Quatre sexagénaires se battent pour faire revivre le cinéma au Soudan. Ibrahim Shaddad, Suleiman Ibrahim, Manar Al-Hilo et Altayeb Mahdi ont consacré leur vie au septième art. Ils ont fondé le Sudanese Film Group (SFG) pour le faire vivre dans un pays qui lui a tourné le dos, par la faute des imams et du piratage. À bord d’un minivan Volkswagen à bout de souffle, ils sillonnent le pays pour organiser des projections en plein air. Dans la banlieue de Khartoum, ils veulent rouvrir une salle, mais se heurtent à une bureaucratie kafkaïenne.
Les cinéastes aiment parler de cinéma. La nostalgie des salles d’antan, le désarroi devant leur fermeture est un sujet qui a inspiré beaucoup d’oeuvres de fiction ou de documentaires. Tout le monde pensera à Cinema Paradiso, que j’avais vu en projection officielle à Cannes en 1989 (il faut bien frimer de temps en temps) ou à Splendor de Ettore Scola, contemporain du film de Giuseppe Tornatore, dont il reproduisait la même recette avec beaucoup moins de succès. Sorti début 2019, Kabullywood racontait les tentatives de quatre jeunes cinéphiles de rouvrir un cinéma dans la capitale afghane.
Le quatuor de Talking about trees est la version senior des quatre jeunes Afghans de Kabullywood. Une sorte de Buena Vista Social Club sans musique.
La persévérance de ces quatre gentils papys, leur humilité et leur sens de l’humour font immanquablement mouche. Il est impossible de ne pas les trouver sympathiques. Ils sont la mémoire du cinéma soudanais, formé dans les années soixante-dix à Moscou. Ils sont la mémoire de leur pays qui a connu, depuis l’indépendance une histoire chaotique, alternant de courtes période démocratie et de longues dictatures.
Mais leur histoire est racontée par Suhaib Gasmelbari – un réalisateur soudanais formé en France – avec un minimalisme qui la rend bien vite ennuyeuse. Le réalisateur a pris le parti de refuser tout sensationnalisme. Il filme quelques plans d’une poignante beauté : un drap blanc dans la nuit sur lequel est projeté Les Temps modernes de Chaplin, un chameau déambulant dans les allées désertes d’un cinéma en plein air… Mais une succession de beaux plans ne suffit pas à donner chair à un film.
Le film a été tourné à la fin du long règne de Omar el Bechir, au moment de sa énième réélection avec 94.5 % des suffrages. Depuis lors, la rue a renversé le pouvoir. Et le cinéma « La Révolution » a pu rouvrir.