Tara a tout pour être heureuse : un mari aimant, deux bambins débordants de vie. Mais Tara s’ennuie. Tara étouffe. Cette jolie trentenaire, femme au foyer, ne supporte plus son mari, son égoïsme. Elle a beau chérir ses deux jeunes enfants, elle ne supporte plus leurs cris et la vie asservissante à laquelle ils la condamnent.
Un beau jour, elle décide de fuir. Destination Paris où elle rêve de voir de visu La Dame à la licorne. Escapade sans lendemain ou évasion définitive ?
Filmer l’ennui n’est pas facile. Une femme heureuse, dont le titre français, on l’aura compris, est une antiphrase, y réussit pourtant. C’est un mal insidieux, qui guette nos sociétés repues – et dont Wall-e par exemple rendait compte merveilleusement dans sa première demie-heure. L’Ennui de Moravia – porté à l’écran sans démériter par Cédric Kahn en 1998 – l’envisageait du point de vue masculin. L’ennui qui sourd des vies à moitié vides des femmes au foyer est un sujet souvent traité par la littérature (Emma Bovary, Anna Karenine, Effi Briest, Ariane Deume…) et au cinéma (Belle de jour avec Catherine Deneuve, Loin du paradis avec Julianne Moore, Little Children avec Kate Winslet, La Vie domestique avec Emmanuelle Devos…)
Une femme heureuse n’est pas un film spontanément sympathique. Plusieurs spectateurs ont d’ailleurs quitté la salle en cours de séance. Pendant sa première moitié, on y voit en très gros plan une femme qui pleure, broyée par une inexorable dépression. Pendant la seconde, on la suit prendre la poudre d’escampette à Paris dont même les façades lépreuses des immeubles haussmanniens du dixième arrondissement, au sortir de la gare du Nord, sont pour la Londonienne la promesse d’une renaissance. Jusqu’à un dénouement inattendu que je ne suis pas sûr d’avoir d’ailleurs totalement compris.
Mais Une femme heureuse est portée par la grâce de son actrice principale qui a produit elle-même ce film. Gemma Arterton est de tous les plans. Depuis que je l’ai découverte dans Tamara Drewe, je suis incapable de parler de ses films sans consacrer un long paragraphe à l’adoration suspecte que je lui voue. Son visage triste, sa lippe, son accent, tout en elle m’émeut. Et dans ce film plus que dans tous autres, parce qu’elle joue sans fard une femme désespérée, parce qu’elle refuse tout glamour, Gemma Arterton émeut.