
Frankie souffre d’une maladie neurologique dégénérative qui altère sa conscience du temps et de la réalité. Depuis la mort brutale de son mari, dont les circonstances nous seront progressivement révélées, elle vit séparée de sa fille, confiée à la garde de sa belle-mère. Un soir, elle croit assister à une agression dans l’immeuble qui fait face à la station service qui l’emploie comme pompiste.
Gazer (bizarrement distribué en France sous le titre The Gazer), présenté à Cannes en mai 2024 à la Quinzaine, a mis près d’un an à trouver son chemin en salles. J’ai bien failli le rater tant sa sortie y fut discrète : pas de bandes annonces en salles, pas d’affiches aux flancs des bus. J’aurais eu tort ; car The Gazer, sans être un chef d’oeuvre, mérite le détour.
The Gazer a été tourné avec deux bouts de ficelles, en pellicule 16mm, par un réalisateur dont on ne sait rien, sinon qu’il est électricien (sic) dans le New Jersey. Son héroïne – et co-scénariste – porte certes un patronyme fameux mais n’a aucun lien de parenté avec le célèbre acteur italien.
The Gazer s’amuse à multiplier les références cinéphiles sans pour autant tourner à l’exercice prétentieux. Fenêtre sur cour de Hitchcock pour le crime observé dans l’immeuble en vis-à-vis. Taxi Driver de Scorsese pour son portrait de héros paumé lancé dans une traque angoissante dans les rues ici d’un New Jersey anomique. Conversation secrète de Coppola ou Blow Out de De Palma pour l’utilisation de vieilles cassettes audio et la découverte de ce qu’elles ont capté, inaudible à l’ouïe humaine. Memento de Nolan pour la mémoire en miettes de son héros, peut-être criminel à son insu. ExistenZ de Cronenberg pour son gristle gun, mi-objet mi-organe.
The Gazer relève le défi de maintenir la tension pendant ses presque deux heures. On se laisser séduire par le charme bizarre d’Ariella Mastroianni. On a envie, comme elle, de démêler l’écheveau de sa mémoire défaillante. Comment interpréter le dernier plan ? Est-il un ultime sursis avant l’instant fatal ? ou ouvre-t-il une lueur d’espoir ?