Nicolas Philibert a suivi la scolarité des filles et des – rares – garçons d’un Institut de formation en soins infirmiers (IFSI) de l’est parisien. Son documentaire est organisé en trois parties annoncées chacune par un vers d’Yves Bonnefoy.
La première montre les étudiants durant leur formation théorique. La pharmacopée, la déontologie leur sont enseignées en cours magistral. Ils s’initient aux gestes de base sur des mannequins en plastique : piqûre, pansement, massage cardiaque…
La deuxième les suit durant leurs stages pratiques (ils en effectueront un par semestre durant les trois ans de leur scolarité) en hôpital, en unité de soins psychiatriques, en EPHAD…
La troisième filme les entretiens de fins de stages des futurs diplômés qui, avec un responsable de l’IFSI, rendent compte de leur expérience, extériorisent leurs joies ou leurs doutes.
Le choix d’un titre. On imagine les hésitations du réalisateur et de son producteur au moment de choisir le titre de son documentaire. On se souvient du beau titre de celui qu’il avait consacré à un instituteur de campagne : Être et avoir. Plus récemment, sa plongée dans les entrailles de Radio-France était plus sobrement titrée La Maison de la Radio. Le choix d’un titre hésite toujours entre deux partis : informer le spectateur sur le contenu du film qu’il s’apprête à voir et/ou annoncer à travers le choix d’un titre plus métaphorique un parti pris esthétique ou politique. C’est d’un côté L’Opéra de Stéphane Bron sur l’Opéra-Garnier, National Gallery de Wiseman sur le célèbre musée londonien ou la trilogie de Depardon Profils paysans. C’est de l’autre Sans adieu de Christophe Agou qui filme, comme Depardon, cette même vie paysanne, À voix haute sur le concours Eloquentia ou Le Président, le documentaire qu’Yves Jeuland consacre à Georges Frêche.
Avec De chaque instant, Philibert opte pour le second choix. Sans doute n’a-t-il pas voulu choisir Infirmières – excluant les garçons – ou Infirmiers – trop masculin – sans se résoudre à l’inclusif Infirmier-ère. D’autant que bizarrement, le mot « infirmier » est absent des dialogues où on lui préfère celui de soignant.e. On comprend volontiers ce que le titre choisi veut dire. Les infirmiers/soignants sont présents à tout instant au chevet de leurs « patients » – un substantif préféré à l’honni « malade ». Pour autant, De chaque instant montre moins cette disponibilité sans faille, cette présence maternelle au chevet d’un malade/patient que l’apprentissage d’un métier.
Car c’est moins le métier d’infirmier que la façon de l’apprendre qui intéresse Nicolas Philibert. L’apprentissage, la transmission du savoir étaient déjà au cour de La vie des sourds et de Être et avoir. Ici, c’est toute la rigueur du métier qui est scrupuleusement présenté. Rien ne nous en détourne, aucune digression sur la vie privée des élèves au pas desquels Philibert refuse de s’attacher, masse indistincte et anonyme d’apprenants attentifs et humbles.
On a parfois, devant ce documentaire trop sage, trop lisse, l’impression de voir un film de propagande sur la grandeur et les servitudes du beau métier d’infirmier. mais ce serait avoir la dent bien dure et le cœur bien sec que de porter sur ce documentaire austère et beau un jugement si cynique.
Ping Sages-femmes ★★★☆ | Un film, un jour