Petite Solange ★☆☆☆

Solange a treize ans et la vie banale des pré-adolescentes de son âge dans la France d’aujourd’hui. Tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes si le couple, en apparence si solide, formé par ses parents n’était pas en train de se fracturer. Son frère aîné, Romain, prend la tangente et quitte le foyer pour poursuivre ses études à Madrid, laissant la petite Solange seule face à ses questionnements.

Fille de parents divorcés dans les 80ies, Axelle Ropert revisite son adolescence dans ce quatrième film au sujet intemporel et aux relents autobiographiques assumés.  D’ailleurs son héroïne, fluette, timide et précoce lui ressemble un peu avec ses chemisiers trop sages. Son action se déroule à Nantes dont on reconnaît les paysages urbains filmés par Jacques Demy dans Lola ou dans Une chambre en ville.

Petite Solange est un film sensible qui raconte le divorce d’un couple à hauteur d’enfant. Le sujet n’est pas nouveau. Il a même été filmé plus souvent qu’à son tour : Kramer vs. Kramer, La Baule-les-pins, La Famille Tenenbaum, Faute d’amour, etc. et on ne voit pas trop ce que le traitement d’Axelle Ropert y apporte de nouveau. Son film, malgré ses indéniables qualités, malgré notamment l’interprétation remarquable de ses trois acteurs principaux, la révélation Jade Springer, le lunaire Philippe Katerine et la si juste Léa Drucker, se condamne à l’invisibilité.

La bande-annonce

H6 ★★☆☆

La documentariste franco-chinoise Ye Ye a planté sa caméra dans les couloirs de l’hôpital H6 de Shanghai, un des plus grands hôpitaux au monde qui accueille chaque année deux millions de malades. Elle y a suivi en particulier le sort de cinq patients : une gamine de trois ans à peine dont la main gauche a été écrasée par un autobus, une adolescente, les jambes brisées dans l’accident de voiture qui a coûté la vie à sa mère, un paysan devenu tétraplégique après avoir chuté d’un arbre, un clochard boiteux venu faire soigner son genou en soins de jour, une vieille femme quasi-inconsciente que son mari visite amoureusement chaque jour….

À tous ceux qui se plaignent de l’état de notre système de soins, il faudrait prescrire un voyage en Chine et un séjour à l’hôpital H6 de Shanghai ou bien le visionnage de cet éclairant documentaire. Certes, on n’y descend pas au septième cercle de l’Enfer. Les malades n’y sont pas abandonnés à leur sort. Ils sont traités dignement. Mais la façon dont ils sont entassés par dizaines dans une même salle commune, le bruit constant qui y règne contrastent avec l’environnement beaucoup plus serein de nos hôpitaux français, même obérés par l’austérité budgétaire.

Dans H6, il est constamment question d’argent. Argent pour financer l’opération de la dernière chance qui sauvera peut-être ce tétraplégique mais exigera à sa famille de vendre tous ses biens et de s’endetter. Argent que la compagnie de bus refuse de verser à la famille de cette gamine victime d’un accident de la circulation. Argent pour payer l’aide-soignante qui passe prodiguer aux patients les soins basiques que des infirmières débordées ne peuvent pas donner. Argent pour une coupe de cheveux négociée pied à pied….

Face au sempiternel défi d’avoir à rassembler cet argent qu’on leur réclame, les patients chinois et leur entourage font, c’est le cas de le dire, contre mauvaise fortune bon cœur. Ye Ye voulait filmer leur résilience, leur capacité à faire face aux coups du sort. Elle y parvient dans un documentaire qui, sans verser dans le sentimentalisme, émeut souvent.

Certes H6 ne nous offre pas, comme on pouvait l’espérer, une vue d’ensemble d’un hôpital, comme l’aurait filmée systématiquement Frederick Wiseman. La caméra reste du côté des patients et ne s’intéresse que brièvement à un rhumatologue un peu excentrique qu’elle suit dans sa séance de gymnastique quotidienne.

À défaut, H6 pourra concourir dans la catégorie des films aux titres les plus courts, juste derrière Z de Costa-Gavras et ex aequo avec E.T. de Spielberg.

