De 1973 à 1985, trois opposants politiques à la dictature uruguayenne ont été mis au secret, sans procès. Compañeros raconte les conditions inhumaines de leur détention et la force d’âme qu’ils ont manifestée pour ne pas sombrer dans la folie.
Nous est venu d’Amérique latine un grand nombre de témoignages sur la dictature. Le premier en date, Missing de Costa-Gavras, concernait le Chili de Pinochet et remportait à bon droit la Palme d’Or à Cannes dès 1982. En 1985, L’Histoire officielle de Luis Puenzo, dont l’action se déroule en Argentine, avait marqué les esprits. Jusqu’à nos jours sortent régulièrement des films argentins (Kamchatka, Buenos Aires 1977, L’œil invisible) ou chiliens (La Jeune fille et la Mort, Mon ami Machuca, Santiago 73, Post Mortem) qui reviennent sur ces temps troublés.
On connaît moins bien l’histoire de l’Uruguay, ce petit pays coincé entre ses voisins, dont le seul titre de gloire international est d’avoir accueilli la première Coupe du monde de football en 1930 – et Jacques Médecin, l’ancien maire de Nice, au début des années quatre vingt dix. On oublie qu’un coup d’État y porta au pouvoir le 27 juin 1973 une dictature militaire dont les méthodes n’avaient rien à envier à celle de ses voisines argentine ou chilienne.
Les opposants politiques à la dictature furent emprisonnés dans des conditions dégradantes. Compañeros raconte l’histoire de trois Tupamaros, placés à l’isolement, interdits de communiquer entre eux, régulièrement transférés d’une prison à l’autre. Parmi eux José Mujica devint président de la République entre 2010 et 2015.
Compañeros est construit sur un ressort simple sinon simpliste. Ce film de plus de deux heures décrit non sans complaisance, comme l’avait fait en son temps Midnight Express pour les geôles turques, les tortures physiques et psychologiques infligées à des prisonniers. Mais ce spectacle parfois traumatisant n’a d’autre but que de magnifier la résilience des trois prisonniers. S’ils oscillent sur les bords de la folie – on oscillerait à moins – on sait qu’ils ne flancheront pas. Cette confiance dans l’invulnérabilité des trois héros met paradoxalement l’émotion à distance.