Dans une région reculée de la Bulgarie, un groupe de manœuvres allemands construit un ouvrage hydroélectrique. Mais les travaux sont interrompus par le manque d’eau et de graviers. Tandis que ses collègues paressent au soleil dans leur campement, Meinhardt se rapproche des habitants du cru. Le contact n’est pas simple faute de parler la même langue ; mais il se noue lentement.
De l’importance d’un titre. Western aurait pu s’intituler Meinhardt. Car c’est autour de son héros, maigre comme un clou, sec comme une trique, aussi habile de ses doigts qu’avare de ses paroles, cachant peut-être dans un passé qu’il dévoile par bribes des secrets qu’il veut taire, que le film se construit.
Mais Valeska Grisebach voit plus loin. La réalisatrice allemande entend donner à son film une ambition plus grande. Elle transpose aux frontières orientales de l’Europe les recettes du western américain. Soit l’arrivée d’hommes soi-disant civilisés dans un milieu peuplé de peuplades hostiles qu’il s’agit de subjuguer ou, à défaut, de détruire.
Comparer des paysans bulgares à des Commanches ou à des Navajos est un parallèle audacieux voire provocateur. C’est déjà sur ce hiatus, au sein même de l’Europe des 28, que Maren Ade, qui co-produit Western, avait construit Toni Erdmann dont l’action se déroulait en Roumanie. Autant je n’avais pas aimé dans ce dernier film l’histoire du père et de sa fille, autant j’avais été sensible à la justesse de l’analyse des relations dissymétriques entre la businesswoman allemande et son staff roumain.
Dans Western, Valeska Grisebach met en scène une situation que nous avons tous vécus, en accueillant un correspondant anglais incapable de parler deux mots de français, ou en tentant de négocier une babiole dans un souk égyptien : l’incommunicabilité. Comment se faire comprendre de gens qui ne parlent pas notre langue ? Avec deux mots d’anglais ? avec des gestes ? des mimiques ? La réalisatrice nous facilite la tâche en sous-titrant le bulgare que Meinhardt ne comprend pas et ses réponses en allemand que ses interlocuteurs bulgares ne comprennnent pas plus. Pour rendre plus frappantes encore ces difficultés de communication, elle aurait dû enlever ces sous-titres, au risque de perdre complètement le spectateur.
Pour donner du nerf au récit, le scénario invente une rivalité au sein de la troupe allemande entre Meinhardt, qui souhaite resserrer les liens avec la population bulgare, et son chef de chantier, Vincent, qui y est hostile et ne l’envisage que dans une perspective utilitaire (draguer les femmes, voler de l’eau, acheter du gravier…). Cette hostilité latente, qui pourrait à chaque instant basculer dans la violence, maintient, tout le long du film, une tension électrisante. On attend qu’elle explose dans son dénouement. Celui-ci déjoue toutes nos attentes. Les déçoit-il pour autant ? Je vous laisse en juger.