La bande-annonce

The Souvenir ★☆☆☆

Julie est une jeune étudiante en école de cinéma. Fille unique d’un couple déjà âgé de riches propriétaires terriens, elle habite un vaste duplex dans un des quartiers les plus huppés de Londres.
Julie s’éprend d’Anthony, un homme plus âgé qu’elle, qu’elle accueille dans son appartement et qui y vit bientôt à ses crochets. Anthony, qui prétend travailler au ministère anglais des affaires étrangères, se révèle être un mythomane et un héroïnomane.

The Souvenir est un film largement autobiographique tourné en 2019 par Joanna Hogg à partir d’un épisode tragique de sa jeunesse dans les années 80. Il est constitué de deux parties, presqu’autonomes, qui, comme leurs belles affiches, se font miroir. La première se focalise sur la liaison entre Julie et Anthony. La seconde raconte comment la jeune étudiante en cinéma fera de cet idylle tragique le sujet de son film de fin d’études.

Si l’on visionne ses deux parties à la suite l’une de l’autre, The Souvenir dure donc près de quatre heures. Ce n’est pas rien. Et c’est sans doute trop.

Certes, le film nous montre, dans sa seconde partie, sur un mode quasi documentaire, comment se tourne un film, quelles questions un jeune réalisateur, pas toujours préparé à le faire, doit trancher, quelles sourdes dissensions émergent dans l’équipe de tournage au point de la fissurer. Il interroge aussi l’écriture d’une fiction autobiographique, tiraillée entre deux impératifs parfois contradictoires : la fidélité aux faits tels qu’ils ses sont déroulés et leur paradoxal manque d’authenticité si on les rejoue tels quels devant la caméra.

Mais The Souvenir souffre d’un défaut rédhibitoire. L’histoire d’amour entre Julie et Anthony ne fonctionne pas. Ce n’est pas la faute des deux acteurs, l’un et l’autre excellents : la jeune Honor Swinton-Byrne (dont la mère à la ville, la célèbre Tilda Swinton, une amie de longue date de la réalisatrice Joanna Hogg, joue ici le propre rôle de sa mère à l’écran) est une révélation et Tom Burke est déjà un acteur confirmé (il interprétait le personnage de Orson Welles dans Mank). Mais aucune alchimie ne se dégage de leur couple disharmonieux. On ne voit pas, on ne comprend pas, ce que diable elle lui trouve. Alors, certes, la seconde partie du film éclaire les mystères de cette union contre-nature. En tournant son film, Julie doit s’interroger sur les raisons profondes de sa passion et en informer les acteurs qu’elle a choisis (on reconnaît la toujours juste Ariane Labed). Sans cette seconde partie, la première aurait été lugubre. Mais avec elle, elle n’en devient pas pour autant passionnante.

La bande-annonce

Red Rocket ★★★☆

Mikey Saber a quitté la petite ville de Texas City, au bord du golfe du Mexique, pour aller tenter sa chance à Hollywood. Après une vingtaine d’années dans le porno, il y revient un beau jour d’été, la gueule salement amochée et la queue entre les jambes. Il demande à Lexie, sa femme, de l’héberger. Malgré les réticences de Lil, sa belle-mère, elle l’accepte pour quelques jours qui deviendront vite quelques semaines.
Faute de trouver un emploi stable chez des employeurs auquel son CV original n’inspire guère confiance, Mikey redevient dealer pour le compte de Leondria qui contrôle le trafic  de cannabis dans le quartier. Dans un magasin de donuts, il se lie avec la vendeuse, Strawberry, une ravissante adolescente de dix-sept ans seulement, qu’il essaie de convaincre de partir avec lui en Californie.

Red Rocket est un film déconcertant. Son affiche niaiseuse et sa bande-annonce augurent une énième comédie américaine façon American Pie. Les précédents films de Sean Baker, Tangerine (2015) et The Florida Project (2017), sont plutôt des drames sociaux, quasi-documentaires à la rencontre des couches les plus défavorisées de la population américaine comme les films de l’autre côté de l’Atlantique de Ken Loach ou de Robert Guédiguian.

