En 1973, l’anthropologue mexicain Santiago Genovés décide de réaliser une ambitieuse expérimentation. Pour étudier les mécanismes de la violence, la façon dont elle naît au sein d’un groupe, se contient ou dégénère, il place six femmes et cinq hommes à bord d’un radeau au milieu de l’Atlantique entre les Canaries et le Yucatán. Pour attiser les tensions, il les choisit de pays, de conditions et de religions différentes, apparie des blondes appétissantes et un prêtre angolais.
Quarante trois ans après les faits, le réalisateur suédois réunit les survivants, les interrogent sur cette expérience hors du commun et entremêlent ces interviews d’images d’archives.
The Raft lève le voile sur une expérience aujourd’hui oubliée dont on se demande – même si The Loft et Koh Lanta sont passés par là – si elle aurait reçu aujourd’hui les autorisations pour être menée à bien. Imaginez : onze personnes sans expérience de la navigation placés sur une boîte de conserve, sans moteur ni navire suiveur, dans le seul but de les regarder s’étriper.
Mais rien ne se passe comme prévu. Au lieu de se sauter à la gorge, les membres de l’expédition sympathisent et se soutiennent. Comment d’ailleurs aurait-il pu en être autrement ? Comment imaginer que onze jeunes gens en pleine santé, ayant fait acte de candidature, connaissant par avance la durée et la condition de leur isolement, puissent reproduire le comportement par exemple de passagers kidnappés dans un détournement d’avions ou de prisonniers torturés dans une prison insalubre, sans doute moins capables de résilience ?
La seule violence qui s’exprimera à bord de l’Acali sera celle de Santiago Genovés lui-même, embarqué avec ses cobayes, qui essaie par tous les moyens, même les plus retors, de les monter les uns contre les autres, afin que « quelque chose se passe » durant cette croisière trop tranquille. Il n’y parviendra pas. Pire : après avoir destitué la capitaine suédoise, il réussira simplement à se mettre le reste de l’équipage à dos et sera contraint à l’isolement.
La seule chose que l’expérience démontre est le poids, presque caricatural, des origines nationales. Chacun des passagers de l’Acali se comporte ainsi qu’on l’imagine de la part des ressortissants des pays dont ils sont originaires. La Suédoise a la rigueur toute scandinave de ceux qui ne rigolent pas avec les règlements. L’Afro-américaine se braque contre toute forme de discrimination. Le Japonais, timide et médiocrement anglophone, trouve que toutes les femmes ont de gros seins. Quant aux deux Françaises, elles sont les plus jolies filles du bateau !