Sur l’affiche deux personnes se font face. Alliés ? Ou ennemis ? D’un côté Neïla Salah (Camélia Jordana starlette de la chanson – La nouvelle star – passée au cinéma) : une jeune beurette de banlieue fait sa rentrée en fac de droit à Assas. De l’autre Pierre Mazard (Daniel Auteuil toujours aussi cauteleux) : un vieux cacique cravaté et raciste l’attaque frontalement pour son retard, son langage et sa tenue vestimentaire avant d’être obligé par le président de l’université de la préparer au concours d’éloquence pour faire pièce aux critiques qui le ciblent sur les réseaux sociaux.
J’ai hésité près de deux mois à aller voir Le Brio. Les conseils de quelques amis, son succès insolent au box office (où il s’achemine doucement vers les deux millions d’entrées) ont fini par me convaincre. Et je serais définitivement malhonnête si je refusais d’admettre que je n’avais pas été touché par cette histoire, par ses personnages, par sa conclusion surprenante – là où j’attendais inévitablement le succès triomphal de Neïla en finale du concours.
Pour autant, comment ne pas exprimer des réticences devant tant de caricatures et de simplifications ? À commencer par cette affiche. La photo est prise dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne – alors que l’action est censée se dérouler rue d’Assas à Paris II – et Neïla Salah arbore fièrement un code civil – alors que Pierre Mazard enseigne l’histoire du droit.
Neïla, le cheveu noir, la langue bien pendue, une mère célibattante, une grand-mère débordante d’amour (on retrouve les trois générations de L’Art de perdre, l’extraordinaire roman d’Alice Zeniter), habite un HLM à Créteil. Pierre Mazard constitue son parfait opposé : un mandarin de la faculté, caparaçonné dans son costume-cravate, emmuré dans ses certitudes, qui dîne seul dans un bistro du Quartier latin et vit rue Malebranche.
Comme de bien entendu, nos deux héros, si différents, vont commencer par se détester. Comme de bien entendu, ils vont finir par s’adorer. Ce schéma a déjà fait ses preuves : La Grande vadrouille, L’Arme fatale, Intouchables… Le film déroule sagement toutes les étapes de cette histoire cousue de fil blanc, l’égrenant de quelques préceptes simplistes : pour réussir, il faut se tenir droit, bien articuler et soigner ses apparences.
Sous des abords politiquement correct (acceptons les autres et leurs différences), il charrie en fait un conservatisme sans âge (l’intégration suppose la soumission aux règles de la majorité).
À ce film formaté, concocté pour les dimanches soirs de France 2, préférez sans hésiter l’un des tous meilleurs documentaires de l’année passée, À voix haute, qui suit les candidats du concours Eloquentia et leurs coachs.