Le vénérable Wirathu est un moine birman qui excite ses coreligionnaires en prônant l’islamophobie.
À soixante-quinze ans passés, Barbet Schroeder a eu plusieurs vies. Dans les années soixante, il est un compagnon de route des cinéastes de la Nouvelle Vague dont il produit les films. Dans les années soixante-dix, il passe derrière la caméra. Dans les années quatre-vingts il s’expatrie aux États-Unis.
À côté de son œuvre de fiction, il signe une œuvre documentaire d’une extrême richesse. Son dénominateur commun : filmer le Mal. les yeux dans les yeux. Amin Dada, le dictateur ougandais, Jacques Vergès, l’avocat de Barbie et, aujourd’hui, ce moine bouddhiste quasiment inconnu en Occident qui fomente des pogromes contre la minorité musulmane de Birmanie.
Le documentaire de Barbet Schroeder est construit autour d’un paradoxe : comment peut-on être bouddhiste et raciste à la fois ? comment peut-on prôner la paix et instiller la violence dans le même discours ? De longs entretiens du moine Wirathu et des documents d’archives, souvent filmés sur de simples téléphones portables, documentent à la fois le discours de la haine et sa mise en œuvre, d’une insoutenable violence (le film est légitimement interdit aux moins de douze ans).
Dans une interview au Monde, Barbet Schroeder affirme pertinemment que ses personnages, pour retenir l’attention du spectateur, doivent cultiver une certaine ambiguïté. C’est précisément là que le bât blesse. Sans doute la robe safran, le crâne rasée et la voix posée de Wirathu ne laissent-ils pas deviner le dangereux idéologue. Mais une fois ce masque levé, Wirathu n’est en rien ambigu. C’est un petit monsieur vaniteux et haineux. Son discours est si simpliste qu’il cesse d’être effrayant. Et le film de Barbet Schroeder qui aspirait sans doute à s’élever à une réflexion sur l’universalité du Mal se réduit à un honnête documentaire sur les violences commises contre les Rohingyas de Birmanie.