Deux mercenaires à la recherche du secret de la poudre noire arrivent sur la Grande muraille de Chine au moment où celle-ci reçoit l’assaut d’une horde de bêtes monstrueuses.
« La Grande muraille » est un drôle de mélange. Mélange de genres : comme si la bataille du gouffre de Helm du « Seigneur des Anneaux » se déroulait au pied du Mur du Nord de « Game of Thrones ». Mélange des cultures : si le rôle principal est tenu par la star hollywoodienne Matt Damon, si on aperçoit Pedro Pascal (pour séduire le public latino ?) et Willem Dafoe, les autres personnages sont tous chinois et le film reprend quelques uns des codes des wu xia pan, les films de sabre chinois.
« La Grande muraille » est particulièrement intéressant du point de vue géopolitique à l’heure où on s’interroge sur la capacité de la Chine, super-puissance en devenir, à se doter des atouts du « soft power ». Ce film constitue une tentative du cinéma chinois de partir à la conquête du box-office mondial. Pékin n’a pas lésiné sur les moyens en réalisant la superproduction la plus coûteuse jamais tournée sur le sol chinois.
Son arrière-plan idéologique est double. Premièrement la mythification de la Grande muraille, une attraction touristique dont la renommée repose sur un double mensonge : elle n’a jamais protégée la Chine des invasions barbares … et elle n’est pas visible de l’espace. Mais le mythe de la Grande Muraille permet d’exalter l’esprit de sacrifice des guerriers chinois prêts à donner leur vie pour défendre la mère patrie – tandis que les mercenaires occidentaux vendraient leur mère pour un sac d’or. Deuxièmement, une main tendue vers les Etats-Unis, conforme à l’idéologie de l’émergence pacifique (Zhonghuo heping jueqi) prônée par Hu Jintao et par son successeur. L’histoire de « La Grande muraille » est celle de la rencontre d’un mercenaire anglais (sic !) et d’une guerrière chinoise que tout semble a priori opposer mais qui, face à un ennemi commun, uniront leur force – à défaut de faire sauvagement l’amour car le film est évidemment classé G.
Et le cinéma dans tout ça ? « La Grande muraille » est un blockbuster insipide, anormalement court (1h44 seulement), sans l’humour irrévérencieux, qui émaille désormais les productions américaines mais auquel le public chinois semble encore trop allergique, et avec une tonne de lézards baveux grossièrement dessinés à la palette graphique. Si Matt Damon a l’air de s’ennuyer ferme, la révélation Jing Tian en revanche crève l’écran.