David Locke (Jack Nicholson) est grand reporter pour la télévision. Mais las de sa vie, il décide de disparaître en prenant l’identité de David Robertson, le voisin de chambre brutalement décédé d’un arrêt cardiaque de l’hôtel qu’il occupe dans une bourgade isolée du Tchad.
Robertson se révèle être un marchand d’armes qui approvisionne un mouvement rebelle. Pour ce motif, Locke/Robertson est poursuivi par la police tchadienne. Nancy, la femme de Locke, qui veut éclaircir les circonstances du décès de son mari, est aussi à ses trousses. De Munich à Almeria, en passant par Barcelone où il fait la connaissance d’une jeune femme anonyme (Maria Schneider), Locke/Robertson doit fuir.
Profession : reporter marque un point d’orgue dans la carrière d’Antonioni, quinze ans après L’Avventura, cinq ans après Zabriskie Point. Le film est enseigné dans toutes les écoles de cinéma pour le plan-séquence qui le conclut. D’une durée de sept minutes, il part de la chambre où Locke/Robertson a enfin trouvé le repos et, dans un lent travelling avant, en franchit la fenêtre pour rassembler dans un long mouvement circulaire tous les protagonistes de l’histoire avant de revenir sur son héros.
Comme dans tout le cinéma d’Antonioni, Profession : reporter – bizarrement traduit en anglais The Passenger alors que son titre italien est bien Professione : reporter) est un drame de l’incommunicabilité et de l’identité. Son héros est à ce point dégoûté de sa propre existence qu’il décide de l’abandonner pour en prendre une autre. Mais ce stratagème rencontre vite ses limites. Locke (le choix du nom du célèbre philosophe anglais de la liberté ne doit bien sûr rien au hasard) découvre vite à ses propres dépens qu’on ne peut jamais se fuir totalement : on est rattrapé par sa propre histoire, comme Locke est rattrapé par sa femme, et l’on doit porter l’histoire de celui dont on a usurpé la vie.
La vénération qu’on voue à Antonioni est si respectueuse (j’en parlais déjà dans mes critiques très mitigées du Désert rouge et du Cri) que c’est du bout des lèvres que je m’autorise toutefois une note dissidente sur ce film unanimement porté aux nues. Je trouve que le choix de Jack Nicholson dans le rôle principal est malheureux. La star hollywoodienne – qui accumulait les nominations aux Oscars pour Easy Rider, Five Easy Pieces et Chinatown avant de tourner quelques mois plus tard Vol au-dessus d’un nid de coucou – a le sourcil trop sardonique, l’œil qui frise trop, l’ironie trop à fleur de peau, pour se cooler dans un personnage si mélancoliquement antonionien.