Le 21 décembre 1989, en direct à la télévision roumaine, le dictateur Nicola Ceaușescu est hué par la foule. Il sera exécuté quatre jours plus tard avec sa femme après un procès expéditif. Ce Nouvel An qui n’est jamais arrivé, Grand Prix du dernier festival de Venise, suit pas à pas la vie de six Bucarestois ordinaires la veille de la chute du régime : un ouvrier dont le fils vient d’envoyer au Père Noël une bien embarrassante missive, un réalisateur à la télévision nationale obligé de retourner dans l’urgence la soirée du Nouvel An et de trouver une nouvelle actrice après la défection de la précédente, son fils qui a décidé de fuir le pays, un employé de la Securitate, la police secrète, sa mère qui refuse d’abandonner la maison où elle a toujours vécu….
On connaît la richesse du cinéma roumain depuis la Palme d’or ô combien méritée attribuée en 2007 à Christian Mungiu pour Quatre mois, trois semaines, deux jours. On sait que la fin du régime de Ceaușescu est un de ses sujets de prédilection. Ainsi 12h08 à l’est de Bucarest (2006) de Corneliu Porumboiu montrait avec une cruelle ironie comment les Roumains avaient souvent héroïsé leur participation à la chute de la dictature.
Ce Nouvel An… a une texture quasi documentaire. Il vaut d’abord par son échantillonnage sociologique : quatre hommes, deux femmes, de tous les âges et de tous les milieux. Parmi eux, un, l’employé de la Securitate, sert le régime, deux autres, l’actrice et le fils, le détestent, les trois autres le subissent avec résignation. Il vaut surtout par la finesse des caractères dépeints : ni héros, ni salaud, chacun a ses raisons et interroge celles que nous aurions eues si nous avions été dans la même situation. Défendre des valeurs, certes ; mais surtout sauver sa peau et celle des siens face à un avenir encore inconnu.
Ce Nouvel An… souffre d’une faiblesse structurelle. On en sait par avance la fin. On sait comment l’histoire se finira et on sait qu’elle se finira « bien », par la chute du dictateur et la fin de la dictature. Cette connaissance rétrospective éclaire d’un jour moins dramatique les événements traversés par les six protagonistes. Le drame devient moins dramatique (on ne tremble pas quand Laurențiu est arrêté), la comédie plus drôle. Il est caractéristique que l’épisode le plus réussi du film soit le plus ironique : la lettre au père Noël du fils de Gelu l’ouvrier.