Un conscrit autrichien, Franz Jägerstätter fut décapité pendant la Seconde guerre mondiale pour avoir refusé de prêter allégeance au Führer.
Le dernier film de Terrence Malick – comme d’ailleurs ses précédents – ne saurait laisser indifférent. Il suscitera la fascination ou la répulsion.
Dans la première hypothèse, on se laissera hypnotiser par une œuvre radicale, puissante, écrasante portée par une caméra tourbillonnante, une musique élégiaque et une interprétation inspirée. On sera ému jusqu’à l’âme par le dilemme qui se pose à Frantz : transiger ou pas, sauver sa peau ou mourir pour ses principes. On sortira durablement bouleversé de la salle, traumatisé par la dernière demie heure d’un film qui, comme peu d’autres, nous aura fait ressentir la peur de la mort et le courage inhumain qu’il faut pour l’affronter.
Dans la seconde, on aura trouvé le temps effroyablement long. Près de trois heures pour raconter une histoire qui se résume en une phrase. Terrence Malick ne cherche d’ailleurs pas d’échappatoire : il n’enrichira sa trame d’aucun artifice, d’aucune histoire secondaire qui lui donnerait plus de chair.
Au surplus, il a une façon de monter ses scènes qui leur donne un tempo incroyablement rapide. Il refuse la banalité du champ-contrechamp, filmant chaque scène comme on le ferait dans un clip vidéo, avec une musique envahissante et des ellipses qui en rendent parfois la compréhension difficile et empêchent l’émotion de s’installer. Ainsi, paradoxalement, ce film trop long est couturé de scènes trop courtes (ainsi de la confrontation entre Franz et le président du tribunal militaire qui le juge, interprété par un Bruno Ganz mourant qui allait décéder quelques semaines plus tard).
Les tics qui caractérisent son cinéma deviennent vite envahissants : ses travelings interminables sur des champs de blé, cette voix off susurrante semblable à celle d’un prêtre donnant l’absolution, ces tableaux de famille censés incarner la félicité domestique où immanquablement on voit les enfants gambader dans les prés et les parents rouler dans les foins comme s’ils avaient seize ans. Et, last but not least, ce mélange babélien de dialogues anglais et allemands (pourquoi diable faire parler anglais des personnages autrichiens), les seconds n’étant pas traduits, soit que le budget ait manqué pour le faire, soit que le réalisateur ait voulu ainsi souligner l’incommunicabilité de cette langue.
On l’aura compris au déséquilibre entre les deux points de vue qui précèdent : je suis sorti passablement excédé de la salle avec l’impression d’y avoir perdu mon temps et de m’être laissé enfumer par un escroc. Mais, les critiques dithyrambiques que je lis, la vénération admirative dans laquelle on tient Terrence Malick m’empêchent de défendre mon opinion sans l’accompagner d’un instant de doute. Que vous ayez déjà vu d’autres films de Terrence Malick ou pas, faites vous votre opinion. Allez voir Une vie cachée : vous adorerez… ou pas.