Georgina, la vingtaine, fait partie de ces paysans sans terre qui vivent dans le plus extrême dénuement dans les environs de Lima, la capitale péruvienne. À la fin des années quatre-vingts, alors que le pays est plongé dans la crise de la dette et la guerre civile, elle y attend son premier enfant. Elle accouche dans une clinique privée qui lui avait fait miroiter des soins gratuits. Mais son enfant lui est violemment retiré. Après s’être tournée en vain vers la police et vers la justice, elle alerte un journaliste.
Canción sin nombre aurait pu être un film hollywoodien à suspense dans lequel une jeune femme pauvre et un journaliste courageux auraient, au péril de leur vie, dévoilé un crime d’Etat : le rapt de nouveaux nés pour nourrir une filière d’adoption internationale. Mais, à partir de cette trame tristement inspirée de faits réels, qui lui avaient été relatés par son père, lui-même à l’époque journaliste, la jeune réalisatrice Melina León a opté pour un parti tout autre : celui de l’esthétisme poétique qui n’est pas sans rappeler le splendide film guatémaltèque Ixcanul de Jayro Bustamante
Le film perd en densité ce qu’il gagne en profondeur. Il est filmé en noir et blanc dans un format 4/3 qui rappelle celui des émissions télévisées. Les plans sont longs, qui montrent la minuscule Georgina, enceinte de neuf mois, cheminer péniblement autour de sa cabane. L’intrigue est réduite à sa plus simple expression. L’ennui parfois guette et on le regrette d’autant que le sujet est poignant et l’interprétation, toute en retenue, de Pamela Mendoza et de Tommy Párraga, impeccable.