Mais Red Rocket est beaucoup plus ambigu que cela. Son objet se dessine progressivement. Il s’agit de faire le portrait d’un suitcase pimp, expression américaine intraduisible. Le suitcase pimp, le « proxénète de plateau », est un parasite du X, qui vit au crochet de sa compagne, elle-même actrice, à laquelle il fait office d’agent et dont il empoche les confortables revenus.

Mikey Saber est lui-même acteur X (le rôle est interprété par Simon Rex qui commença sa carrière au cinéma… dans le porno gay). Il n’en est d’ailleurs pas peu fier. Mais on comprend vite qu’il a abusé de sa femme, qui l’avait candidement accompagné en Californie et y avait tourné avec lui quelques films X avant d’en revenir rapidement. Il entend faire de même avec la jeune Strawberry, interprété par la ravissante Suzanna Son, une sorte de Lolita, aussi fraîche, jeune et désirable que l’était Sue Lyon dans le rôle de l’héroïne du livre de Nabokov adapté par Kubrick.

L’histoire de Mikey est censée se dérouler en 2016, pendant la campagne électorale qui verra, on le sait, la victoire de Donald Trump. Rien n’en est exprimé dans le film proprement dit ; mais la télévision, allumée en permanence, laisse entendre quelques-uns des slogans les plus populistes du candidat républicain, comme si la séduction qu’exerçait devant nous Mikey Saber et la subornation dont il est sur le point de se rendre coupable faisaient écho avec celles du futur président américain.

Toute l’ambiguité et toute l’efficacité du film sont qu’il est entièrement tourné du point de vue de Mikey, qui immanquablement gagne notre sympathie. Du début à la fin, on prend parti pour lui, on compatit à ses déboires, on se réjouit de le voir remonter la pente et on se lamente quand il la dégringole.

Red Rocket se termine par deux scènes marquantes sur la signification desquelles on peut s’interroger. Signent-elles la défaite de notre sympathique héros ? ou la victoire de ce parasite haïssable ?

La bande-annonce

Arthur Rambo ★☆☆☆

Karim D. est un jeune écrivain bourré de talent dont le premier livre autobiographique est chaleureusement accueilli par la critique. Mais alors que Karim célèbre son entrée dans la République des Lettres, d’anciens tweets, haineux, antisémites, misogynes, publiés sous pseudonyme plusieurs années plus tôt, ressurgissent et mettent à mal sa réputation.

Laurent Cantet s’est directement inspiré de l’affaire Mehdi Meklat qui avait éclaté en 2017. Ce jeune artiste plein de talent écrivait depuis son plus jeune âge des billets, des articles pour la radio et Internet. Au Bondy Blog, dont il devint l’un des piliers, il donnait une voix aux jeunes des banlieues, immigrés de la deuxième génération. En pleine promotion de son livre, Minute, une polémique a éclaté au sujet de tweets odieux qu’il avait publiés entre 2011 et 2015 sous le pseudonyme de « Marcelin Deschamps ». Mehdi Meklat s’est excusé et s’est expliqué de ses tweets, plaidant à la fois l’existence d’un « double maléfique » et le « droit à la provocation »

J’adore Laurent Cantet dont j’ai aimé tous les films depuis Ressources humaines (qui a révélé Jalil Lespert) jusqu’à L’Atelier (tourné à une encablure de Sanary-sur-mer) en passant par L’Emploi du temps, son adaptation de l’affaire Romand, et bien sûr sa Palme d’or Entre les murs qui l’a fait entrer en 2008 dans la cour des Grands. Je trouve que ce réalisateur a le don de tourner des films ancrés dans une réalité très contemporaine, de raconter une histoire, de diriger des acteurs souvent novices, en un mot de faire du cinéma.

Pour autant, j’ai trouvé que Arthur Rambo, dont j’attendais beaucoup, n’était pas au diapason de ses précédents films.
Pour deux raisons .

La première est mineure : j’ai trouvé le jeu des acteurs très médiocre et au premier chef celui du personnage principal interprété par Rabah Naït Oufella que la caméra ne quitte pas d’une semelle pendant les vingt-quatre heures que dure l’intrigue.

