Le meurtre sordide du petit Grégory Villemin, quatre ans, le 16 octobre 1984, avait bouleversé la France. La recherche de son assassin allait la tenir en suspens des années durant. Elle connut bien des rebondissements.
Les soupçons se portèrent d’abord sur Bernard Laroche, un cousin des Villemin. Mais le juge Lambert, que l’enquête menée par les gendarmes n’avait pas convaincu, ordonna sa libération. Tandis que la mère de l’enfant, Christine Villemin, était mise en cause, le père, Jean-Marie, ivre de chagrin et assoiffé de vengeance, assassinait de sang froid Bernard Laroche le 29 mars 1985. Après le départ du juge Lambert, un nouveau juge d’instruction reprenait méticuleusement l’enquête et innocentait Christine. Jugé en cour d’assises, Jean-Marie Villemin était condamné en 1993 à cinq ans de prison, une sanction plutôt légère, pour l’assassinat de Bernard Laroche. À ce jour l’assassinat du petit Gregory n’a pas été élucidé.
Le meurtre du petit Grégory a marqué la France des boomers. J’étais au collège, en troisième, et je me souviens de la réprobation causée par cet assassinat et du vif débat qu’il avait suscité sur le rétablissement de la peine de mort, abrogée trois ans plus tôt seulement.
Dans la lignée de Faites entrer l’accusé, la mini-série documentaire de Netflix prend le temps, en cinq épisodes d’une heure de raconter l’affaire. Elle a été réalisée par Gilles Marchand, le scénariste de Harry, un ami qui vous veut du bien et le réalisateur de Qui a tué Bambi ? Elle ne révolutionne pas l’art du documentaire, alternant documents d’époque et interviews des différents témoins (les gendarmes et les policiers qui ont mené l’enquête, les journalistes qui l’ont couverte, les avocats des uns et des autres…). Mais l’affaire a connu de tels rebondissements que le service minimum suffit à rendre sa relation captivante.
L’historien et écrivain Ivan Jablonka avait consacré en 2016 un essai passionnant au meurtre de la jeune Laëtitia Perrais. Partant d’un fait divers sordide, son livre, Laëtitia ou la Fin des hommes, couronné par le prix Médicis, était tout à la fois une enquête policière méticuleuse sur les circonstances du drame, une radioscopie de la France dite périphérique et une réflexion sur les violences faites aux femmes.
Comme l’affaire Laëtitia, l’assassinat du petit Gregory est un fait divers passionnant. Il l’est bien sûr par le voile de mystère qui trente-cinq ans après les faits, continue encore à l’entourer, jouant sur le ressort le plus ancien et le plus efficace de toute intrigue policière : la recherche infructueuse du coupable. Mais il l’est plus encore par ce qu’il nous révèle de l’état d’une société : les dysfonctionnements de la justice, l’emballement des média et surtout, cette France provinciale des années Mitterrand avec ses trognes et ses accents, que je croyais si proche mais qui me semble aujourd’hui si lointaine.