Hakim et Latifa ont fui la guerre civile algérienne, vingt ans plus tôt, pour se réfugier en France. Ils se sont installés dans le Jura où Hakim travaille comme contremaître dans une scierie. Ils ont eu deux filles : Leïla, qui est montée à Paris suivre une formation de coiffeuse, et Nedjma.
Sans nouvelles de Leïla depuis plusieurs mois, Hakim décide de partir à sa recherche en compagnie de sa cadette. Il ne la retrouve ni dans le salon où elle était censée travailler ni dans l’appartement qu’elle était censée occuper. L’inquiétude du père pour sa fille grandit au fil de ses découvertes.
L’intrigue de Ma fille vous est-elle familière ? La raison en est peut-être que vous aurez déjà vu, à l’occasion d’une de ses nombreuses rediffusions, Le Voyage du père, un film de 1966 de Denys de La Patellière. Fernandel y joue le rôle principal, celui précisément d’un père à la recherche de sa fille dont il apprend bientôt qu’elle a quitté son travail pour se prostituer.
Le film de 2018 présente quelques différences avec celui de 1966 – et avec le roman de Bernard Clavel publié l’année précédente qui l’avait inspiré. L’action se déplace de Lyon à Paris, moderne Babylone. Le film inclut une séquence dans une boîte échangiste, qui semble constituer désormais le passage obligé de tous les scénarios français avides d’exciter le chaland. Surtout, le personnage principal, un « blédard » dont l’amour paternel se fracasse sur l’amoralité de la capitale, n’est plus joué par un paysan, mais par un immigré. Ce changement de perspective signe, mieux que de longs essais, une évolution majeure dans la société française : la fracture sociale ne passe plus – ou plus seulement – entre paysans et citadins mais entre immigrés et Français de souche.
Pendant vingt-quatre heures, Hakim et Nedjma sillonnent Paris pour retrouver Leïla. Ma fille vaut moins par les rebondissements de cette histoire trop prévisible, qui ressemble parfois à une visite guidée des bas-fonds parisiens, que par l’interprétation de Roschdy Zem. Il a étonnamment les mêmes qualités et les mêmes défauts que Fernandel. L’un et l’autre jouent à merveille le rôle de ce père aimant, culpabilisé par le départ de sa fille du foyer familial et par sa disparition, prêt à tout pour la retrouver – on tremble, l’espace d’un combat à mains nus dans la cuisine d’une boîte de nuit, que Roschdy Zem ne se mue en Liam Neeson version Taken. L’un et l’autre en font un peu trop, surjouant leur rôle de provincial déplacé au risque de l’enfermer dans une caricature.