Il filme au scalpel quatre femmes et s’essaie à travers elles à une radiographie des rapports hommes-femmes dans un Japon encore largement patriarcal.
C’est peu dire que les rapports humains au Japon n’empruntent pas les mêmes formes que celles auxquelles nous sommes familiers en Occident. Ils y sont d’une infinie délicatesse, d’une horripilante politesse. On peut s’en étonner ; on peut en sourire, mi-gêné, mi-moqueur ; on s’y habitue au fur et à mesure que Senses progresse, filmant ad nauseam d’interminables scènes de groupes de cinq ou six protagonistes où les héroïnes, en compagnie de leurs maris, se déchirent poliment. Leur body language est aux antipodes du nôtre : le buste est immobile, les mains ne sont jamais visibles. Tout au plus, à l’acmé d’une dispute, un personnage se permet-il d’élever le ton.
Le distributeur a eu le bon goût de diviser ce film en trois épisodes d’une inégale longueur. J’invite ceux que le premier volet – qui dure à lui seul plus de deux heures – n’aurait pas convaincu à ne pas regarder les deux suivants. J’aurais dû suivre ce sage conseil ; mais j’ai imaginé que « l’action » allait démarrer. Je me suis lourdement trompé. Le rythme reste le même : catatonique. Pour autant, fidèle lecteur, n’écoute pas mon seul avis : des Cahiers du Cinéma au Monde, en passant par Libération et Les Inrocks, Senses est couvert d’éloges.