Roubaix, une des villes les plus pauvres de France. Entre Noël et Nouvel An, on y suit le commissaire Daoud (Roschdy Zem) et le jeune lieutenant Louis Coterelle (Antoine Reinartz) dans leurs enquêtes : une arnaque à l’assurance, un incendie criminel, un viol sur mineure, une adolescente en fugue et deux jeunes marginales (Léa Seydoux et Sara Forestier, pétrifiée et passionnée) accusées du meurtre de leur voisine.
En compétition pour la dixième (!) fois à Cannes, Arnaud Desplechin surprend. Chef de file du cinéma français post-Nouvelle Vague, il a longtemps fait de la cellule familiale la matrice névrotique de ses films et s’est complu dans un cinéma intellectualisant qui ne m’a jamais convaincu alors même que je me situe probablement dans le cœur de cible de son public. Il abandonne cette veine pour réaliser un polar, à la frontière du documentaire et de la fiction. Il s’est inspiré de faits réels qui se sont déroulés en 2002 à Roubaix, sa ville natale et qui furent relatés dans un documentaire qu’il a vu par hasard sur France 3 en 2008.
Le film d’Arnaud Desplechin respecte scrupuleusement la trame définie par ce documentaire. À travers lui, c’est la radioscopie d’une ville entre chien et loup, lessivée par un crachin sournois, qui se dessine. Le risque est de laisser le spectateur sur sa faim en esquissant des histoires dont on ne nous livre pas le fin mot : pourquoi la famille de Daoud est-elle repartie en Algérie ? pourquoi son neveu emprisonné lui voue-t-il une telle rage ? pourquoi la jeune Sophie a-t-elle fugué ? D’ailleurs les deux personnages principaux, le commissaire et le lieutenant, restent-ils l’un comme l’autre opaques à toute analyse psychologique.
Mais il y a plus grave. Roubaix, une lumière souffre d’un déséquilibre rédhibitoire.
Il est écartelé entre deux parties et deux partis. Le premier est de raconter, au fil de l’eau, ces historiettes – comme l’avait très bien fait en son temps Polisse. Le second est de se focaliser sur Claude et Marie. En confiant ces rôles à deux stars, Desplechin ne pouvait pas ne pas leur laisser la part du lion. L’enquête menée par les policiers sur leur crime [dans des conditions dont je m’interroge sur le réalisme et la violence] occupe toute la seconde partie du film. Le rythme du film en est brisé. On passe de la chronique au huis-clos, du pluriel au singulier, du kaléidoscope au microscope.
Je ne dis pas que la première partie n’est pas intéressante. Je ne dis pas que la seconde ne l’est pas non plus. Mais je dis que leur attelage l’une à l’autre ne fonctionne pas.
Je ne suis pas d’accord sur les questions sans réponse, qui me semblent être plutôt une qualité, laissant une grande part d’inexpliqué… aux alentours d’un crime qui reste lui-même mystérieux.
Peu enclin à acclamer Desplechin, je pense que c’est son meilleur film (la place prépondérante de Léa Mysius au scénario n’y est probablement pas pour rien).
PS- Quand vous parlez de POLICE (de Pialat) ne pensez-vous pas plutôt à POLISSE (de Maïwenn) auquel j’ai pensé à plusieurs reprises pendant le film ?
Vous avez parfaitement raison cher Gérard.
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