Il a un Alzheimer. Elle a un cancer. Ella et John Spencer sont mariés depuis près de cinquante ans et s’aiment d’un amour toujours aussi tendre. Mais la maladie les a rattrapés et les jours leur sont comptés. Plutôt que d’aller mourir à l’hôpital, ils prennent une dernière fois leur camping-car pour d’ultimes vacances en Floride.
Sujet plombant ? Sans doute. La fin de vie d’octogénaires cacochymes n’est pas un sujet gai. Il n’intéressera ni les jeunes – qui lui préfèreront des sujets plus riants – ni les vieux – qui n’ont pas envie qu’on leur rappelle leur fin prochaine. D’ailleurs L’Échappée belle, quasiment sorti des écrans au bout de quatre semaines d’exploitation, fait un bide.
Pourtant, malgré ses défauts, son manque de rythme, ses longueurs, le film de Paolo Virzi n’est pas sans intérêt. Il est interprété par deux monstres sacrés du cinéma, un couple qui n’est pas sans rappeler Spencer Tracy et Katherine Hepburn. Elle, malgré le cancer qui la mine, n’a rien perdu de sa faconde. C’est un moulin à paroles qui se lie avec chaque personne qu’elle croise, lui racontant dans la seconde la réussite de ses enfants et les qualités de son mari. Lui perd gentiment la tête, malgré quelques éclairs de lucidité – qui lui permettent par exemple de réciter des pages entières d’Hemingway ou de Joyce qu’il a longtemps enseignés ou, dans une scène hilarante, de reconnaître une ancienne élève perdue de vue depuis des décennies alors qu’il peine à se souvenir du prénom de ses propres enfants.
Ces deux octogénaires descendent tranquillement la route 1, du Massachusetts jusqu’à la Floride des Keys. Cet itinéraire est moins connu que la route 66 – qui traverse les États-Unis d’Est en Ouest et sur laquelle l’action du livre dont L’Échappée belle est adapté se déroule. Sous leurs yeux, l’Amérique de l’été 2016 ne change pas toujours pour le meilleur – Trump y mène une campagne qui s’avèrera victorieuse.
Je fais montre d’une indulgence coupable en attribuant trois étoiles à ce film qui n’en mérite pas tant. Dans le même registre, on lui préfèrera La Maison du lac et Amour, Daddy Nostalgie ou Loin d’elle. Pour autant, son thème a pour moi, ces temps-ci, une résonance personnelle qui me touche profondément.