Sarah a quinze ans. Elle fait du patin artistique en sports études et prépare fiévreusement les championnats de France sous la férule de Xavier, un entraîneur sadique, et de sa mère, une Russe installée en France. Mais des patins, Sarah aimerait en rouler à des garçons de son âge et vivre une vie « normale » sans être asservie à son sport.
L’affiche du film résume à merveille Kiss & Cry. En haut, une patineuse surmaquillée, les cheveux nattés, dans une combinaison kitsch, se concentre. En bas, une ado rieuse entourée d’amies glousse en envoyant des photos sur Snapchat.
Le film co-réalisé par Chloé Mahieu et La Pinell fait coup double. D’un côté, il documente l’univers impitoyable du patinage artistique. De l’autre, il filme une bande d’adolescentes avec une rare délicatesse.
Le monde du patinage artistique avait rarement été filmé. Après avoir vu Kiss and Cry, on se demande bien pourquoi tant il semble se prêter à la dramatisation : un groupe de personnages – les patineuses – tendues vers un objectif commun – les championnats de France – doivent traverser une série d’épreuves – leurs chamailleries, la tyrannie de leur entraîneur, la pression de leurs parents. C’est par cette porte d’entrée là que les réalisatrices en sont venues à tourner ce film. Il est né d’un documentaire réalisé en 2014 autour d’un groupe de jeunes championnes. Leur entraîneur – plus vrai que nature – et elles reprennent leur rôle. Seule actrice professionnelle, la mère de Sarah, la Russe Dinara Droukarova aperçue récemment dans La Supplication ou Trois souvenirs de jeunesse. Il y a quelques mois était sorti sur les écrans un documentaire similaire sur le monde de la natation synchronisée Parfaites.
Plus dangereux était la description de l’adolescence, si souvent traitée au cinéma avec un bonheur inégal. Les jeunes réalisatrices relèvent le défi haut la main, qui réussissent à rendre attachante Sarah. Elle a la moue boudeuse de l’ado butée – on pense à Dana, la fille de Brody dans Homeland. Elle a une façon bien à elle de refuser la tendresse d’un premier baiser. Elle a le juron facile (quand une jeune fille dit « j’m’en bats les couilles », j’ai toujours une seconde d’hésitation) et le rire communicatif.
La dernière scène pourra décontenancer. Tout bien considéré, c’était la façon la plus intelligente de conclure ce film attachant.