Saeed et Milad sont deux jeunes Syriens pris dans le feu de la guerre civile. L’un est en école d’ingénieur, l’autre aux Beaux-Arts. En 2011, ils décident de s’engager aux côtés des opposants au régime de Assad.
Still Recording raconte quatre années de leur vie dans la résistance.
La guerre civile filmée par ceux qui la font.
On se tromperait en allant voir Still Recording pour comprendre le conflit syrien. En refusant tout commentaire explicatif, toute voix off, les réalisateurs tournent ouvertement le dos à toute visée pédagogique. Il ne s’agit pas de nous faire comprendre les causes de ce conflit, son évolution. Tout au plus voit-on que les rebelles s’opposent au régime d’Assad ; tout au plus perçoit-on par quelques allusions sa dimension religieuse qui oppose la majorité sunnite à une minorité alaouite ; tout au plus mesure-t-on à voir survoler les Mig russes sa dimension internationale. Mais on n’en apprendra pas vraiment plus.
L’essentiel du film n’est pas là. Il est dans la tentative désespérée de nous faire vivre la guerre de l’intérieur. Faire la guerre ce n’est pas tant livrer des combats épiques comme on en voit dans les films. Lorsque les obus pleuvent, lorsque les balles filent, les documentaristes, même les plus intrépides, courent aux abris. Faire la guerre, c’est vivre dans des immeubles en ruine, dans des conditions spartiates. Faire la guerre, c’est attendre, s’ennuyer, passer le temps en jouant aux cartes ou en écoutant la radio. Et puis, c’est un jour, comme ce fut le cas de quatorze documentaristes décédés auxquels le générique de fin rend hommage, prendre une balle perdue comme le montre la dernière séquence du film – qui semble toutefois un peu trop « parfaite » pour ne pas laisser suspecter une reconstitution.
Il faut donc saluer l’ambition de ce documentaire et son refus de tout sensationnalisme. Là où n’importe quel documentaire aurait filmé en gros plan les corps décomposés par les bombes chimiques, Still Recording détourne pudiquement le regard. Il n’en reste pas moins que ce récit, qui s’étire pendant plus de deux heures interminables, ne nous tient pas en haleine. Comme Filles du feu, le documentaire de Stéphane Breton sur les combattantes kurdes contre l’État islamique (EI) sorti l’an passé, Still Recording filme la guerre jusqu’à l’ennui.