La seconde est plus substantielle. Elle concerne le sujet même du film. D’abord ce qu’il n’est pas : l’histoire d’un homme dont la trajectoire ascendante est brutalement interrompue par la révélation d’une page peu glorieuse de son passé. Depuis que j’ai vu Le Procès de Welles, inspiré de Kafka, le thème de la culpabilité, de l’épée de Damoclès qu’elle fait peser sur nos existences tranquilles, me fascine et me hante. J’aimerais que le cinéma s’empare de personnages tels que Griveaux, Benalla, Cahuzac ou Thévenoud dont les brillantes trajectoires ont été brutalement interrompues et qui, du jour au lendemain, sont devenus des parias honnis. Comment vivent-ils ces moments-là ? Comment y survivent-ils ensuite ? Tel n’est pas le sujet de Arthur Rambo, même s’il se focalise sur les heures qui précèdent et qui suivent le brusque revirement de fortune de son héros, décapité en pleine gloire.
Comme son titre l’indique, comme son affiche le montre, Arthur Rambo se focalise sur une autre facette du personnage : sa schizophrénie. Laurent Cantet s’est demandé comment l’écrivain si sensible d’un livre à succès sur le parcours d’un immigré de banlieue pouvait « en même temps » être l’auteur de tweets si ignobles. Il est vrai que la question avait soulevé un vif débat en 2017. Deux camps s’opposaient : ceux qui ne trouvaient à Mehdi Meklat aucune excuse et ceux qui lui en trouvaient.

La réponse – mais elle n’engage que moi – est simple. Claude Askolovitch l’avait à l’époque formulée à peu près en ces termes : ces tweets haïssables étaient des blagues pas drôles d’un gamin sans surmoi. Le problème est que cette réponse là, celle même dont je m’étais convaincu dès le début du film et dont je n’ai pas changé, le vide de tout intérêt.

La bande-annonce

Introduction ☆☆☆☆

Introduction, si on l’a bien compris, raconte trois épisodes de la vie de Youngho, un grand dadais d’une vingtaine d’années. Le premier le voit à la rencontre de son père, dans son cabinet médical, où celui-ci reçoit pour une séance d’acupuncture un acteur célèbre qui va  convaincre Youngho de tenter sa chance au cinéma. Le deuxième le croise en Allemagne où il a suivi Juwon, sa fiancée. Le dernier le retrouve dans une station balnéaire coréenne où sa mère déjeune en compagnie de l’acteur du premier tableau.

Avec je-ne-sais-quel masochisme, je vais voir tous les films de Hong Sangsoo. Malheureusement pour moi, le maître coréen est prolixe : Introduction est son seizième film  en dix ans à peine. Et à chaque fois, je vis les mêmes expériences : celle, frustrante, de ne rien comprendre à un cinéma qui me passe au-dessus de la tête, celle, rageante, de m’être encore une fois fait rouler dans la farine par un réalisateur dont le minimalisme attire selon moi des louanges imméritées.

Tous les films de Hong Sangsoo se ressemblent. Celui-ci reprend les mêmes personnages, les mêmes situations, les mêmes procédés que les précédents dont j’ai déjà eu moult fois l’occasion de dire tout le mal que j’en pensais : La femme qui s’est enfuie, Hotel by the River, Grass, La Caméra de Claire, Seule sur la plage la nuit, Le Jour d’après, Yourself and Yours, etc.

Comme dans tous les films de Hong Sangsoo, on retrouve des acteurs qui déambulent dans une ville ou sur les bords d’une plage en dissertant sur le sens de la vie. Comme dans tous ses précédents films, on voit en étouffant un bâillement des scènes interminables, d’une dizaine de minutes chacune, filmées dans un noir et blanc laiteux à grands coups de zoom avant ou arrière. Elles se succèdent brutalement sans qu’on comprenne les liens qui les unissent ni même leur chronologie. J’apprends, en lisant les commentaires sous Introduction, qu’il contient une scène onirique. J’avoue humblement ne pas savoir de laquelle il s’agit.

Les critiques pâmés invoquent les mânes de Rohmer là où je ne vois que prétention, pose, vide et ennui. Je n’ai trouvé dans ce film qu’une seule qualité : sa brièveté (soixante-six minutes à peine), aveu tacite peut-être que le réalisateur n’avait rien d’autre à raconter. Le titre, passablement incompréhensible, du dernier film de Hong Sangsoo annonce hélas qu’il y en aura d’autres. Irai-je les voir encore ?

