Le Lac aux oies sauvages ★★☆☆

Sous la pluie battante d’une nuit sans lune, un homme et une femme se rencontrent sur le quai d’une gare. Ils ne se connaissent pas ; mais leurs destins seront désormais liés. Lui est un petit malfrat dont la tête a été mise à prix par la police ; elle est une « baigneuse », une prostituée, qui rêve d’une vie merveille.

En 2014, Diao Yinan remportait l’Ours d’or à Berlin avec Black Coal, un polar noir de la couleur du charbon de Mandchourie. Il a fallu attendre cinq ans son film suivant, sélectionné illico en compétition officielle à Cannes. Il y creuse la même veine, celle du polar expressionniste, mélange efficace du film noir américain des années cinquante façon Raoul Walsh et du cinéma hongkongais esthétisant des années quatre-vingt-dix façon Wong Kar Wai.

Le polar est en train de devenir un genre chinois à part entière. Comme si le cinéma chinois se réappropriait toutes les variantes du cinéma américain. Sans remonter bien loin, on en a vu, ces deux dernières années, toutes les déclinaisons possibles : les héros criminels (Les Éternels), la traque du serial killer (Une pluie sans fin), l’enquête policière neurasthénique (Un été à Changsha) et même le film d’animation tarantinesque (Have a nice day), des quatre précédemment cités celui que j’ai préféré.

Dans cette galerie très riche, les films de Diao Yinan ne font pas pâle figure. Ils ont du style, voire même une certaine flamboyance. Mais le souci porté à la forme, qu’il s’agisse de l’image très travaillée ou du scénario construit autour de savants flash-back qui reviennent toujours à la même gare inondée de pluie, se fait au détriment du fond.

On ne comprend pas toujours tout du scénario alambiqué de ce Lac aux oies sauvages. On nous rétorquera qu’on ne comprenait pas grand-chose non plus au Faucon maltais. Mais le plus gênant est qu’on ne s’attache pas vraiment non plus aux personnages, réduits à des caricatures sans relief. Comme Humphrey Bogart et Lauren Bacall, lui encaisse les coups et les balles en serrant les dents tandis qu’elle démontrera une grandeur d’âme et une fidélité inhabituelle dans sa profession.

Et qu’on ne vienne pas nous dire que Le Lac… dessine un portrait accusateur de la Chine contemporaine. Ce n’est pas parce que son action se déroule dans des immeubles décrépits, qu’il met en scène des policiers et des voyous usant quasiment des mêmes méthodes expéditives, qu’il faut y voir un témoignage à charge sur les laissés-pour-compte de la croissance chinoise. On n’a jamais donné une telle portée au Grand Sommeil ou au Faucon maltais ; ne la donnons pas à leurs épigones chinois.

La bande-annonce

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