Qui connaît le cinéma afghan ? Personne. Et pour cause : il n’y existe aucune industrie cinématographique. Ni Hollywood. Ni Bollywood. Rien. Rien … sauf Salim Shaheem, un auteur de série Z qui, avec trois bouts de ficelle filme à la chaîne des romances, des drames, des comédies musicales plus ou moins autobiographiques.
Un héros bigger than life. Il suffit de jeter un œil à la bande annonce pour se laisser séduire par ce cinquantenaire ventripotent, par son inépuisable faconde, par sa mythomanie revendiquée, par son optimisme à tout crin. La documentariste Sonia Kronlund y a succombé. Fine connaisseuse de l’Afghanistan, elle a mis ses pas dans les siens le temps d’un documentaire, heureuse de présenter de l’Afghanistan une image plus riante que celle d’un pays saigné à blanc par le fondamentalisme, l’occupation étrangère et les retards de développement.
Sonia Kronlund a décroché un sujet en or. Elle fait le portrait du héros de l’inépuisable réalisateur, de ses fidèles collaborateurs et aussi, en filigrane, de la société afghane. Celle-ci apparaît moins monolithique qu’on ne l’imagine. Certes, les images de Nothingwood révèle une société qui suinte la misère : des routes défoncées, des intérieurs délabrés et – ce qui choque immanquablement l’audience occidentale – des foules exclusivement masculines. Mais l’accueil bon enfant que cette société réserve aux provocations de Salim Shaheen surprend au moins autant : Qurban Ali, l’acteur de la troupe qui endosse systématiquement des rôles efféminés et dont l’homosexualité ne fait guère de doute, ne fait l’objet d’aucune réprobation.
Sonia Kronlund s’est peut-être laissée aller à la facilité, se bornant à filmer le temps d’un tournage Salim Shaheem à Bamiyan, là où s’élevaient les Bouddhas géants dynamités par les Taliban en 2001. Elle ne creuse pas assez des questions qui auraient mérité de l’être : comment Shaheem finance-t-il ses films ? comment en assure-t-il la distribution ? Quelles relations entretient-il avec les autorités ? avec la censure ? Pour autant, son héros est tellement exotique, tellement euphorisant qu’on se contente volontiers de le suivre pendant une heure vingt-sept sans se poser trop de questions.