Quasiment inconnue en France, la poétesse autrichienne Ingeborg Bachmann (1926-1973) est une célébrité outre-Rhin. Margarethe von Trotta s’attache à deux épisodes de sa vie : sa liaison avec l’écrivain suisse Max Frisch, le voyage qu’elle accomplit ensuite dans le désert égyptien pour se remettre de sa séparation.
Ce biopic a un atout immense : la présence de Vicky Krieps qui donne à son héroïne une incandescence inouïe. L’actrice germano-luxembourgeoise, qui a trop tourné au risque de galvauder son talent, s’est faite un peu plus rare ces dernières années. Ses apparitions en sont d’autant plus remarquables. Dans de sublimes toilettes, qu’on croirait détournées d’un défilé de mode ou de Phantom Thread, le film qui l’a révélée (et que j’avais à tort, boudé à sa sortie), elle donne à son personnage une intensité folle.
Le principal défaut de ce film est la sagesse de sa mise en scène, qui surprend d’autant plus qu’elle est signée par l’une des plus grandes réalisatrices allemandes Margarethe von Trotta, qui a déjà consacré plusieurs biopics à d’autres grandes figures de l’histoire contemporaine (Rosa Luxemburg en 1986, Hannah Arendt en 2012). Son montage, qui alterne les flashbacks et les flash-forward a le mérite d’intriguer (où par exemple se situe la toute première séquence du film ?) ; mais bien vite son mécanisme distille l’ennui.
Autre défaut qui pénalise ce film trop classique condamné à l’invisibilité par une programmation trop dense : comme souvent dans les biopics consacrés à des créateurs, on ne les voit pas créer, ou plutôt, on ne mesure pas le chemin qui conduit du pénible accouchement d’une oeuvre (ici réduit aux difficultés de concentration d’Ingeborg dérangée par le cliquetis de la machine à écrire de son compagnon) à sa présentation au public (elle aussi réduite à une lecture faite par la poétesse de son premier texte en prose Das dreißigste Jahr).