Les journalistes Alice Odiot et Jean-Robert Viallet, ont obtenu de l’administration pénitentiaire, non sans peine, après trois années de démarche, l’autorisation de tourner à l’intérieur de la prison des Baumettes près de Marseille. Pendant vingt-cinq jours, dans la touffeur de l’été, ils ont posé leur caméra dans le bâtiment B et y ont filmé « des hommes » enfermés pour des crimes de droit commun et des durées plus ou moins longues.
On ne compte plus les films se déroulant en milieu pénitentiaire : Un condamné à mort s’est échappé, Le Trou, Midnight Express, Les Évadés, Un prophète, Dog Pound, Ombline, La Taularde, Éperdument… sans parler de la série Prison Break.
En revanche, les documentaires qui en pénètrent les murs sont plus rares. La raison en est peut-être dans les difficultés d’obtenir les autorisations de tournage. Le documentariste Stéphane Mercurio lui a consacré trois films. J’avais vu en 2012 le deuxième À l’ombre de la République qui suivait le Commissaire général des lieux de privation de liberté dans ses inspections. Ressorti récemment sur les écrans, Titicut Follies a été tourné dans l’unité psychiatrique d’un hôpital militaire mais s’intéresse plus à la folie qu’à l’incarcération – ouvrant la voie aux documentaires de Raymond Depardon.
Aussi, Des hommes constitue-t-il une perle rare qui mérite qu’on s’y arrête. On attendait avec impatience de suivre les journalistes à l’intérieur des Baumettes, une des prisons les plus insalubres d’Europe, frissonnant par avance de l’état de délabrement qu’on y constaterait – et se demandant pourquoi l’administration avait accepté ce périlleux exercice de transparence. Son beau titre laissait augurer une oeuvre humaniste présentant des détenus à l’humanité bafouée.
« Une plongée saisissante et fascinante dans l’enfer des Baumettes » annonçait Télérama promettant tout à la fois de dévoiler « l’insalubrité inhumaine d’une prison paradoxalement mythique » d’esquisser « le portrait de détenus à la vie suspendue » et de dénoncer « un système judiciaire obtus ». Rien que ça…
On reste un peu sur sa faim. Des hommes refuse tout sensationnalisme et y réussit trop bien. Pas de témoignages chocs de prisonniers traumatisés, pas d’images dérangeantes de WC bouchés, pas de cris déchirants dans les coursives de la prison. Les détenus que l’on voit – et dont on suppose qu’ils ont donné l’autorisation d’être filmés – sont plutôt sympathiques. Les gardiens et l’encadrement le sont plus encore : on est face à des fonctionnaires accommodants bien loin de la caricature du maton sadique. La vie en prison est ennuyeuse et monotone. Odiot et Viallet ont l’honnêteté de la filmer sans lui donner un rythme et une tension qu’elle n’a pas.