Crâne rasé, croix celtique tatouée à l’avant-bras, portrait d’Hitler en poche, Adam (Ulrich Thomsen) est un néo-nazi qui vient d’être relâché de prison. Ivan (Mads Mikkelsen), un pasteur qui collabore à un programme de réinsertions d’anciens prisonniers, l’accueille dans sa cure, où il rejoint trois autres marginaux : un ex-tennisman obèse et alcoolique, un immigré pakistanais braqueur de stations-services et une travailleuse humanitaire enceinte et dépressive.
En 2003, Anders Thomas Jensen tournait Les Bouchers verts, mettant en scènes deux bouchers faisant commerce de viande humaine. La recette – si l’on ose dire – était excellente, mélange d’humour très noir et de fable sociale. Deux ans plus tard, il récidivait avec Adam’s apples (dont on se demande pourquoi diable le traducteur le sort sous son titre anglais) que j’avais raté à sa sortie et que je regarde en DVD confiné deux décennies plus tard.
Les ingrédients sont quasiment les mêmes que dans Les Bouchers verts – viande humaine et cannibalisme en moins : humour pince sans-rire, cynisme, critique au karcher de certains travers de la société danoise protestante et hypocrite. Sans parler du jeu excellent des deux acteurs : Ulrich Thomsen révélé par Lars von Trier et Mads Mikkelsen, ici à contre-emploi, qui, depuis, a fait la carrière hollywoodienne que l’on sait. Mais la sauce ne prend pas aussi bien.
Certes, Adam’s Apples évite le boulevard convenu qu’on redoutait qu’il emprunte : la noirceur de l’âme d’Adam le néo-nazi s’attendrira au contact de la bonté angélique d’Ivan. Il préfère emprunter un chemin de traverse surprenant : Ivan va s’avérer encore plus frappadingue, plus traumatisé qu’Adam, obligeant celui-ci à amender sa vie et faire taire sa haine.
Pour autant, une fois que le film est engagé dans cette voie, aussi cynique et ironique soit-elle, il ne fait ni rire suffisamment ni n’émeut assez pour qu’on y trouve jusqu’à son terme prévisible beaucoup d’intérêt.