Yoel (Ori Pfeffer) est un Juif orthodoxe qui travaille à l’Institut d’histoire de Jérusalem. Il est spécialiste de la Shoah. Il est chargé d’enquêter sur le charnier de Lendsdorf en Autriche où deux cents Juifs auraient été tués en 1945 durant les « marches de la mort » après l’évacuation des camps d’extermination. Sur place, la commune souhaite lotir un terrain où les recherches archéologiques n’ont pas permis de localiser le lieu de l’exécution.
Le pitch des Témoins de Lendsdorf pointe dans une direction. On escompte une enquête sur un crime, commis à la fin de la Seconde guerre mondiale, où peut-être des intérêts se ligueront pour conduire à une exécution massive : l’antisémitisme des Autrichiens, la complicité passive de l’Armée rouge voire la participation de quelques Juifs, prêts à trahir leurs coreligionnaires pour sauver leur peau. Comme récemment dans Le Labyrinthe du silence ou dans Fritz Bauer, un héros allemand, on attend aussi peut-être un procès à charge contre l’Autriche contemporaine emmurée dans la loi du silence et le déni de ses responsabilités. Mais rien de tout cela ne se concrétise.
L’enquête obsessionnelle menée en Autriche par l’austère Yoel, sa course contre la montre contre le projet immobilier qui risque d’enterrer sous le ciment les dernières traces des disparus, n’est qu’une des deux facettes du film. L’autre, sans doute la plus intéressante, est la révolution intérieure que cette enquête provoque dans la vie du héros. À l’occasion de ses investigations, il va découvrir sur sa mère des faits dont il ignorait tout. Le travail du critique est compliqué par l’interdiction qui pèse sur lui de révéler ces faits sinon de dire qu’ils interrogent l’identité du héros et sa foi.
À la fois thriller mémoriel et drame personnel, mêlant enquête historique et quête identitaire, Les Témoins de Lendsdorf fait coup double.