La caméra empathique d’Anne-Claire Dolivet filme pendant une année une troupe de fillettes qui suivent les cours d’un atelier de danse dans le dix-huitième arrondissement parisien. Elle s’attache à quatre d’entre elles, Jeanne, la plus jeune, six ans à peine, Olympe, la plus espiègle, Ida, la plus douée et Marie, la plus hésitante.
Le sujet de ce documentaire peut inspirer quelques préventions. On pourrait craindre qu’il ait été paresseusement choisi pour attirer le public captif de toutes ces petites filles qui rêvent de devenir étoiles de l’Opéra et de leurs mères qui projettent sur elles leurs rêves inaboutis.
Et sa première moitié corrobore ces craintes. Sans grande originalité, on assiste à quelques leçons où l’on voit évoluer ces enfants minuscules qui essaient de se plier à l’implacable discipline de la barre sous la férule d’une professeure exigeante mais juste ; on suit ces jeunes filles, chez elles, où on imagine volontiers que la réalisatrice a eu l’autorisation de tourner en obtenant l’accord de parents d’abord réticents à dévoiler leur intimité.
Mais lentement, le documentaire prend de l’intérêt. Derrière des images gentillettes de fillettes en tutu qui s’essaient aux entrechats, on découvre une étonnante palette de sentiments : leur passion pour la danse, leur rêve à la fois inaccessible et admirablement ambitieux d’en faire leur métier, leur concentration, la peur qui les prend aux tripes – et qu’elle nous communique – à l’approche des concours, leur douleur physique quand elles se blessent, leur joie ineffable quand elles décrochent enfin une médaille.
Je me suis surpris à m’émouvoir alors que rien a priori, dans cette palette de sentiments-là n’aurait dû me toucher : je n’ai pas fait des pointes enfant et n’ai pas de petite fille hélas à accompagner à son cours de danse. Et j’imagine alors l’émotion que doit ressentir la petite spectatrice de six ans assise au bout de ma rangée et sa maman qui la couve.