La bande-annonce

Les Jeunes Amants ★★☆☆

Pierre (Melvil Poupaud) a quarante-cinq ans. Il est chirurgien à Lyon, marié et père de famille. Quinze ans après l’avoir croisée durant une nuit de garde, il retrouve Shauna (Fanny Ardant), une architecte à la retraite qui fut la meilleure amie de la mère de Georges (Sharif Andoura), le meilleur ami de Pierre. Entre Pierre et Shauna, malgré l’écart d’âge, c’est le coup de foudre.

Sur une idée originale de Solveig Anspach, décédée en 2015, Carine Tardieu, qui avait déjà signé  trois films plein de délicatesse (La Tête de Maman, Du vent dans les mollets et Ôtez-moi d’un doute qui m’avait conquis), explore un sujet quasiment inédit et bien dans l’air du temps : la liaison adultère d’un homme dans la force de l’âge avec une femme de vingt-cinq ans son aînée.

On imagine mal qui mieux que Melvil Poupaud et Fanny Ardant auraient pu interpréter de tels rôles. Lui, séduisant en diable, la barbe poivre et sel, voit ses certitudes se fracturer devant la passion qui l’emporte. Elle, dont l’âge n’enlève rien au charme magnétique, a toujours cette voix renversante à laquelle aucun être normalement constitué ne saurait résister.
Ils sont appuyés par des seconds rôles impeccables : Sharif Andoura déjà cité, Florence Loiret-Caille qui démontre que son talent ne se réduit pas au seul rôle de Marie-Jeanne dans Le Bureau des légendes et surtout Cécile de France dans un rôle à contre-emploi qu’elle interprète avec un masochisme bouleversant.

Les Jeunes Amants a peut-être le défaut de verser dans la tragédie, de prendre un peu trop au sérieux une histoire qui aurait pu être racontée avec plus de légèreté. Il a un autre défaut : ses vingt dernières minutes qui semblent tourner en rond autour d’une conclusion qu’il n’arrive pas à trouver et qui finalement s’avère médiocrement convaincante. Pour autant, il n’en reste pas moins un mélodrame poignant, propre à séduire tous les spectateurs, homme ou femme, jeune ou moins jeune.

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Irradiés ★☆☆☆

Survivant des camps de l’Angkar, le réalisateur franco-cambodgien Rithy Panh a passé sa vie à documenter les massacres qui ont coûté la vie à toute sa famille et à plusieurs millions de ses compatriotes.
Après une résidence au Japon, il consacre son dernier documentaire, qui relève autant du cinéma que de l’installation, aux séquelles des guerres, atomiques ou conventionnelles, qui ont ensanglanté le vingtième siècle, de Verdun à Auschwitz, de Hiroshima à Srebrenica, et qui ont laissé leurs marques dans la chair des hommes.

Irradiés est une longue encyclopédie du mal. Les images qu’il montre sont dures, parfois insoutenables : cadavres décharnés retirés des chambres à gaz nazies, survivants irradiés des explosions nucléaires d’Hiroshima ou de Nagasaki, photographies anonymes des détenus de S21, la prison de Phnom Penh… D’ailleurs le film est interdit aux moins de douze ans en France. Quelques spectateurs, visiblement choqués, ont quitté la salle en cours de séance.

Pour présenter ces documents, Rithy Panh découpe l’écran en trois bandes verticales et projette dans chacune des images similaires ou différentes. Quel effet veut-il ainsi créer ? Une mise en abyme ? Un vertige ?

Irradiés ne peut qu’inspirer une admiration révérencieuse. Les faits qui y sont relatés sont si terribles qu’on ne peut, comme face à Nuit et brouillard de Resnais, que se taire. On serait bien mesquin de lui reprocher son texte emphatique, lu par André Wilms et par Rebecca Marder (dont c’est le second film à l’affiche cette semaine !), ou ses acteurs de nô qui errent dans des ruines post-apocalyptiques, seules scènes de fiction, bien incongrues. On n’osera pas avouer qu’on s’est vite ennuyé de ces images  d’archives déchirantes, sans début ni fin, sans indications d’origine, répétées ad nauseam… mais on n’en pense pas moins.

La bande-annonce