Max (Maxime Boublil) a bientôt quarante ans. À treize ans, en 1993, ses parents (Noémie Lvovsky & Alain Chabat) lui ont offert une caméra. Avec elle, il a filmé sa vie, ses amis, ses amours, ses emmerdes. Il a surtout filmé Emma (Alice Isaaz).
Osons le dire : Play est un film concept construit à partir de vrais-faux rush, ceux filmés par la caméra de Max tout au long de sa vie. D’où sa structure extrêmement hachée, composée d’une succession de petites saynètes au son dégueulasse, à l’image mal cadrée, et ses nombreuses ellipses qui nous font gaillardement sauter les années (le noir se fait après qu’à quatorze ans Max se fait confisquer sa caméra par sa mère par la faute de ses mauvais résultats scolaires et l’image se rallume quatre ans plus tard au moment où Max passe son bac).
Play est un film générationnel qui raconte les années 90 et 2000. Il le raconte à travers des objets : la PlayStation, les premiers ordinateurs connectés et la stridulation insupportable de leur modem à l’allumage, l’affiche de Romeo + Juliet. Il le fait à travers des événements : la liesse populaire de la Coupe du monde 1998 (mais bizarrement sont passés sous silence le 11 septembre 2001 et le 21 avril 2002). Il le fait surtout à travers des chansons qu’aucun trentenaire ou quadragénaire ne pourra ré-entendre sans taper du pied : Wonderwall de Oasis, Where is my mind des Pixies, American Boy de Estelle, Crazy de Gnarls Barkley…
Play est un film potache qui fait rire aux éclats sans sombrer dans la vulgarité. S’il nous fait tant rire, s’il nous touche autant, c’est qu’il nous fait revivre tous les rites initiatiques que nous avons traversés : le bac, la fac, le permis, la première cuite, le premier joint, les premières amours. Je ne me suis pas encore remis du fou rire piqué devant la scène de l’accident de voiture du jeune Max, qui vient de fêter son permis, avec ses potes et percute un conducteur irascible. On n’avait rien vu d’aussi drôle depuis Les Nouveaux Sauvages.
Et enfin Play est un film romantique sur le vert paradis de nos amours enfantines. Vous savez, fidèle lecteur, qui me lisez depuis plus de quatre ans, combien la nostalgie est un sentiment qui m’émeut. Mettez moi un film qui raconte un souvenir ou une perte, je fonds en larmes et les étoiles pleuvent. Comme de bien entendu, j’ai fondu devant l’idylle contrariée qui, à travers les années, réunit Max et Emma.
Eric Neuhoff a-t-il vu Play ? Ce critique du Figaro vient de commettre un essai rance, couronné par le Prix Renaudot Essai – dont le jury, il est vrai, ne se distingue pas par sa clairvoyance (c’est lui qui en 2013 couronnait Gabriel Matzneff) – dans lequel il conchie le cinéma français. À l’en croire, il n’a rien produit de bon depuis Un taxi mauve et La Gifle. Certes Alice Isaaz ne montre ni ses seins ni son cul – ce qui semble une condition sine qua non pour exciter l’intérêt de Pervers Eric – mais elle a un charme, une fraîcheur, une répartie, une énergie qui nous réconcilient illico avec le cinéma français et avec ses actrices.
Dire que « le jury(du prix Renaudot), il est vrai, ne se distingue pas par sa clairvoyance (c’est lui qui en 2013 couronnait Gabriel Matzneff) », il fallait le dire en 2013 !