Toute l’action de Presence se déroule dans une spacieuse maison géorgienne à deux étages d’une banlieue huppée. Elle est filmée en caméra subjective à travers les yeux de l’occupant des lieux : un fantôme, un esprit. Il voit s’installer une famille typiquement américaine. La mère (Lucy Liu passée à la postérité il y a un quart de siècle grâce à ses rôles dans Charlie et ses drôles de dames et Kill Bill) porte la culotte, l’oreille rivée à son portable, embarquée dans des magouilles pas claires dont le père (Chris Sullivan) s’inquiète légitimement. Le fils aîné espère entrer dans une bonne université grâce à ses résultats en sport. La cadette, Chloé, se remet difficilement du brusque décès de sa meilleure amie. Elle seule sent confusément la présence d’un esprit dans les murs.
Steven Soderbergh est décidément un réalisateur hors pair. Il décroche à vingt-six ans à peine la Palme d’or avec son premier film, Sexe, Mensonges et Vidéo. Il devient avec Quentin Tarantino le fer de lance du cinéma américain. Pendant toute sa carrière, il alterne des films grand public (Erin Brockovich, Traffic, Ocean’s Eleven, Solaris…) et des oeuvres plus confidentielles à la limite de l’expérimentation. Il s’est même payé le luxe d’annoncer sa retraite… avant de revenir sur sa décision.
Ce touche-à-tout de génie a fait son miel d’un scénario écrit par David Koepp (le scénariste des Jurassic Park, des Indiana Jones, des Mission impossible…). On imagine volontiers ce qui l’a attiré dans ce récit raconté par les yeux d’un spectre, dans un espace clos dont il ne peut s’échapper. S’attribuant les fonctions de chef opérateur, Soderbergh a lui-même tenu la caméra pendant tout le film, s’amusant à tourner des plans-séquences décoiffants qui courent d’un étage à l’autre.
Le résultat n’est toutefois qu’à moitié convaincant. Presence tient tout entier dans la promesse sur laquelle il est construit : le tour de force d’une histoire filmée du point de vue d’un fantôme. La forme l’emporte sur le fond qui se révèle tout compte fait assez décevant. Les états d’âme de Chloé et la liaison toxique qu’elle entretient avec Ryan, un camarade de lycée de son frère, ne sont pas très intéressants. Quant à l’épilogue, il a pour seule qualité mais aussi pour énorme défaut, de donner la clé de l’énigme sur laquelle tout le film était construit : Presence aurait eu peut-être plus de sel si l’identité de son principal protagoniste nous était restée cachée.