San Clemente (1982) ★☆☆☆

Le Reflet Médicis programme une rétrospective de sept documentaires de Raymond Depardon. Parmi ceux-ci, Délits flagrants filme des prévenus qui comparaissent devant un substitut en comparution immédiate. Je me souviens très bien de la déflagration que j’avais ressentie en le voyant en salle à sa sortie en 1994. Je découvrais le cinéma-vérité de Depardon que je ne connaissais pas et je fus hypnotisé par l’authenticité de ses images qui montraient la brutale confrontation de petits délinquants à l’appareil judiciaire.

Chronologiquement, San Clemente est le plus ancien. C’est aussi le seul que je n’avais pas encore vu. Quand Depardon le tourne, il a près de quarante ans et n’en est pas à son coup d’essai. Mais il est encore loin d’avoir réalisé ses œuvres les plus marquantes.

Sa grammaire est en place. Elle ressemble à celle de Frederick Wiseman, son illustre devancier outre-Atlantique : tournage en noir et blanc, équipe technique minimaliste (l’accompagne à la prise de son Sophie Ristelhufber qui co-signe la réalisation et que remplacera ensuite, à partir de la fin des années 80 l’irremplaçable Claudine Nougaret), montage cut sans voix off ni carton….

Depardon était allé réaliser un reportage photographique dans l’île de San Clemente, située dans la lagune de Venise, trois ans plus tôt. Il retourne dans cet ancien monastère converti en asile psychiatrique alors que sa fermeture est annoncée. Il obtient de la direction l’autorisation d’y filmer librement les patients. Le procédé interroge : ne constitue-t-il pas une violation du droit à l’image de personnes incapables de se défendre ? Je pense (je crains ?) qu’une telle autorisation ne serait pas aussi facilement délivrée de nos jours.

L’internement psychiatrique est un sujet qui ne cessera pas de fasciner Depardon. Il y consacrera deux autres documentaires : Urgences (1987) sur le service d’urgence psychiatrique de l’Hôtel-Dieu au centre de Paris et 12 jours (2017) son dernier film en date, sur la procédure judiciaire qui encadre, au-delà de douze jours, le maintien sans son consentement d’un patient en hôpital psychiatrique.

Frederick Wiseman a lui aussi consacré un documentaire à l’asile, l’un de ses tout premiers dès 1967, Titicut Follies. La comparaison avec San Clemente tourne nettement à l’avantage de l’Américain. Depardon filme des patients. Wiseman au surplus filme une institution en en décortiquant l’organisation et le fonctionnement. C’est cette dimension-là qui fait cruellement défaut au documentaire de Depardon dont les longs plans-séquences de patients fous, très fous, très très fous…. ou peut-être sains d’esprit dans un monde qui ne les accepte pas… deviennent vite répétitifs.

La bande-annonce

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