Le cinéma algérien est d’une étonnante vitalité. Depuis quelques années, au risque d’ailleurs de créer un effet de lassitude, les films se multiplient, documentaires ou fictions, qui dressent de l’Algérie le portrait le plus sombre : La Chine est encore loin (2008), Les Terrasses (2013), Contre-pouvoirs (2015), Dans ma tête un rond-point (2016), En attendant les hirondelles (2016), À mon âge je me cache encore pour fumer (2016), Les Bienheureux (2017), etc.
Cette longue énumération est doublement révélatrice. Révélatrice bien sûr au premier chef de l’état de l’Algérie qui peine à refermer les blessures de la guerre civile qui l’a déchirée pendant dix ans. Mais révélatrice aussi paradoxalement de l’ouverture d’un régime qui accepte sinon de financer (ses films sont le plus souvent tournés avec des capitaux étrangers) du moins de laisser tourner des réalisations aussi critiques. Il est significatif que la Russie, la Turquie ou la Chine, pour ne citer que ces sympathiques démocraties, ne produisent guère d’œuvres similaires – ou du moins que, si elles existent, elles ne soient pas diffusées en France.
Le réalisateur Merzak Allouache, qui, à cheval sur les deux rives de la Méditerranée, s’est fait un nom dans la fiction (Chouchou, Bab el web, Les Terrasses…) choisit la voie du documentaire pour décrire son pays. Un documentaire en partie fictionnalisé puisqu’il confie le rôle de la journaliste à l’actrice des Terrasses Salima Abada. Comme le titre l’annonce, son enquête a pour objet le paradis et les fantasmes qu’il nourrit. La thèse est simple et la démonstration aisée : les Algériens projettent au paradis leurs frustrations et leurs rêves. En particulier, la frustration sexuelle masculine y trouve un mirage : ces 72 vierges qui attendent pantelantes le Musulman méritant.
En interrogeant tour à tour des hommes de la rue – les femmes refusent de répondre au micro qui leur est tendu – des imams qui incarnent un Islam malékite modéré, des intellectuels laïcs (on reconnaît au passage Kamel Daoud et Boualem Sansal), Enquête au paradis a tôt fait de mettre les rieurs et les cartésiens de son côté : d’où viennent ces 72 vierges et comment gérer le déséquilibre démographique du paradis ? les hommes mariés pourraient-ils en jouir ? quelle place y aurait-il pour les femmes mariées ? et comment ces vierges le resteraient-elles ?
Il n’est pas sûr que ce seul sujet suffise à nourrir un film. D’ailleurs, Enquête au paradis s’en écarte pour élargir son propos. Il le fait malheureusement sans ordre ni rigueur pour dénoncer l’usage pernicieux d’Internet, qui est devenu le seul loisir et la seule éducation d’une jeunesse désœuvrée, les dérives d’un régime corrompu qui a passé un pacte tacite avec les religieux pour enfermer la société dans une gangue moralisatrice et l’influence rampante du wahhabisme – ce qui décharge peut-être un peu vite l’Algérie et les Algériens de toute responsabilité dans la montée du fondamentalisme. Il a aussi le tort de le faire dans une durée trop longue qui, passé deux heures, perd en efficacité. C’est d’autant plus dommage que la sincérité du propos et l’intérêt du sujet auraient pu faire de ce documentaire, resserré autour d’un thème mieux délimité et dans une durée plus maîtrisée, une complète réussite.
Un tel film suscite-t-il de l’intérêt? Oui, parce que c’est intriguant, comme des https://sokrostream.cloud/ films similaires